Caractéristiques
-
Test effectué sur :
- Playstation 4
- Développeur : SCE Japan Studio, Bluepoint Games
- Editeur : Sony Interactive Entertainment
- Date de sortie : 7 février 2017
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 9/10 par 1 critique
Des émotions comme s’il en pleuvait
Bon sang, mais quel début d’année 2018 côté jeux vidéo ! Aujourd’hui, on va vous causer d’un remake pas spécialement épié (il ne figurait pas dans notre top des attentes de 2018), mais qui se révèle prodigieusement nécessaire : Shadow Of The Colossus. Est-il nécessaire de replacer son contexte ? Pour celles et ceux qui entendraient ce titre pour la première fois, vous autres chanceux allez découvrir une version techniquement perfectionnée d’un des softs les plus mémorables de la PlayStation 2. Développé par la Team Ico, dirigée par Fumito Ueda (The Last Guardian), ce jeu a fait date pour plusieurs raisons. Ses qualités de game design, de narration… et son impossible objectif technique. C’était si vrai que le titre poussait la console dans ses tous derniers retranchements, voire carrément dépassait ses capacités. Le remaster, sorti sur PlayStation 3, réglait le problème des baisses de framerate, tout en lissant l’ensemble, mais on était encore bien loin du résultat escompté. Il aura fallu reprendre le développement bien plus en profondeur, en utilisant un tout nouveau moteur, pour obtenir l’incroyable aboutissement que l’on observe aujourd’hui.
Ce remake de Shadow Of The Colossus, développé par Bluepoint Games (Gravity Rush Remastered) se veut absolument fidèle au duo formé par le scénario et la narration. Avec une belle justesse, et un salvateur respect de la Team Ico, le studio s’est acharné à ne pas transformer l’expérience actancielle qui fut celle des joueurs, à l’époque de la PlayStation 2. Comprenez par là qu’on retrouve le même synopsis, et le même cheminement vers le final. Donc, on retrouve Wander qui, avec son cheval Agro, pénètre les terres interdites. Le but : ressusciter sa douce Mono, dont il transporte le cadavre. La seule manière de parvenir à ce miracle est de suivre les instructions d’une mystérieuse entité nommé Dormin. Celle-ci lui confie que sa tâche sera ardue : il faudra terrasser seize colosses, qui lui seront indiqués grâce aux pouvoirs de la puissante épée du jeune homme. Seulement, la voix l’avertit à propos d’un véritable danger, un prix à payer pour que l’âme de Mono retrouve son corps. Mais Wander n’en a que faire, et se met à la recherche de ceux qu’il va devoir combattre, coûte que coûte…
À la fois fidèle et gratifiant
Aucune ligne du scénario ne manque à l’appel, et pas une seule n’a été rajoutée. Les nouveaux venus découvriront l’histoire de Shadow Of The Colossus telle qu’elle fut imaginée par la Team Ico. Jusque dans l’agencement de l’univers, tout est à sa place, même si l’on note l’ajout d’au moins un easter egg, qu’on vous laissera découvrir. Le moindre arbre retrouve sa place initiale, chaque ruine aussi. C’est la représentation qui se trouve plus qu’améliorée : elle est bonifiée. Bluepoint Games est à féliciter, car ses artistes viennent de réaliser ce que tout fan du jeu d’origine fantasmait jusqu’ici : un soft qui profite enfin des capacités techniques nécessaires pour sublimer une vision trop à l’étroit sur PlayStation 2 et 3. Que c’est beau, mais que c’est beau ! Vous aurez le souffle coupé devant les différentes architectures, soutenues par des textures parmi les plus belles proposées sur consoles actuelles. Les étendues que vous (re)découvrirez donneront un véritable sentiment de profondeur, notamment grâce à une profondeur de champ, et des détails au sol plus pertinents, qui ne forcent plus l’aspect désolé de ces terres interdites. Les endroits boisés gagnent en intensité, bref c’est un véritable exploit.
Le Shadow Of The Colossus de 2006 n’était pas stable, c’est le moins que l’on puisse écrire. Et comment en vouloir à la PlayStation 2, tant ce qu’elle devait afficher était hors du commun ? Aujourd’hui, le jeu est fluide en toutes circonstances, avec un duo, formé par monsieur 1080p et madame 60 images par seconde (et même un trio, avec la compatibilité 4K), qui ne faiblit jamais. Ceci malgré les colosses qui prendront d’assaut votre écran, blindés de détails qu’ils sont ! Si leur design, ni leur level design, ne changent pas d’un iota, sachez que les joueurs qui les connaissent par cœur auront tout de même cet effet « ouah » tant recherché. Quand Wander s’agrippe, ce n’est pas sur un semblant de toison. Non, c’est sur de la fourrure dont on jurerait que chaque poil profite de sa propre existence. Ce n’est évidemment pas le cas, mais l’effet est garanti. L’animation de tous les personnages a été retravaillée, toujours en accord avec l’esprit du jeu d’origine… sauf pour les expressions faciales. Si elles étaient déjà figées sur PlayStation 2, elles gardent ici un aspect trop peu poussé. C’est la seule ombre d’un tableau technique à couper le souffle. Autre énorme satisfaction : les jeux de lumière sont divins. Pas parce qu’ils paraissent réalistes, on se fiche de ce genre de volonté, mais parce qu’ils servent l’émotion de l’instant. Ces grandes plaines ne seraient pas les mêmes sans cette ambiance un peu mélancolique, grandement poétique. Atmosphère qui doit aussi beaucoup aux compositions, épiques et bouleversantes, de Kow Otani (connu notamment pour ses travaux sur les films Gamera). Précisons que les musiques profitent des qualités de la PlayStation 4 pour se voir retravaillées, par l’artiste en personne. Et le sound design a globalement été rééquilibré, ça saute aux oreilles quand on joue au casque, ce que nous conseillons vivement.
Un gameplay intelligemment dépoussiéré
Et le gameplay alors ? Shadow Of The Colossus version 2018 s’empare d’une problématique, et lui trouve une solution. On ne peut pas écrire que, lors de la sortie initiale du titre, nous étions sous le charme de quelques choix un peu étranges. Le saut assigné à la touche Triangle, ce n’était pas la meilleure des idées qu’ait pu formuler la Team Ico. Bluepoint Games est conscient de ce souci, et a pris le taureau par les cornes. On a droit à pas moins de quatre configurations de boutons : Moderne, Moderne revisité, Classique et Classique revisité. De quoi largement combler tous les styles : du joueur jusqu’au-boutiste qui recherche absolument le même feeling qu’en 2006, à celui qui préfère un confort plus moderne. Voilà une volonté intelligente, que celle de contenter tout le monde. Le cheval paraît aussi plus logique dans son approche, même s’il garde l’inertie qui en a fait le succès. Agro se fait plus docile, moins emporté par son animation, ce qui se révèle plus agréable dans de petits périmètres. La caméra joue d’angles très cinématographiques, privilégiant l’émotion au confort. Il faudra se faire à une approche différente, qui n’hésite pas à désaxer l’action, mais la digestion se fait sans encombres.
Shadow Of The Colossus est loin de se résumer aux uniques (et épiques) combats, ou à sa technique ahurissante. C’est une expérience qui se savoure, au fil de pérégrinations qui n’ont d’autres motivations que celle de l’exploration d’un monde si désolé qu’il en devient fascinant. Aller se balader dans une forêt, passer en revue un bord de falaise, tout cela dans un silence absolu, sans Hommes pour nous distraire, avec le vent qui s’engouffre dans nos esgourdes dès qu’Agro prend de la vitesse, c’est prodigieusement envoûtant. Du moins si l’on rentre dans le trip contemplatif. Bien évidemment, ces balades auront aussi un intérêt ludique : trouver des lézards, qui augmentent la jauge de stamina. Ou encore des fruits, qui font évoluer la résistance de Wander. On pourra aussi compter sur un mode Difficile, qui ajoute des points faibles aux colosses, mais aussi un Contre-la-montre intéressant. En effet, remporter deux de ces défis débloque un objet spécial, comme des cartes qui indiquent les objets à collecter, ou une tunique d’invisibilité. Il faudra ramer pour les obtenir, ce n’est pas de tout repos mais le jeu en vaut la chandelle. En bonus pour cette version, un mode Photo régalera les mirettes. Nul doute que le hashtag PS4share va être submergé d’images toutes plus savoureuses les unes que les autres. Ajoutons une galerie, dont chaque représentation est à débloquer avec vos exploits, et tout cela construit une durée de vie de 25 à 30 heures. Ce qui est largement satisfaisant.
Note : 18/20
On savait que cette version 2018 de Shadow Of The Colossus faisait l’objet d’un soin particulier, mais on ne pensait pas la voir atteindre de telles cimes qualitatives. Le jeu d’origine est un chef-d’œuvre, tant la vision de la Team Ico a su transcender le medium sur lequel il prenait place. Cette refonte technique atteint, elle aussi, ce stade, et contribue à donner des lettres de noblesse à l’exercice du remake, très souvent mal perçu par les joueurs. Ici, l’expérience fondamentale reste inchangée. Mieux : elle ne fait que gagner en intensité émotionnelle, en fourmillement des détails, et en qualité de prise en mains. Tout est si maitrisé qu’il serait impensable de passer à côté, et ce même si le début de ce millésime vidéoludique est chargé en softs de qualité. SOTC se démarque, à vous de le découvrir.