[Critique] Contact — Robert Zemeckis

Caractéristiques

  • Titre : Contact
  • Réalisateur(s) : Robert Zemeckis
  • Avec : Jodie Foster, Matthew McConaughey, Tom Skerritt, James Woods, John Hurt, David Morse, William Fichtner, Rob Lowe
  • Distributeur : Warner Bros
  • Genre : Science-fiction
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 153 minutes
  • Date de sortie : 17 septembre 1997
  • Note du critique : 5/10

Une adaptation grand public

Chose promise, chose due : après la critique du sublime roman de Carl Sagan, voici donc celle du film qui en a été adapté. J’ai donc revu celui-ci pour la troisième fois avant-hier. Il est étrange de penser que, alors que c’est le film de Robert Zemeckis qui m’a fait découvrir le roman en 1997 (je l’avais lu car le film ne passait plus en salles), je ne l’ai vu que des années plus tard, en seconde, lorsqu’il était passé sur France 2 ou France 3. Et je dois avouer que, en dépit de mon adoration pour Jodie Foster qui est absolument parfaite dans le rôle d’Eleanor Arroway, j’avais été bien déçue par cette adaptation.

Bien que plutôt agréable à regarder, je trouvais que le scénario simplifiait considérablement le propos du livre, rendant certains éléments limite guimauve. Une seconde vision quelque années plus tard m’avait permis de l’apprécier davantage, voire franchement, bien que je regrettais toujours un certain nombre de changements par rapport au roman qui n’avaient pour moi pas lieu d’être si ce n’est rendre l’intrigue moralement plus acceptable et digeste pour le grand public. Puis, je l’ai revu cette semaine donc, et mon avis, cette fois, se situe entre celui que j’ai eu après la première et la seconde vision ! En gros, je l’ai apprécié d’un bout à l’autre, j’ai été touchée. J’ai trouvé les images souvent très belles, mais je pestais régulièrement contre certaines choses qui, décidément, ne passent vraiment pas pour moi et réduisent considérablement l’impact de l’histoire.

Au nom du père

Dans le film Contact, la jeune Ellie, orpheline de mère, est très proche de son père

Contact s’ouvre en tout cas sur une très belle séquence où l’on entend diverses sources radiophoniques émanant de la Terre et résonnant dans le cosmos, où l’on traverse les étoiles, que l’on voit finalement se refléter dans l’œil de l’héroïne, la jeune Ellie, alors âgée de huit ou neuf ans. Par cette seule séquence, le film nous conquiert et nous fait en effet retrouver notre émerveillement d’enfant face à l’univers. Dans ce premier flash-back (qui sera bientôt suivi de celui, plus tragique, où Ellie perd son père), nous voyons la petite fille observer les étoiles au télescope avec son père, puis chercher à communiquer, par la radio, avec d’autres régions des États-Unis, laissant augurer sa future carrière d’astronome.

Le premier détail agaçant ne tarde pas à faire son apparition, néanmoins : alors qu’elle se couche, Ellie demande à son père si elle pourrait réussir à rentrer en contact avec sa mère défunte par le biais de la radio. D’une part, ce côté immédiatement mélo, rempli de bons sentiments, est un brin irritant et surtout conventionnel (même si l’héroïne est en effet une enfant à ce moment là, cela pourrait donc être acceptable) mais surtout, dans le roman, la mère est bel et bien vivante et la relation qu’entretient l’héroïne avec elle et son beau-père est centrale. Sans spoiler la fin du livre, on peut d’ailleurs affirmer que c’est cette relation complexe avec celle-ci et son beau-père haï John Staughton qui finit par créer l’impact émotionnel final. Zemeckisne garde ici  que sa relation fusionnelle avec son père (qui est en effet essentielle au roman) mais, en inventant cette histoire de mère morte en couches, non seulement il tombe dans un lieu commun inutilement mélodramatique (la pauvrette se retrouve ainsi orpheline à neuf ans, donc vraiment “seule au monde”), mais il prend également le parti de simplifier considérablement l’histoire originale et sa portée, puisque celle-ci s’intéresse à nos origines dans tous les sens du terme. Le roman de Carl Sagan est certes volumineux, mais conserver la mère et le beau-père dans l’intrigue n’aurait pas nécessairement rallongé le film à ce point.

Jodie Foster sublime en astronome battante

Ellie Arroway (Jodie Foster) reçoit un signal en provenance de Vega dans Contact de Robert Zemeckis

La partie recherche et décodage du message est cependant très intéressante. Le scénario condense de manière convaincante l’intrigue qui, dans le roman, s’étale sur de nombreuses années. Le personnage d’Ellie a ainsi été considérablement rajeuni (lorsqu’elle part pour l’espace dans le roman, elle a 50 ans) et Jodie Foster, comme à son habitude, est remarquable et s’impose comme une évidence dans ce rôle. Qui mieux qu’elle, en effet, aurait pu interpréter cette femme aussi intellectuelle que passionnée et émotive ? La position marginale qu’elle occupe en tant que femme travaillant dans un domaine considéré comme fantasque par nombre de ses confrères est également bien retranscrit. Sa rivalité avec son ancien professeur, David Drumlin, met en évidence la misogynie du milieu scientifique et l’arrivisme de certains, bien que la relation admiration-jalousie qu’elle entretient avec lui soit beaucoup plus subtile dans le roman.

Un propos philosophique et théologique trop édulcoré

Palmer Joss (Matthew McConaughey) et Ellie (Jodie Foster), un prêcheur et une agnostique inséparables dans Contact de Robert Zemeckis

Ce qui est surtout gênant dans le reste du film, en fin de compte, est tout ce qui touche au côté théologie/philosophie. Cet aspect est clairement introduit par l’apparition du personnage de Palmer Joss, le jeune pasteur aussi excentrique que charismatique. C’est là que le bât blesse, puisque c’est vraiment là qu’on voit que le propos du roman a été édulcoré pour le rendre plus facilement acceptable pour le public américain. Matthew McConaughey est certes un excellent acteur (bien qu’il était, à cette période, encore beaucoup trop lisse), mais les scénaristes ont transformé cet homme de foi, intelligent mais excentrique en yuppie bon chic bon genre, rendant les échanges entre les deux personnages bien moins troublants.

On apprend par exemple dans le roman que Palmer Joss, avant de devenir une figure médiatique connue, avait gagné sa vie dans les foires : il s’était fait tatouer sur le torse une mappemonde et faisait s’agiter celle-ci en jouant des pectoraux, tout en récitant des textes religieux. Un jour, en pleine représentation, il fut frappé par la foudre et laissé pour mort mais s’en tira et considéra dès lors qu’il avait été ressuscité par Dieu, dans tous les sens du terme. Il a ainsi ce côté dévot et un peu illuminé, tout en étant un très bon orateur sans appartenir aux chrétiens fondamentalistes – lesquels sont dénoncés dans le roman.

Lui et Ellie ne couchent par ailleurs jamais ensemble dans le roman. Leur attirance mutuelle n’apparaît qu’en toute fin de roman et reste très suggérée. On pourra donc être agacé par le fait qu’ils se retrouvent au lit tout de suite après leur première rencontre. A croire que les producteurs ont pensé que les spectateurs refuseraient de voir un film de 2h20 sans la moindre histoire d’amour ! Cette facilité scénaristique n’apporte rien de plus au récit et rend les rapports entre les deux personnages bien trop convenus, au point que leurs débats théologiques, développés et percutants dans le roman, s’en trouvent désamorcés et disparaissent bien vite. Les seuls petits moments où ils abordent la question, on en reste à deux-trois points dont ils parlent une minute maximum alors qu’ils auraient mérité d’être davantage développés. Ce qui ne joue ni en faveur du personnage, ni au propos du film.

D’une naïveté sirupeuse

Ellie (Jodie Foster) découvre avec émerveillement le cosmos depuis son vaisseau spatial dans Contact de Robert Zemeckis

La pointe critique est bien présente lorsque Joss demande à Ellie si elle croit en Dieu lors de l’entretien face au comité pour déterminer si elle partira dans l’espace et qu’elle se voit répliquer, en raison de son agnosticisme, qu’il serait inconcevable que les États-Unis envoient quelqu’un qui ne partage pas la croyance de 95% de la population, mais au final, on sent que les scénaristes ont tellement eu peur de froisser certaines personnes qu’ils ont préféré en rester au minimum syndical sur ce point. Le propos tenu à la fin peut alors paraître un peu naïf, alors même que le dénouement, où l’héroïne est amenée à éprouver une forme de foi proche de la foi religieuse face à une assemblée sceptique sans se départir pour autant de son regard de scientifique, est assez fidèle au roman.

Mais cette évolution pourrait presque paraître moralisatrice envers le personnage dans ce contexte — elle se moquait des gens qui avaient la foi et se retrouve soudain dans leur situation — ce qu’on ne ressent absolument pas dans le roman de Carl Sagan, quand bien même elle y reconnaît ses torts et points aveugles. La transformer en espèce de prophète ou de Jeanne d’Arc (référence avouée de Zemeckis) n’était peut-être pas nécessaire également, quoi que cette imagerie se tienne et puisse se défendre puisque l’héroïne se trouve face à une expérience intangible qu’elle tentera de partager à son retour. La petite phrase de Palmer Joss plus tôt dans le film “Vous aimiez votre père ? Alors prouvez-le !” prenant alors tout son sens.

Difficile donc de ne pas se montrer critique envers Contact lorsqu’on a lu le chef d’œuvre SF de Carl Sagan. Il s’agit néanmoins d’un film, intelligent et touchant, mais manque trop de courage pour être véritablement excellent. Le message de l’histoire est trop souvent délivré de manière textuelle, alors que cela aurait été parfaitement compréhensible sans ce type de dialogue démonstratif. Il se dégage ainsi par moments une sorte de naïveté un peu sirupeuse (le début, surtout) qui a très souvent été reprochée au film, alors que le propos du roman, bien que condensé et un brin dilué, est quand même bien présent. Paradoxalement, la fin du film reste malgré tout plus ouvert que le roman, qui va en réalité plus loin sur le sujet de la quête d’un sens de la vie et d’une force transcendante ayant organisé l’univers ! Si l’on fait fi de cet aspect hollywoodien affirmé, le film de Zemeckis reste un divertissement prenant, bien mené et superbement interprété par Jodie Foster.

Edit mai 2023 : Après avoir récemment relu le livre et revu la deuxième moitié du film, malgré sa dimension film de studio et ses quelques facilités scénaristiques sur lesquelles mon avis reste le même, Contact est clairement aussi un film d’auteur de Zemeckis et une adaptation qui, derrière son ton mainstream, est plus fidèle à l’esprit du roman que ce que j’avais vu au moment de l’écriture de cette critique, que je compléterai du coup peut-être un peu plus prochainement après le léger dépoussiérage de ce mois-ci.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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