[Test – DVD] Manchester by the Sea — Kenneth Lonergan

image boitier dvd manchester by the sea universal pictures franceCaractéristiques

  • Réalisateur : Kenneth Lonergan
  • Avec: Casey Affleck, Lucas Hedges, Michelle Williams, Kyle Chandler, Gretchen Mol, Matthew Broderick…
  • Éditeur : Universal Pictures Video
  • Date de sortie DVD & Blu-Ray : 25 avril 2017
  • Durée : 131 minutes

Image : 5/5

Le master, impeccable, est parmi ce que l’on peut trouver de mieux actuellement en terme de DVD, format qui a tendance à être bien moins soigné depuis que le Blu-Ray s’est imposé. Aucun signe de compression n’est visible, les contrastes et noirs sont parfaits, tandis que la colorimétrie, de toute beauté, rend justice à la superbe photographie de Jody Lee Lips et aux paysages de la ville de Manchester, dans le Massachusets. Du beau travail.

Son : 4/5

Le film est proposé dans pas moins de cinq langues : en version originale et française, bien évidemment, mais aussi en allemand, italien ou espagnol. En plus des sous-titres dans ces différentes langues, les spectateurs pourront également choisir de lire ceux-ci en arabe, hindi ou néerlandais. Une piste de commentaire audio par le réalisateur est également proposée, accompagné de sous-titres dans les mêmes langues. Les différentes pistes audio sont toutes proposées en Dolby Digital 5.1. La piste originale, bien équilibrée et d’une belle clarté, sans souffle notable, rend justice à l’atmosphère sonore soignée du film, notamment le score poignant de Lesley Barber.

Bonus : 4/5

Les suppléments de ce DVD sont peu nombreux mais intéressants. Parmi les 3 scènes coupées présentées, seule la première aurait pu sans doute être conservée au montage (mais a sans doute été coupée pour une question de rythme). La suivante était trop mélo par rapport au ton général et aurait laissé une impression de redite par rapport à la scène du drame. La dernière développe la relation conflictuelle entre Joe et son ex-femme, mais est située dans une période de transition qui a finalement disparu du film. A ce stade-là, la sortie du personnage de Gretchen Mol au début du film suffit à nous donner une idée de sa personnalité névrosée. Le bonus Des vies émouvantes : la création de Manchester by the Sea est un making-of de 15 minutes s’intéressant principalement au travail avec les acteurs et à la manière dont Kenneth Lonergan est parvenu à trouver une justesse émotionnelle d’un bout à l’autre pour aboutir à un film triste et lumineux à la fois.

Synopsis

L’histoire des Chandler, une famille de classe ouvrière, du Massachusetts. Après le décès soudain de son frère Joe, Lee est désigné comme le tuteur de son neveu Patrick. Il se retrouve confronté à un passé tragique qui l’a séparé de sa femme Randi et de la communauté où il est né et a grandi.

image bateau manchester by the sea film kenneth lonergan
© Universal Pictures

Le film

Unanimement salué par la critique des deux côtés de l’Atlantique, qui en a fait l’un des films de l’année, Manchester by the Sea a également valu à Casey Affleck l’Oscar du meilleur acteur en février dernier. Le frère de Ben est un habitué du cinéma indépendant américain depuis longtemps, pour ne pas dire depuis le début de sa carrière, lui qui est l’un des acteurs fétiches de Gus Van Sant — tout comme Matt Damon, qui produit le film — et a également brillé dans le contemplatif L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d’Andrew Dominik. Mais il trouve clairement là l’un des rôles les plus importants de sa filmographie grâce à une performance contenue tout en regards, en tension corporelle et en non-dits.

Manchester by the Sea aurait pu être un mélodrame de plus autour d’une famille américaine de la classe ouvrière frappée de manière répétée par la tragédie, avec en son centre un anti-héros torturé continuellement occupé à expier ses fautes. Cependant, Kenneth Lonergan, qui signe ici son troisième long-métrage après le remarqué Margaret, sur lequel il avait rencontré d’importants conflits de production, choisit de réaliser un film à la mélancolie tranquille, où la noirceur des événements, traités de manière sobre, à mille lieux du pathos tire-larmes, n’empêche pas la vie de filtrer. Sa réalisation élégante et posée, ainsi que la photographie de toute beauté de Jody Lee Lips (Martha Marcy May Marlene) transfigurent les paysages neigeux de Manchester-by-the-Sea, petite ville côtière du Massachusets perdue sous la glace. En conséquence, le film nous enveloppe dans une atmosphère ouateuse, faussement sereine, où le temps ne semble pas s’écouler de la même manière, comme une bulle à l’écart du monde extérieur. Ce qui est précisément l’état d’esprit du personnage principal, Lee Chandler, homme à tout faire taiseux revenu dans sa ville natale suite à l’infarctus de son frère aîné Joe (Kyle Chandler), qui décède avant son arrivée et lui confie la garde de son fils de 16 ans, Patrick, par voie testamentaire. Une charge que Lee, qui semble perpétuellement engourdi, ne peut se résoudre à accepter, pour des raisons que nous ne tardons pas à découvrir à travers des flash backs successifs.

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© Universal Pictures

Ces flash-backs interviennent assez tôt dans la trame narrative, et nous montrent un Lee plus jovial, époux et père de famille comblé de trois enfants, un peu remuant, un peu pochtron sur les bords en présence de ses amis, bien plus vivant que l’homme seul et renfermé qu’il est devenu, réagissant en différé à la mort de son frère, comme si ses émotions devaient percer d’épaisses couches de glace avant d’affleurer et de s’imprimer sur son visage. Quelques réactions montrent qu’il est connu comme le loup blanc en ville, mais pas forcément pour de bonnes raisons. La révélation de la tragédie familiale qui l’a frappé et a brisé son couple avec Randi (Michelle Williams) vient éclairer ces réactions partagées entre mépris, appréhension et compassion et qui poussent les habitants de la petite ville à éviter cet homme transportant avec lui l’aura d’un malheur sans fond.

L’affiche du film, qui pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un mélodrame amoureux ou d’un film sur la possible réconciliation d’un couple peut surprendre étant donné que Michelle Williams n’apparaît pas à l’écran plus de 10 minutes si l’on met ses différentes apparitions bout à bout. Par ailleurs, Manchester by the Sea est davantage tourné vers la relation unissant Lee et son neveu Patrick (Lucas Hedges, très juste), bien que l’histoire avec son ex-femme, réduite au strict minimum, soit bien sûr importante par l’impact du drame qui les unit et essentielle pour comprendre l’évolution de Lee. Ce parti pris pourrait sembler risqué, mais il fonctionne parfaitement tant les très rares scènes entre les deux sont lourdes de tension et de regrets. Les éléments de l’intrigue dispersés ça et là et la nature de la faute dont Lee porte le poids suffisent par ailleurs à combler les trous dans leur histoire sans tomber dans l’explicatif. Michelle Williams, dont une partie des apparitions dans le film peuvent paraître anodines, est toujours très juste, entre l’humour et la poigne dont elle fait preuve au début, et la réserve teintée de gravité qui caractérisent son personnage par la suite. Elle a droit à son morceau de bravoure sur la fin lors d’une scène de confrontation bouleversante de sincérité, où les deux acteurs sont au diapason.

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© Universal Pictures

Dans tous les cas, le film refuse tout autant la fin plombante que le happy end factice du feel good movie et c’est dans les scènes développant la relation entre Lee et son neveu que Manchester by the Sea trouve sa respiration et une luminosité mesurée. L’intrigue se déroulant en plein hiver et en partie sous la neige, on serait tentés de voir là une possibilité de rédemption pour le personnage — ce que les événements et les différents protagonistes lui offrent, mais qu’il refuse. Mais, confronté à cet adolescent sportif et beau gosse qui trouve le moyen de se trouver deux petites-amies dont il amadoue les mères avec ses bonnes manières, quelque chose semble s’éveiller de nouveau en Lee, même si ces tranches de vie anodines, teintées d’un humour parfaitement dosé, sont contrebalancées par la force d’inertie du personnage, qui résiste à la possibilité même du bonheur et d’une vie où il ne serait plus protégé par un engourdissement qu’il ne brise tout à fait qu’en provoquant des bagarres dans les bars ou en passant son poing au travers d’une vitre.

Et pourtant, la vie est là et filtre tant bien que mal par l’intermédiaire de cet adolescent orphelin de père et vulnérable en dépit des apparences, loti d’une mère ancienne alcoolique et remariée avec un aimable conservateur. C’est sur cette brèche d’espérance et de complicité que se conclue Manchester by the Sea, avec une simplicité déjouant tous les pronostics habituels du genre. On en ressort en état d’apesanteur, touchés par ce récit qui aurait pu s’avérer casse-gueule mais est indéniablement réussi, porté par une mise en scène forte sans jamais être démonstrative. Sans nécessairement être le chef d’oeuvre que beaucoup y ont vu, le film de Kenneth Lonergan est clairement l’un des meilleurs mélodrames que le cinéma indépendant nous ai offert depuis longtemps.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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