[Critique] Independence Day Resurgence : la déception interstellaire

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Roland Emmerich
  • Avec : Jeff Goldblum, Liam Hemsworth, Charlotte Gainsbourg, Bill Pullman
  • Distributeur : 20th Century Fox France
  • Genre : Science-fiction
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 121 minutes
  • Date de sortie : 20 juillet 2016
  • Note du critique : 1/10

La déception intergalactique

Independence Day, voilà un titre qui éveille des passions parfois diamétralement opposées. Conspuée par certains, qui n’y voient qu’un film de science-fiction lourdement patriotique, adorée par d’autres, qui ont su percevoir tout le second degré du film de Roland Emmerich et sont à l’époque restés pantois face aux effets spéciaux novateurs, l’œuvre avait le don de ne pas laisser indifférent. Quelques vingt ans plus tard, le fantasme d’une suite est sur le point de devenir réalité. Toujours avec le même réalisateur, Jeff Goldblum et Bill Pullman se joignent à lui, mais pas Will Smith, qui a décliné pour des raisons bien douteuses. On se dit que l’affaire Independence Day : Resurgence est bien lancée, mais en fait c’était déjà le début de la fin.

Independence Day : Resurgence reprend le cours de l’histoire vingt ans après les événements du premier. Alors que les E.T. belliqueux semblent être une menace jusqu’ici sous contrôle, l’ombre d’un nouveau débarquement se fait sentir. Les nations ont beau avoir tiré profit de la technologie alien, facilitant notamment la conquête de l’espace ainsi que la création de systèmes de défense colossaux en cas de nouvelles attaques extra-terrestres, rien ne pouvait les préparer à ce qui vient. Un vaisseau titanesque, beaucoup plus impressionnant que ceux aperçus voilà vingt ans, est en approche, et ce n’est pas pour faire de jolis bisous-bisous…

imagefilm independence day resurgence

“Au secours”

Le synopsis, les différents trailers, mais aussi toute la campagne marketing, tout portait à nous faire croire qu’Independence Day : Resurgence allait profiter de l’engouement autour de cette suite pour nous proposer un grand spectacle spectaculaire. Si l’on en reste sur ce simple adjectif, le film n’est pas spécialement décevant : Emmerich en fout partout, jusqu’à l’overdose, et les amateurs de gros pâtés de CGI bien gras en auront pour leur argent. Bon, les vrais fans du film de 1996 pourront chialer des larmes de sang tant ce qui faisait une énorme partie de l’intérêt de l’œuvre, les séquences de destruction, sont plus ou moins absentes, mis à part Big Ben (décidément, les Anglais en ce moment…). L’aspect science fiction est en fait beaucoup plus présent, très simpliste et léger, mais le côté technologique cannibalise clairement le film. Bon, à ce moment précis de l’article, vous vous demandez certainement pourquoi on commence cette critique en abordant les effets spéciaux, et pas en creusant la ou les problématiques par exemple ? On pousse un soupir, tant ce qui vient ne va pas être agréable à lire, ni à écrire.

On n’attendait pas Independence Day : Resurgence pour son intelligence de traitement, bien entendu. On était cependant en droit d’attendre un minimum de cette poussée héroïque, certes ridicule mais foutrement entraînante, qui a fait une partie du succès du film de 1996. Pour ce faire, et quoi qu’on en dise, il faut assurer certains points : motivations des personnages convaincantes, impression de danger construite sur la mise en valeur des forces en présence, problématique qui peut être la plus grossière possible tant qu’elle emporte l’adhésion (rappelons tout de même que, pris au premier degré, Independence Day était idéologiquement imbuvable). On va faire simple, clair, et net : il n’y a rien de tout cela dans Resurgence. On fait face à ce que l’on peut qualifier sans sourciller de désastre. Les motivations des personnages sont incompréhensibles, et visiblement Emmerich n’en a rien à faire. Ce qu’il veut, c’est faire revenir certains protagonistes, quitte à cracher sur son propre film à certaines occasions, dans l’espérance infâme de provoquer l’adhésion d’un public qu’il prend continuellement pour une somme de crétins finis. Alors oui, la sortie de coma d’un des personnages fera sûrement rire. Mais ce n’est pas ce genre d’enjouement qu’on attendait. Pas cette réaction calculée, pensée, ce high five qui nous est volontairement adressé. Les salles de cinéma ne sont pas encore remplies de fanboys décérébrés, monsieur Emmerich.

image roland emmerich independence day resurgence

“Pitié faites que ça se termine”

Independence Day : Resurgence se vautre totalement sur les anciens protagonistes, qui paraissent tous sortis d’une boîte magique genre “coucou me revoilou“. Mais c’est encore pire avec les nouveaux, tous plus vides les uns que les autres. Le pilote Jake Morrison, incarné par le terriblement transparent Liam Hemsworth, ne présente aucune évolution, rien, bon sang, c’est le néant. Rien qu’on vous dit, rien. Il doit revenir de son combat pour ne pas faire larmoyer son improbable copine, qui apparaît de temps en temps sans que l’on ne sache trop pourquoi. Le seul souvenir de ces éléments provoque un embarras latent. Dylan Dubrow (le fils du personnage incarné par Will Smith) est d’un ridicule absolu, notamment dans une séquence hallucinante de bêtise qui mène à une mort importante (pas de spoiler dans cet article, rassurez-vous) et pourtant vide d’émotions. Précisons ici que l’acteur Jessie Usher rend une prestation tellement honteuse qu’on se demande si on ne préfère pas le chanteur. Hum. On pourra rétorquer que l’effet est recherché, que tout ceci c’est fait exprès, qu’être nul c’est bien. Oui, enfin, si on vous pince, ça va vous faire mal, et même si c’est assumé par votre impitoyable agresseur, vous lui en voudrez. Le concept du “je fais du mauvais sciemment” a ses limites. D’ailleurs, ce n’est pas l’intention qui importe sur ce point précis, mais la réussite de l’effet. Forcé de constater qu’Independence Day : Resurgence n’arrive jamais à nous emporter, on est constamment en train de se demander ce qui a bien pu rater à ce point. Enfin non, on le sait en fait, et ça nous ramène à ce qui fait défaut aux blockbusters des années 2010 : un bon scénario.

Car si les personnages d’Independence Day : Resurgence évoluent comme des poissons morts entre deux étalages grotesques de CGI ampoulées, c’est avant tout parce que le scénario est d’une banalité, d’une ineptie crasse. On ne saura jamais ce que contenait le script “avec Will Smith“, peut-être que le rapport père-fils qu’il dessinait aurait pu légèrement redresser la barre. Mais là, mamma mia… L’ensemble se perd dans un montage improbable, qui rend le récit parfois illisible à cause de changements de points de vue anarchiques, ce qui constitue un exploit tant l’ensemble est en fait très simple et aurait pu être au moins agréable à suivre. Emmerich se lance dans des circonvolutions invraisemblables, de multiples pistes qui restent toutes superficielles au possible tout en alourdissant bêtement le propos. On pense notamment à toute la partie africaine, et le rapport psychique qui lie certains humains aux aliens. On le décrit, et “hop là” on passe à autre chose. Et c’est comme ça pour tout, absolument tout au secours c’est avilissant d’écrire sur cet Independence Day : Resurgence alors qu’on pourrait faire plein de choses géniales. Se curer le pif au clair de lune. Commenter des statuts politiques sur Facebook. Stalker des comptes sur Twitter.

image independence day resurgence

“Quoi, encore une heure ?!”

Bon, on se calme, on ne va pas se cailler le sang pour une daube de plus dans le paysage putride des blockbusters modernes. Independence Day : Resurgence est un ratage complet, on l’aura compris. Et ce jusque dans son final qui, pourtant, partait d’une bonne intention. Et qu’elle soit pompée sur Aliens n’importe pas, c’est même une idée à potentiel. Le problème est la situation géographique de cette séquence, qui défie toutes les lois du bon sens. Les enfants de Super 8 ont mieux compris l’intérêt de la production value que l’équipe derrière Resurgence, et on l’écrit sérieusement. “C’est un clin d’œil au premier“. Ouais, enfin est-il bandant, ce clin d’œil ? Provient-il d’une jeune et jolie jeune femme, ou d’une mémé qui pique ? Bon sang ! On pourrait encore vous parler pendant des lignes et des lignes des prestations du casting dans son ensemble, en totale roue libre voire carrément insupportable. Il faut se laver les cheveux de temps en temps Charlotte Gainsbourg, sérieux. Pendant deux heures on a fantasmé de lui shampouiner la tronche à grands coups de jojoba, alors que des aliens menaçaient piteusement la planète, c’est ça le grand spectacle made in 2016 ? On pourrait aussi aborder cette 3D qui rejoint rapidos le lot des films qui ne pensent à la proposer que dans l’optique d’espérer soutirer des places plus chères, et qui au mieux ne fera que conforter vos futurs problèmes de vue et donc continuer de vous soutirer des sous mais cette fois en 2D. On pourrait se bidonner sur cet appel du pied à la Chine : on place deux acteurs asiatiques, et on prie pour que le film fasse un carton dans l’Empire du Milieu. Nan mais sans blague, et très sérieusement, c’est à gerber. Aller, on pourrait aussi causer deux secondes de la présidente des États-Unis, qui par ailleurs constitue le seul bon point d’Independence Day : Resurgence tant elle est aussi crétine que ce qu’on peut attendre d’un homme au même poste. Cette femme n’est motivée que par l’envie de botter le cul de qui que ce soit qui ne lui ressemble pas. Aussi primaire qu’un mâle. Une analyse politique plus fine que ce que les Social Justice Warriors qui règnent sur Twitter sont capables de construire, et ce dans un film plus débile tu chouines. Si ça, ce n’est pas parlant sur notre époque, ma bonne dame…

Mais il est plus sage de terminer par une pensée qui a fondamentalement de quoi inquiéter, peut-être encore plus que tout ce qu’on a pu écrire jusqu’ici. Votre humble serviteur s’est senti ultra blasé tout du long, beaucoup plus que déçu par la qualité de cet Independence Day : Resurgence. Cela fait maintenant des années que les réalisateurs ont sous la main une technologie nécessaire pour voir se solidifier leurs fantasmes les plus fous. Seulement, c’est cool de voir des vaisseaux de partout, des trucs et des machins qui clignotent dans tous les sens. Mais on nous en fourre tellement, sans relâche, sans réflexion quand à leur utilisation (“hein tu la veux ma grosse CGI ? Ben la voilà“) dans toutes les grosses productions, qu’aujourd’hui ces poussées d’images de synthèse provoquent au mieux un ennui poli. Au pire, un ronflement bruyant. Il va falloir que les grands réalisateurs se penchent sur le problème, et on va le voir prochainement : ce n’est pas gagné tant certains ne veulent pas prendre conscience du danger qui guette. Quand au film ici abordé, espérons simplement qu’il ne provoque pas une catastrophe industrielle qui, pourtant, pend au nez du cinéma comme jamais. Parce que 160 millions de dollars pour un truc aussi aberrant, va pas falloir se plaindre si ça se ramasse bien salement…

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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