Caractéristiques
- Titre : Forrest Gump
- Réalisateur(s) : Robert Zemeckis
- Scénariste(s) : Eric Roth, d'après le roman de Winston Groom
- Avec : Tom Hanks, Robin Wright, Gary Sinise, Sally Field...
- Distributeur : United International Pictures
- Genre : Comédie, Comédie dramatique
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 2h22
- Date de sortie : 6 juillet 1994 (Etats-Unis), 5 octobre 1994 (France)
- Note du critique : 9/10 par 1 critique
Un classique indémodable
J’ai revu Forrest Gump cette semaine en DVD, cela devait bien faire six-sept ans que je ne l’avais pas vu et c’est la première fois que je pouvais enfin le regarder en VO.
Et ce film n’a franchement pas pris une ride ! S’il était sorti cette année en salles et non il y a seize ans, je suis persuadée qu’il aurait eu le même succès. Acteurs excellentissimes — Tom Hanks évidemment, mais aussi Robin Wright-Penn, Sally Field et surtout Gary Sinise, génial en militaire mutilé de guerre frustré de ne pas être mort au combat — scénario parfait dont l’humour permet d’éviter un ton trop mélo, émotion parfaitement dosée…
Ce n’est peut-être pas généralement ce dont on se souvient le plus, mais ce film fait preuve d’une cruauté assez étonnante, rendue acceptable grâce à l’humour. Cette cruauté glisse sur le personnage, qui a toujours une vision naïve des choses, mais elle ne nous épargne pas plus qu’elle n’épargne les autres personnages. Lorsque Jenny, la meilleure amie d’enfance de Forrest, par exemple, lui écrit qu’elle est enfin devenue chanteuse folk, il se précipite pour assister à l’un de ses « concerts » et la découvre nue sur scène derrière sa guitare, présentée sous le nom de Bobby Dylon… Il la regarde fièrement et nous confie en voix-off: « Elle avait enfin réalisé son rêve de devenir chanteuse », sans percevoir le drame de la situation pour son amie, qui souhaitait plus que tout être respectée, mais ne cesse d’être traitée en vulgaire objet, elle qui a été victime d’inceste dans son enfance…
Cours Forrest, cours !
Et c’est toujours de cette manière, en prenant les choses à contre-pied, que Forrest va toujours de l’avant et réussit à accomplir des choses qui, compte tenu de son faible Q.I., paraissent tout bonnement miraculeuses, sans que lui-même en ait conscience. C’est bien cela qu’illustre cette plume blanche flottant délicatement au vent, qui ouvre et ferme le film de Zemeckis. Tandis que le commun des mortels s’englue dans les problèmes de la vie, le héros ne se laisse jamais vraiment atteindre par les drames et se retrouve ainsi plongé au cœur des grands événements historiques des années 50 à 80, du phénomène Elvis Presley (à qui il inspire son fameux déhanché et son jeu de jambes) à l’explosion d’Apple.
Et c’est bien là que se trouve toute l’acidité jubilatoire du film : Forrest réalise le rêve américain de manière utopique en appliquant de manière littérale le leitmotiv du pays de l’Oncle Sam, qui consiste à toujours aller de l’avant, en courant dans son cas. Ironiquement, il ne cherche jamais cette réussite, tandis que les personnages ayant de l’ambition (et un Q.I. plus élevé) échouent misérablement. Zemeckis en profite pour tourner en dérision l’armée, le mouvement hippie, celui des Black Panthers et la mentalité américaine en général dans ce qui reste à ce jour son film le plus corrosif. On se souvient tous, également, de ces archives télévisées au sein desquelles Tom Hanks a été inséré, permettant ainsi à son personnage de serrer la main de trois présidents (dont Kennedy, auquel il confie son envie de pisser)… Ces passages revisitant l’histoire américaine sont toujours aussi drôles, et les effets spéciaux n’ont pas vieilli.
J’ai donc été ravie de revoir ce classique, qui m’a tout autant fait rire (et pleurer à la fin) que la première fois où je l’ai vu. Forrest Gump nous fait aussi regretter l’attrait de Robert Zemeckis pour des films pour enfants en motion capture ces dernières années au message positif mais naïf. Le cinéaste a certes toujours été un grand enfant, mais au moins, à l’époque des Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit ? et Forrest Gump, c’était encore un sale garnement capable d’irrévérence. Peut-être un jour reviendra-t-il à ses anciennes amours ou, au moins, nous offrira-t-il un drame de la même intensité que Seul au monde (2000), toujours avec Tom Hanks (qui aligne ces jours-ci les adaptations de Dan Brown…) , son dernier très bon film.