Alors
que le tournage de la 5ème saison va bientôt commencer et que Canal + vient de diffuser la saison 4, je viens pour ma part de finir de regarder… la 1ère saison de
Dexter! Eh oui, j’avoue que malgré mon addiction aux séries, j’ai quelques trains de retard en ce moment. Ce n’est pas que les aventures du serial-killer
analyste criminel ne m’intéressaient pas auparavant (ça faisait longtemps que je voulais regarder la série), seulement je regarde une quinzaine de séries plus ou moins en même temps et j’ai la
« mauvaise » manie de vouloir également me faire des rétrospectives de séries terminées depuis longtemps en DVD. Du coup, je ne privilégie pas nécessairement les nouveautés et j’essaie de regarder
une saison dans la continuité histoire de rester dans le bain.
Certes, cette méthode a des inconvénients lorsqu’on parle déjà abondamment des saisons récentes dans les blogs et les magazines… et en achetant une revue le mois dernier, je suis
malencontreusement tombée sur le récit assez détaillé des différentes saisons de Dexter… dont la fin choc de la quatrième! Mais peu importe, si une série est bonne
elle l’est même quand on connaît ses différents twists. Et si vous lisez cet article, ce n’est certainement pas pour avoir des révélations. Voici donc ma critique de la 1ère saison, que
j’ai achevé de regarder hier soir.
Dexter: un ami qui vous veut du bien
Le concept de la série de Showtime, faire du « héros » un serial-killer qui travaille pour la police criminelle et s’en prend uniquement aux tueurs avérés, avait en effet de quoi créer le buzz…
et la polémique. Inutile de rappeler l’éternelle (fausse) question qui taraude certains journalistes ou spectateurs à propos de la série, à savoir: Dexter fait-il
l’apologie de la peine de mort? Une question évidente mais qui n’a pas lieu d’être: Dexter Morgan est un monstre qui a parfaitement conscience d’en être un et qui ne cherche pas à justifier ses
actes en prétendant qu’il est un mal nécessaire. Traumatisé à trois ans par le meurtre à la tronçonneuse de sa mère prostituée sous ses yeux, il ne ressent aucune émotion et est habité par des
pulsions criminelles que son père adoptif, policier, lui a appris à « maîtriser » en s’en prenant uniquement aux meurtriers, en suivant un rituel bien précis. Cette attache à ce père qui lui a tout
appris est ce qui le rend humain et « sympathique » à nos yeux (un tueur sans foi ni loi aurait sans doute été too much et aurait découragé l’identification), cependant, il est assez
clair dans la série que le personnage n’est pas habité par une soif de justice mais par le simple assouvissement de ses pulsions de la manière la plus « moralement acceptable » possible. Le but de
tout tueur étant de ne pas se faire arrêter, Dexter doit mener sa vie le plus normalement possible, passer pour M. Tout-le-monde et donc entretenir de bons rapports avec sa sœur, sa petite-amie
et ses enfants, ses collègues, etc. Ceci aurait été autrement plus compliqué s’il se laissait aller à tuer ses voisins…
Pour en terminer avec la question de la morale de la série, on se souviendra également qu’en 1971, un film d’anticipation nommé Orange Mécanique d’un certain
Stanley Kubrick nous plongeait dans la tête d’un adolescent tueur et violeur sans conscience pour mieux interroger le rapport que nous entretenons à la violence. La plupart des
spectateurs ayant beau se défendre de s’identifier de quelque manière que ce soit à ce personnage charismatique mais répugnant, ils sont pourtant nombreux à trouver toute la première partie
hypnotique bien que choquante et ultra-violente et à juger la seconde (où le personnage est en prison afin d’être rééduqué) beaucoup plus « ennuyeuse. » Ce qui en dit plus long que n’importe quel
discours: nous avons tous en nous une part sombre (ce que Dexter, lui, nomme son dark passenger) et nous sommes fondamentalement fascinés par la violence, que nous l’admettions ou non.
L’approche de Dexter est assez similaire au sens où la série fascine autant qu’elle provoque le malaise en nous confrontant à cette question douloureuse. La séquence
finale de la 1ère saison est en ce sens très ironique puisque Dexter affirme que, même s’il était arrêté et condamné pour ses crimes s’il venait à être démasqué, en leur for intérieur, de
nombreuses personnes auraient le sentiment que ses victimes ont eu ce qu’elles méritaient. « Je suis leur héros… dans leurs pires cauchemars. » conclut-il, celui qui réalise ce qui n’existe qu’à
l’état de pensées plus ou moins conscientes chez les personnes « normales. » De même, dans l’un des derniers épisodes de la saison, Doakes abat un haïtien en état de « légitime défense » qui
s’avérera être un leurre. L’homme en question était un ancien soldat ayant participé à des massacres et le flic, le reconnaissant, l’a abattu en règle. Apprenant la vérité, le lieutenant Maria
Laguerta le couvre, décrétant que l’homme « a eu ce qu’il méritait » et l’affaire est étouffée. Loin d’être une série amorale, on peut donc affirmer que Dexter est une
série on ne peut plus morale.
Michael C. Hall: de croque-mort à serial-killer
Pour interpréter ce personnage atypique, il fallait un acteur charismatique qui puisse paraître tout aussi
passe-partout qu’inquiétant. Michael C. Hall, qui a magistralement incarné le rôle de David Fischer durant cinq ans dans la série culte d’Alan Ball
Six Feet Under (2001-2005) semblait tout désigné pour ce rôle ambigu à souhait. Bien que le directeur des pompes funèbres Fischer & Sons était un chic type, le
personnage possédait déjà cet aspect double-face. D’un côté, un homme froid et rigide, très conservateur ; de l’autre un homosexuel à fleur de peau tentant de s’affirmer, avec parfois des accès
d’extraversion aussi flamboyants que soudains. Un personnage d’homme à priori ordinaire et passe-partout mais un rôle en or et une interprétation d’une subtilité et d’une intensité remarquables.
L’acteur ne démérite pas dans le rôle de Dexter Morgan, analyste expert en tâches de sang le jour et serial-killer la nuit, son interprétation étant pour beaucoup dans le pouvoir d’attraction de
la série. Malgré une qualité d’écriture irréprochable et une réalisation au cordeau, si l’interprétation avait été trop forcée, trop évidente, Dexter aurait été une
série bien moins subtile. Pas de risques de ce côté-là avec Michael C. Hall qui, comme c’était déjà le cas dans Six Feet Under, donne véritablement
l’impression d’être le personnage et non de jouer un rôle.
Malgré le côté froid et impénétrable du personnage, l’acteur lui donne une bonne dose d’humanité qui fait qu’on s’y attache facilement, d’autant plus qu’il s’adresse directement à nous par le
biais de la voix-off dans chaque épisode. Dexter aime tuer et ne ressent rien mais il aspire avant tout à devenir normal au lieu de se contenter de faire semblant de l’être. Il ne se prend pas
pour Dieu et, bien qu’on n’approuve pas ses actes, il respecte un « code. » Il peut se montrer attentionné envers sa sœur Deb et sa petite-amie Rita même si ses actes sont le plus souvent
calculés et qu’il est extrêmement maladroit (et par là-même touchant) dans ses rapports humains. Il a beau se défendre de ne rien ressentir pour personne, à la fin de la saison, nous savons que
c’est faux : il ne s’intéresse peut-être pas plus que ça à ses proches et pourrait très bien passer un mois sans compagnie, il les apprécie néanmoins bien plus qu’il ne veut l’admettre et il
porte en lui une mélancolie (que Hall est le seul actuellement à pouvoir faire passer de manière aussi convaincante) et une solitude qui lui pèsent. C’est peut-être la révélation
majeure à laquelle il se retrouvera confronté en toute fin de saison, lorsqu’il viendra enfin à bout du ice-truck killer lors de l’époustouflant season finale.
Une saison complexe et macabre
Comme un certain nombre de séries (telles que Buffy entre autres), chaque saison de Dexter suit un fil rouge qui s’étoffe d’épisodes en
épisodes jusqu’à l’aboutissement du season finale. Et pour ses débuts, la série frappe tout de suite très fort avec l’intrigue du ice-truck killer, tueur en série qui découpe en
tronçons ses victimes en les vidant totalement de leur sang. En plus de constituer un jeu de piste complexe et macabre, cette histoire met également Dexter face à lui-même et nous permet de
découvrir ses nombreuses facettes puisque le tueur lui fait savoir, dès la fin du pilote, qu’il sait qui il est et qu’il l’invite à le démasquer en lui laissant des petits cadeaux charmants
(têtes et corps de poupées Barbie démembrés). Une partie de cache-cache particulièrement ambiguë (le tueur veut-il affronter Dexter ou au contraire l’inviter à se joindre à lui ?) d’autant plus
passionnante qu’elle est double : d’un côté, la police traque le tueur et Dexter participe à cette traque puisqu’il analyse les traces de sang sur les scènes de crime, d’autre part, le personnage
possède certains éléments qu’il est le seul à connaître et qui font qu’il est la seule personne à même de résoudre l’énigme, les crimes de l’ice-truck killer le forçant de plus en plus à
replonger dans son passé refoulé, à la recherche de lui-même. Cette manière de mêler une dimension policière/thriller à une dimension métaphysique, de manière aussi habile et subtile qui plus
est, est ce qui donne son cachet à la série et en fait un des joyaux de ces quinze dernières années.
Quelle fin possible pour la série?
Pour ceux qui n’auraient pas encore vu la série, je ne révélerai pas le dénouement, mais le moins qu’on puisse dire est que nous sommes happés de manière de plus en plus irrésistible au fil de la
saison et les cinq derniers épisodes sont tout à fait machiavéliques par le suspense insoutenable qu’ils génèrent. Si les scénaristes parviennent à maintenir ce niveau de qualité au fil des
années, il ne fait aucun doute que Dexter nous réserve encore de très belles surprises, bien qu’on puisse se demander à quel moment l’équipe se retrouvera dans une
impasse.
En effet, dans la saison 2 (que je n’ai pas encore vue, donc), Dexter doit enquêter sur ses propres meurtres, dans la saison 4 il est marié à Rita et est père d’un petit-garçon, il a
presque réussi à trouver l’équilibre entre son identité de tueur et celle de M. Tout-le-monde… Jusqu’où le personnage peut-il évoluer sans perdre de son « attrait » ? Peut-il guérir et échapper à
la justice? Sera-t-il démasqué (ce qui semble inévitable) et si oui sera-t-il abattu (et par qui ?), se rendra-t-il ou bien préférera-t-il prendre la fuite ou se suicider ? Sa sœur Deb
finira-t-elle enfin par se douter de quelque chose et à partir de ce moment, combien de temps pourra encore durer la série ? Autant d’interrogations qui pourraient faire basculer la série si les
auteurs négocient mal le virage et veulent trop tirer sur l’intrigue ou au contraire qui la conforteront comme l’une des œuvres les plus complexes et passionnantes du petit écran.