Caractéristiques
- Titre : Le Tribunal Fantôme
- Titre original : Nothing But Trouble
- Réalisateur(s) : Dan Aykroyd
- Avec : Chevy Chase, Dan Aykroyd, Demi Moore
- Genre : Comédie
- Pays : Etats-unis
- Durée : 94 minutes
- Date de sortie : 1991
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Cette semaine au Ciné-Club, on aborde un cas très spécial. Exemple parfait de film maudit, Le Tribunal Fantôme n’a pas ménagé la carrière de son omnipotente star : Dan Aykroyd. Un nom qui vous est familier, acteur dans quelques films devenus cultes, comme The Blues Brothers, Ghostbusters, J’ai épousé une extra-terrestre, ou encore Un fauteuil pour deux. La carrière de cette trogne, reconnaissable entre mille et très prisée, a pourtant pris un virage étrange au début des années 90. Alors qu’on le voyait dans des productions de bonne tenue, Aykroyd s’est enterré petit à petit, dans des films au rayonnement bien moindre. La raison de cette déchéance artistique ? L’acteur a tenté, comme beaucoup, l’aventure de la réalisation. Et, comme beaucoup, il s’est bien ramassé. Le Tribunal Fantôme, véritable four financier ayant coûté 40 millions de dollars, fut aussi boudé par le grand public. Avec 8.5 millions de revenu, Aykroyd, qui s’est donné corps et âme à ce film, où il tient les postes de réalisateur, d’acteur, de scénariste et de producteur, s’est tout simplement grillé à Hollywood. Pourtant, l’œuvre est-elle une grosse purge pour autant ? C’est ce que nous allons vérifier.
L’histoire du Tribunal Fantôme fait dans l’efficacité, cherche avant tout à donner des situations sur-mesures pour les stars du film. Chris Torne (Chevy Chase) est un homme d’affaires qui ressent un petit coup de blues. Aussi, quand il rencontre la magnifique, mais tout aussi déprimée Diane Lightson (Demi Moore), son sang ne fait qu’un tour. Il l’invite pour un petit voyage, histoire de se détendre, n compagnie des squatteurs d’amitié Fausto et Renalda Squiriniszu (Taylor Negron et Bertila Damas). Seulement, rien ne va se passer comme prévu. Un stop grillé, une course-poursuite avec un policier, il n’en fallait pas plus à la bande pour se retrouver au tribunal du patelin. Le problème, c’est que l’endroit est sous la juridiction de cinglés, menés par le juge Alvin « J.P. » Valkenheiser (Dan Aykroyd). Pour n’avoir pas su respecter le code la route, voilà que les voyageurs se retrouvent enfermés avec une famille de fous, dans un manoir lugubre, dominant une casse immense.
Le Tribunal Fantôme enchaîne les petites erreurs, comme si le pauvre Dan Aykroyd se trompait sur chaque choix. Si le scénario se met en place avec une rapidité bien vue, l’on ne peut s’empêcher de remarquer quelques détails qui clochent plus ou moins, voire peuvent devenir très embarrassant. En premier lieu, le réalisateur fait appel à son ami Chevy Chase, acteur qui a connu une heure de gloire aussi forte que fulgurante. Malheureusement pour Le Tribunal Fantôme, la carrière du comique est déjà entrain de se ramasser, avant de s’écraser tristement avec Les aventures d’un homme invisible. Si Chase n’a jamais été un foudre de l’expression, d’ailleurs son humour s’appuyer sur ce côté faussement impassible et totalement cynique, ici il est carrément monolithique. Le problème est que le film est sensé être une sorte de train fantôme pour grand public, donc ce manque de présence physique est un véritable point noir.
Le Tribunal Fantôme devient une sorte de film d’horreur grand public, où les effets comiques remplaceraient les meurtres. Car, prise pour ce qu’elle est, l’histoire est tout de même bien tordue. Le juge est un véritable tueur en série, qui massacre des voyous grâce à une machine infernale dont le fonctionnement aurait pu apparaître dans le 2000 Maniacs de Herschell Gordon Lewis. Evidemment, pas d’effusion de sang, mais pas mal d’ossements, dans la joie et l’allégresse, tandis que les habitants du manoir sont tous plus affreux les uns que les autres. Cette ambiance étrange, si elle réussit à convaincre les esprits ouverts, qui ne s’attendent à rien, a du mettre plus d’un spectateur mal à l’aise. Le scénario est en cause, tant il ne sait jamais sur quel pied danser. La séquence de la pièce aux cartes d’identité en est un bon exemple. Chris et Diane découvrent que le juge tue sans compter, dans une scène qui ne peut se complaire dans l’angoisse. Seulement, les petites vannes de Chevy Chase ne sont pas, non plus, une solution, et se ressentent comme une atteinte à la crédibilité de ce Tribunal Fantôme. Résulte un film qui ne sait jamais sur quel pied danser, jusque dans son titre français : de revenants, il n’en est jamais question…
Le Tribunal Fantôme est-il, pour autant, un ratage intégral ? Non, pas vraiment. Ou plutôt : oui, mais. Quelques moments peuvent amuser, et surtout le rythme va tambour battant. Les maquillages rappelleront bien des souvenirs aux nostalgiques de l’époque des effets « en direct ». Aussi, on ne s’ennuie pas une seconde, ce qui reste le minimum syndical d’un film moyen. Le montage rattrape toutes les tares du film, et surtout cet humour très limite. Voire carrément au ras des pâquerettes. Le final qui, avec le décors du manoir, a du bouffer tout le budget du film, nous balance une sorte de Poltergheist bis et bien moins impressionnant, mais après un petit twist assez intéressant, et dramatiquement sous-exploité. Au profit d’un dernier gag qui annonce le destin artistique de Chevy Chase : raté.
Le Tribunal Fantôme est un film d’intérêt, pour mieux comprendre la trajectoire bizarre de l’un des comédiens les plus prisés des années 80. Et, pour les jusqu’au-boutistes, voir un certain Tupac Shakur apparaître pour la première fois dans un film, au détour de quelques plans très brefs. On ne le remarquera jamais assez : certaines carrières connaissent de véritables contrecoups pas spécialement à cause de performances moyennes ou mauvaises, mais surtout quand les stars voient trop grand. Dan Aykroyd s’en est rendu compte à ses frais, avec ce budget pharaonique pour un résultat discutable. Signalons que les Razzie Awards de 1992 n’ont pas raté Le Tribunal Fantôme, lui accordant les titres peu enviés de Pire Scénario et Pire Réalisateur. Un peu dur.