article coup de coeur

[Critique] The Revenant : le cinéma orgasmique

Caractéristiques

  • Titre : The Revenant
  • Réalisateur(s) : Alejandro González Iñárritu
  • Avec : Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson
  • Distributeur : 20th Century Fox
  • Genre : Western
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 156 minutes
  • Date de sortie : 24 février 2016
  • Note du critique : 8/10

Iñárritu atteint de nouveau les sommets

image leonardo dicaprio the revenant

Chez Culturellement Vôtre, certains pensent que le cinéma actuel manque cruellement d’auteurs dont on sait qu’ils laisseront une trace indélébile dans l’histoire du cinéma. Entre la hype dévastatrice, qui donne à certains un relief aussi démesuré qu’éphémère, et la peur du vide, qui pousse à vouloir donner un sens à son quotidien, il est difficile d’y voir clair. Mais par « manque », l’on n’entend pas une absence totale. Parmi ceux qui nous font un effet monstre, Alejandro González Iñárritu tient une place de choix, et ce depuis son Amours Chiennes, qui provoque encore une chair de poule à sa simple évocation. Seize ans après ce premier long métrage d’une force peu commune, et quatre films dont l’un a rapporté un Oscar du Meilleur Film (le purement génial Birdman), un nouveau film d’Iñárritu est désormais un événement attendu au tournant par une fourchette de spectateur très large. Un fait nouveau qui fait rentrer le metteur en scène dans une nouvelle ère de sa carrière. The Revenant est, donc, un film qui prend la forme d’un carrefour, et nous allons voir quel chemin emprunte le réalisateur.

The Revenant pose son décor dans une Amérique sauvage, en Louisiane plus exactement. Un groupe de trappeurs négociants en fourrure, mené par Andrew Henry (Domhnall Gleeson), subit une lourde attaque par les Indiens Arikaras. Les quelques survivants du massacre, dont le patibulaire John Fitzgerald (Tom Hardy), décident de continuer le périple, précédés par le guide Hugh Glass (Leonardo DiCaprio) et son fils, Hawk (Forrest Goodluck), métisse indien. Quelques tensions se déclarent entre le raciste Fitzgerald et Glass, et tout explose quand ce dernier subit l’attaque impressionnante d’un grizzli. Alors qu’il est transporté pour des soins vitaux, Glass est impitoyablement trahi, laissé pour mort par Fitzgerald. Débute alors un véritable calvaire, motivé par une infinie soif de vengeance.

Une folle prouesse formelle

Le faux plan séquence qu’est Birdman, véritable tour de force artistique, nous a habitué à la folie visuelle qui habite Iñárritu. Jusqu’au-boutiste s’il en est, le metteur en scène fait face à une problématique de l’époque : le spectateur habitué en demande toujours plus, sous peine d’être déçu. Rassurons de suite les amateurs de l’unique performance : The Revenant dépasse l’entendement. C’est bien simple : nous aimerions utiliser particulièrement une séquence pour imager cet état de fait, mais les 156 minutes du film forment un exploit constant, de la première à la dernière seconde. Œuvre herculéenne, ce film donne une impression surréaliste, fait se demander à chaque instant « mais comment ont-ils fait ? ». Évidemment, l’attaque de l’ours est la scène qui fera le plus réagir. Et il est vrai que sa puissance descriptive est bluffante, bien aidée par la prestation d’un Leonardo DiCaprio magistral. Pourquoi courir après l’Oscar quand l’on atteint ce point culminant qui, de toutes façons, vous installe à jamais au Panthéon des acteurs ?

Pas la peine d’en parler cent ans, The Revenant est une prouesse formelle, qui confine à l’exploit sportif. Une des proposition de cinéma, de la part de l’auteur, se situe justement là : le medium est un ring, un combat dont le but est d’envoyer le spectateur par dessus la troisième corde. Tout, de la maîtrise du plan séquence, à la lumière naturelle parfaitement domptée par un Emmanuel Lubezki toujours aussi impressionnant (le type est tout de même derrière la photo d’Ali, Le Nouveau Monde, Les Fils de l’Homme, The Tree of Life, Gravity, Sleepy Hollow, excusez du peu), nous explose la rétine de plaisir. Mais l’on sait qu’un film réussi est un habile équilibre entre formel et fondamental. Jusqu’ici, la carrière d’Iñárritu s’en tire très bien sur ce point, proposant toujours une grille de lecture faite de plusieurs couches de compréhension. Est-ce encore le cas ici ?

Un pur exploit sensoriel

image tom hardy the revenant

Oui et non. The Revenant est clairement assumé comme étant un trip extrême, qui ne peut faire de la place à de véritables changements de rythme, de musicalité dans l’image, que provoquent fatalement les couches de compréhension. Aucun break n’est véritablement possible dans cette histoire de vengeance harassante, même si ce génie d’Iñárritu trouve tout de même le moyen de se tirer de cette situation délicate, avec des plages contemplatives qui s’adaptent parfaitement, afin d’emmener un sous-texte métaphysique pas spécialement marquant mais tout de même présent. On n’est pas chez Werner Herzog, d’ailleurs il est un peu stupide de comparer deux réalisateurs pour autant de visions du monde, mais on s’en rapproche. The Revenant est un exploit sensoriel, un orgasme par l’image, une œuvre qui redéfini le vécu d’un spectateur en salles, loin des artifices 3D, très loin des grosses ficelles actuelles. Clairement avant-gardiste, Iñárritu utilise pourtant des figures historico-fantasmatiques bien installées. La renaissance très christique de Glass, qui ne cesse de vivre Pâques, va dans ce sens. Le mélange sidère, attire, trouve un écho que seules les grandes œuvres du septième art peuvent provoquer.

Vous l’aurez compris, et pour répondre à la question posée plus haut, The Revenant emprunte le chemin de la confirmation, et même du dépassement. Impossible de boucler cet article sans parler du casting. Car si DiCaprio dévore toute l’attention, il est assez dommage que les autres comédiens n’aient pas droit à leur heure de gloire tout autant méritée. Tom Hardy ne fait que confirmer tout le bien que l’on pense de lui quand il n’est pas dirigé sans idées, Domhnall Gleeson continue de nous étonner agréablement (l’acteur qui s’est le mieux dépatouillé de la saga Harry Potter ?). Et surtout, surtout, nous ne pouvons que vous conseiller de vous rendre en salles, pour assister à ce spectacle total dans les meilleures conditions…

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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