Caractéristiques
- Titre : Rabbit Hole
- Réalisateur(s) : John Cameron Mitchell
- Avec : Nicole Kidman, Aaron Eckhart, Dianne Wiest
- Distributeur : Haut et Court
- Genre : Drame
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 92 minutes
- Date de sortie : 23 Avril 2011
J’ai eu
l’occasion de voir en début de semaine le très beau Rabbit Hole, qui sera sur nos écrans le 13 avril prochain. Critique en avant-première.
Nicole Kidman is back !
Tombée progressivement en disgrâce depuis Retour à Cold Mountain en 2003, Nicole Kidman avait tout de même depuis brillé dans des films intéressants
plutôt atypiques (Birth, Fur, Margot at the Wedding, Australia) mais qui, à cause d’une
diffusion trop restreinte (à l’exception d’Australia), n’avaient pas attiré les spectateurs. Quant à la plupart des gros films auxquels elle a participé (Et
L’homme créa la femme, Ma sorcière bien-aimée, Nine…) ils étaient soit franchement mauvais, soit inaboutis et, du moins, ils ne
lui permettaient pas de camper des rôles aussi forts et mémorables que ses précédents.
Séparée de Tom Cruise et de ses enfants adoptifs partis vivre avec leur père, botoxée à l’excès, lèvres retouchées… la somptueuse Australienne aura malheureusement plus fait
parler d’elle à cause de ses déboires personnels que pour sa carrière ces dernières années. Ce qui est bien dommage tant il s’agit d’une actrice exceptionnelle, qui a interprété quelques uns des
personnages féminins les plus marquants de ces vingt dernières années chez des cinéastes tels que Gus Van Sant, Jane Campion, Stanley Kubrick, Alejandro
Amenabar…
Rabbit Hole (dont elle est également la productrice) fait donc plaisir à voir puisqu’on retrouve enfin Nicole Kidman dans un rôle à sa mesure, dans un
film aussi juste que touchant et sans fausse note.
Un drame délicat sur le deuil
Becca (Nicole Kidman) et Howie (Aaron Eckhart) forment un couple de quadragénaires middle class qui ont perdu leur enfant de quatre ans dans un tragique accident
survenu huit mois plus tôt. Enfermés dans leur douleur, ils n’arrivent plus à communiquer et s’éloignent l’un de l’autre. Chacun a leur façon (Howie en participant à des réunions de parole et
Becca en nouant des liens avec l’adolescent qui a renversé leur fils) trouvera peu à peu les moyens d’avancer et de faire leur deuil pour, peut-être, finir par se retrouver.
Sujet aussi classique que délicat au cinéma, le deuil est au centre de Rabbit Hole, et, une fois cela posé, certains seront attirés par le film comme d’autres se
montreront viscéralement réticents. Quoi, un drame psychologique avec des personnages forcément un peu bourgeois, qui souffrent et pleurent d’un bout à l’autre et ne font rien pendant 1h30? Avant
comme après la projection, il est évident qu’une partie du public sera amené à se faire ce type de réflexion.
Pour ma part, non seulement je ne me suis pas ennuyée, mais j’ai surtout trouvé ce film d’une délicatesse et d’une justesse confondantes. Malgré un sujet pouvant prêter à tous les excès, tant au
niveau du jeu d’acteurs que de l’intrigue, la musique, etc. le film de John Cameron Mitchell n’en rajoute jamais. A fleur de peau à l’image de ses personnages principaux, il n’en
demeure pas moins d’une pudeur exemplaire et distille les éléments du drame au fur et à mesure, par petites touches, sans jamais avoir la vulgarité de crayonner de gros traits pour gagner plus
facilement l’empathie (et les larmes) du public.
Des interprètes d’une grande justesse
En dépit de son sujet dur et de son intensité dramatique, Rabbit Hole n’est pas à proprement parler un mélo, ce n’est pas un film qui fait pleurer (et je pleure très
facilement au cinéma) et, ô surprise, c’est un film qui sait se faire par moments léger pour nous arracher de francs éclats de rire. Comme lorsque Howie, en compagnie d’une autre mère endeuillée
de son groupe de thérapie, fume un joint avant une réunion pour avoir le sentiment de s’éclater… Une ellipse fait alors la transition sur les deux compères affichant un air dépressif et blasé
alors qu’ils écoutent le récit d’un autre membre.
Nicole Kidman, très impressionnante, entre force et fragilité, n’a décidément pas volé sa nomination aux Oscars et nous fait immédiatement oublier des années de frustration où sa
carrière semblait faire du sur-place. Cerise sur le gâteau, l’actrice semble également avoir baissé sa consommation de botox puisque, pour la première fois depuis longtemps, son visage est
étonnamment mobile, laissant clairement transparaître des rides sur son front et ses joues. Elle ressemble de nouveau à l’actrice que nous connaissions, ce qui devrait un peu rabattre le caquet à
ses détracteurs.
Aaron Eckhart est comme toujours très juste, offrant une interprétation sur le fil dans un rôle assez inédit pour lui. Quant aux personnages secondaires, ils brillent tous par le
sentiment de vérité qui s’en dégage, à commencer par la mère de Becca, interprétée par Sally Field, impuissante face à la détresse de sa fille qui l’envoie ballader.
Trop plan-plan ?
Le cheminement vers le deuil, traité de manière réaliste, n’est pas forcément un sujet à proprement parler cinématographique et, ne serait-ce qu’en terme de structure, il pose problème. En effet,
il ne pourra y avoir de happy-end ou de dénouement marqué puisque le film rend compte de l’évolution graduelle de l’état d’esprit de parents qui ne pourrons se débarrasser de leur douleur,
simplement apprendre à vivre avec et l’accepter de manière plus sereine.
Rabbit Hole montre essentiellement le quotidien d’Howie et Becca, dont la routine est forcément douloureuse depuis la disparition de leur fils et nous voyons donc d’un
bout à l’autre les mêmes décors de banlieue américaine : la maison et le jardin du couple, la maison de la mère de Becca, le centre de thérapie, etc. La réalisation, toujours pertinente, n’en
rajoute pas et ne cherche pas non plus l’originalité. John Cameron Mitchell colle à son sujet et ses interprètes et reste toujours simple et pudique… Ce qui décevra sans doute
certains de ses admirateurs, qui auraient peut-être souhaité un film dans la lignée de ses deux précédents, Shortbus (2006) et Hedwige and the Angry
Inch (2001).
Pour toutes ces raisons, il est possible que certaines personnes s’ennuient ferme devant ce drame si elles ne se laissent pas toucher et porter par l’ambiance aussi intimiste que délicate qui
s’en dégage. Il est vrai que Rabbit Hole pourrait continuer éternellement dans la mesure où on sait parfaitement que le cheminement de ce couple prendra des années et
qu’on ne nous montre qu’une toute petite partie de celui-ci, la plus délicate : arriver à se retrouver pour aller de l’avant.
Alors evidemment, on pourra toujours trouver que deux ou trois scènes sont peut-être un peu en trop, moins essentielles que les autres et que ce qui marchait dans une pièce de théâtre (le film
est une adaptation) est un peu trop plan-plan au cinéma. Pour ma part, cela ne m’a pas gênée (même si mon homme n’a pas pu en dire autant) et j’ai trouvé la conclusion du drame très belle,
sensible et pas mélo pour un sou.
Rabbit Hole est donc une belle surprise en ce mois d’avril, un film au sujet dur mais traité avec une rare délicatesse, sans lourdeur et qui se permet même parfois une
certaine légèreté. Rajoutez à cela qu’il s’agit du meilleur rôle de Nicole Kidman depuis bien longtemps, qu’on peut y voir Aaron Eckhart dans un rôle assez
inédit pour lui et que le reste du casting est à la hauteur et vous obtenez un film des plus intéressants.