Un album hivernal plus qu’un album de Noël
L’année 2009 aura été riche en albums de Noël inattendus de la part d’artistes talentueux dont cela n’est pas, à priori, la tasse de thé : Tori Amos (dont nous avons déjà parlé), Bob Dylan et Sting, donc. Mais si ce choix paraît surprenant de la part de l’ex-leader de The Police, il convient de redéfinir le terme d’album de Noël. »
En effet, If On a Winter’s Night, composé en partie de chants traditionnels anglo-saxons et de titres originaux, ne sonne pas comme l’album saisonnier typique au sens où le chanteur ne reprend aucun titre vraiment connu et certainement rien du genre de « Jingle Bells », « Il est né le divin enfant »ou « Mon beau sapin. » D’ailleurs, comme Tori Amos, Sting a pris le parti de centrer l’album sur le solstice hivernal (symbolisant la renaissance de la lumière dans les ténèbres), célébré de manière ancestrale en Grande-Bretagne bien avant Noël. D’où des titres évoquant la saison (et parfois Noël, avec certaines références religieuses lorsqu’il reprend des morceaux traditionnels), d’inspiration souvent celtique, avec des cordes, de l’harmonica… Un album traditionnel donc, mais au bon sens du terme.
Un album de traditions
Cet album, s’il peut donc étonner de la part de Sting, est des plus réussis et le soin porté à chaque titre en fait même un travail particulièrement abouti. Les titres inspirés ou tirés de la tradition anglo-saxonne (beaucoup d’inspiration celtique, notamment), très forts, font penser au travail que l’artiste avait effectué pour la B.O. du film d’Anthony Minghella, Retour à Cold Mountain (2003 – le film se déroulait pendant la Guerre de Sécession en Amérique) par leur côté folkorique marqué et parfaitement assumé.
Les titres originaux, plus rythmés et au travers desquels transparaît davantage l’inspiration pop-rock de l’artiste, se démarquent également (en particulier l’excellent single « Soul Cake ») tout en se révélant très cohérents vis-à-vis des titres traditionnels. Les arrangements, de toute beauté, sont bien dosés et apportent une belle intensité aux chansons sans jamais trop en rajouter (pas de déluges de violons larmoyants, donc) créant une ambiance feutrée.
Les choeurs, assez présents, ne tombent jamais dans les travers des chants de chorale saisonniers mais apportent une dimension assez mystérieuse à l’ensemble: sur un titre comme « Balulalow », ceux-ci évoquent de manière magistrale le souffle du vent hivernal, de sorte qu’on est assez facilement transporté en esprit dans l’épaisse forêt enneigée de la campagne anglaise dans laquelle marche Sting sur la pochette de l’album.
Un autre élément agréablement étonnant est la voix du chanteur. Il utilise assez souvent ici un registre vocal qu’on ne lui connaissait pas nécessairement, beaucoup plus grave, rugueux et qui lui sied à merveille. Une maturité vocale qui donne une autre dimension aux chansons et révèle une facette différente de l’artiste.
If On a Winter’s Night est donc un album qu’on ne saurait que trop recommander et qu’il serait injuste de cantonner strictement dans la catégorie somme toute assez
réductrice des albums de Noël, principalement conventionnelle et commerciale. A moins que, à l’instar de Tori Amos avec Midwinter Graces, on puisse considérer que Sting propose ici une redéfinition du genre lui redonnant ses lettres de noblesse et qui pourrait faire des émules… de sorte qu’un jour on puisse parler d’album de Noël sans tressaillir d’effroi. Quoi qu’il en soit, cet album saura tout à fait s’apprécier après le jour de l’an, même si son ambiance feutrée et intimiste est plus de circonstance en
automne-hiver (ou par temps de pluie) qu’en plein été.
Sting : If on a Winter’s Night, Deutsche Grammophon, 2009.