On ne peut pas parler de Dexter sans évoquer
les autres personnages, qui sont tout aussi importants pour la subtilité et la qualité de l’ensemble que le personnage de Dexter lui-même. Jennifer Carpenter, alias Debra
Morgan, la sœur adoptive de Dexter, flic également, apporte beaucoup de charme à son personnage de femme fragile cachée sous une carapace de garçon manqué un peu gauche. Son évolution au fil des
épisodes, souvent dans l’ombre de Dexter (d’où une rivalité fraternelle intéressante), fait sans doute d’elle le personnage le plus attachant de la série et il est passionnant de la voir
batailler pour s’imposer malgré sa jeunesse et son sexe au milieu de vétérans de la police dans un milieu très masculin. Ses fragilités personnelles et sa solitude sentimentale sont également
explorées de manière particulièrement aboutie durant cette saison et sa relation frère-sœur avec notre « héros » est particulièrement convaincante et touchante. Le fait qu’elle ignore la
véritable nature de son frère nous la rend d’autant plus sympathique qu’on ne peut s’empêcher de souffrir pour elle face à la double « trahison » de son défunt père et de ce dernier.
Des personnages aux multiples facettes
Le lieutenant cubain Maria Laguerta (Lauren Vélez) est également un personnage remarquable et complexe qui confirme la théorie (étayée par le blog Le Monde des Séries) que les personnages de séries les plus intéressants et complexes de ces dernières années sont de plus en plus souvent des
femmes. Autoritaire et antipathique de prime abord (surtout vis-à-vis de Debra), Laguerta se révèle finalement être une femme brillante qui a dû se battre bec et ongles pour se hisser dans la
hiérarchie malgré une « triple peine » : être une femme, être relativement jeune et d’origine cubaine (les relations interraciales et la description des différentes communautés de Miami étant par
ailleurs un point fort de la série). Malgré sa façade de marbre et son côté grande gueule, elle sait reconnaître les qualités de chacun et les utiliser au mieux, prendre des initiatives
audacieuses et elle se révèle finalement être sensible et humaine, ravalant sa solitude et son désir d’être mère pour s’investir totalement dans sa carrière.
Les autres personnages de flics sont tous intéressants bien que recelant peut-être d’un peu moins de facettes et de subtilité que leurs collègues féminines : le vétéran taciturne Doakes
(Erik King) est le seul qui perçoit l’inhumanité de Dexter et serait à même de le percer à jour mais son mauvais caractère et sa dureté quasi-constantes s’amenuisent au contact
de Deb avec laquelle il se chamaille comme un gamin avec sa petite sœur ; le séducteur peu subtil Angel Batista (David Zayas) cache sa séparation d’avec sa femme et ses
tentatives désespérées pour la reconquérir… Seul le technicien de labo Masuka (C.S. Lee) est dessiné à gros traits pour remplir le rôle de comique obsédé sexuel 100% geek, à
l’évolution à priori limitée. Cependant, les scénaristes n’en rajoutent pas trop et évitent autant que possible de tomber dans le gros cliché bien gras, bien qu’il s’agisse du personnage le plus
stéréotypé de la série.
Et enfin il y a Julie Benz dans le rôle de Rita, la petite-amie de Dexter, drôle et touchante en ancienne femme battue qui élève seule ses enfants et passe de victime
traumatisée à femme entreprenante prête à se battre pour sa famille et à montrer les dents. Il est d’autant plus savoureux de voir l’actrice dans ce rôle qu’elle était jusque-là principalement
connue pour son interprétation de la séduisante et machiavélique vampire Darla dans Buffy contre les vampires et sa spin-off Angel. Un grand
écart des plus convaincants et particulièrement troublant lorsqu’on regarde conjointement, comme moi en ce moment, Dexter et Angel !
Une série addictive sans complaisance
Voilà donc une série complexe et addictive au plus haut point [j’ai visionné les quatre derniers épisodes de la saison au cours de la même journée] qui réussit, et c’est là le plus fort en fin de
compte, à ne pas tomber dans le voyeurisme et la condescendance de séries sympathiques mais autrement plus limitées telles que Nip/Tuck (qui s’avançait sur des
territoires dangereux dès la saison 2 et est tombée dans le trash gratuit avec sa cinquième saison « hollywoodienne ») et Californication (de la nudité, des dialogues
graveleux et du cul, du cul, du cul). Alors que le tournage de la saison 5 devrait commencer maintenant que Michael C. Hall s’est remis de son cancer lymphatique, je suis
impatiente de découvrir les saisons 2, 3 et 4 (malgré l’absence de surprise pour la fin et les principaux retournements de cette dernière que j’ai eu le malheur de lire, mais c’est ma faute).