[Critique] La colle : “Un jour sans fin” version ado

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Alexandre Castagnetti
  • Avec : Arthur Mazet, Karidja Touré, Thomas VDB, Alexandre Achdjian, Noémie Chicheportiche, Najaa Bensaid, Oussama Kheddam...
  • Distributeur : Universal Pictures France
  • Genre : Comédie
  • Pays : France
  • Durée : 1h31
  • Date de sortie : 19 juillet 2017
  • Note du critique : 5/10

Après le sympathique (mais oubliable) Amour et Turbulences (2013) et la chronique adolescente Tamara (2016), Alexandre Castagnetti est de retour avec une comédie 100% ado, La colle, reprenant le principe du classique d’Harold Ramis, Un jour sans fin (1993), ici transposé dans la salle de colle d’un lycée français. Benjamin est un ado intelligent mais peu sûr de lui, qui dessine des planches de bandes-dessinées dans son coin tout en rêvant à la jolie Leïla, qui n’est pas vraiment consciente de son existence. Lorsqu’il se retrouve injustement collé pendant 2 heures un samedi, il se retrouve à côté d’elle par hasard, mais, nerveux, il gâche rapidement la moindre chance de la séduire. Après être sorti de la salle, il se retrouve de nouveau projeté au début de l’heure de colle, et comprend qu’il est coincé dans une boucle temporelle après avoir soumis le voeu que lui et Leïla soient “ensemble” sur le site Internet Akinator, dont la mascotte est un génie de la lampe. Benjamin va donc devoir échafauder une tactique pour parvenir à ses fins s’il veut arrêter de revivre ces interminables heures de colle…

Le purgatoire vu à travers les yeux d’un ado

image arthur mazet la colle film
Arthur Mazet (Benjamin). © Universal Pictures

Autant l’avouer : nous avions quelques (gros) doutes à la lecture de ce point de départ, dont les tenants et aboutissant, très simples, pourraient tenir sur un timbre poste. Pourtant, s’il force souvent un peu trop le trait et possède des faiblesses, La colle se révèle au final bien plus sympathique que ce à quoi l’on aurait pu s’attendre. Certes, les clichés (assumés) sont gros et ne fonctionnent pas toujours entièrement, certains aspects “bizarres” sont grossiers et les dialogues ne font pas nécessairement dans la dentelle. Pourtant, si on le prend pour ce qu’il est, c’est-à-dire une comédie destinée aux collégiens et lycéens, qu’il a pour vocation d’amuser tout en parlant à leur besoin d’affirmation et de reconnaissance au sein du groupe, le film d’Alexandre Castagnetti ne s’en sort pas si mal.

La comparaison avec le film d’Harold Ramis avec Bill Murray fait mal si on met les deux oeuvres côte à côte, mais il faut se représenter La colle comme un long-métrage extirpé du cerveau d’un adolescent encore immature, dont l’imagination débridée apparaît finalement bien naïve, faute d’expérience et de confiance en lui… ce qui est la parfaite description du héros, Benjamin. Bloqué dans une boucle où règne un surveillant cherchant (sans y parvenir) à faire de la concurrence au Dr. Jacoby de Twin Peaks dans le genre joyeux dingo — la chemise hawaïenne est d’ailleurs incluse — et un prof dépressif largué par sa copine, l’adolescent est persuadé d’être prisonnier d’une sorte de purgatoire cauchemardesque qui lui semble sans doute lynchien, mais que l’on appréhende en l’espace de deux secondes. Cependant, si l’aspect “inquiétante étrangeté” ou même la dimension faussement gilliamesque ne fonctionnent pas vraiment, les émotions contradictoires des personnages et leurs insécurités sont bien exploitées et mises en avant, ce qui n’était pas gagné d’avance étant donné certains poncifs sur lesquels Castagnetti a eu la main lourde.

Un message d’ouverture et de tolérance

image casting la colle alexandre castagnetti
© Universal Pictures

En dehors de l’intrigue amoureuse et de l’éternelle question “Comment le héros maladroit va-t-il séduire la fille ?”, La colle s’intéresse peu à peu aux personnalités très tranchées des autres élèves collés, de la bimbo au grand coeur à la racaille défendant férocement sa maman, sans oublier le jeune prodige incompris et quasi-autiste, le militant d’extrême gauche tendance anarchiste ou encore le beau gosse arrogant cachant sa sensibilité et un don inattendu. Le message, positif et tolérant, forcément classique, est simple et efficace : malgré leurs différences et les attitudes qu’ils se donnent pour s’affirmer et se protéger, les ados cachent tous des rêves, des doutes et des fêlures qui les rapprochent bien plus qu’ils ne l’imaginent, ce dont ils prendraient conscience s’ils allaient au-delà des apparences. Et, sur ce point précis, le scénario d’Alexandre Castagnetti fonctionne et a tout pour parvenir à toucher son public cible tout en restant dans une certaine légèreté. Il y a quelques maladresses de-ci de-là (la remarque de Benjamin à Fraîcheur, lorsqu’il lui dit qu’elle se donne l’apparence d’une fille superficielle à cause de son maquillage et sa coiffure), et le personnage du “rebelle” d’extrême gauche ne prend malheureusement pas, mais les acteurs s’en tirent plutôt bien et le tout se regarde plutôt agréablement.

Voilà donc un film qui, sous ses dehors un peu lourdauds, apparaît en fin de compte honnête et plaisant, tout en étant entièrement calibré et sans réelle surprise du point de vue de l’intrigue. A réserver exclusivement aux adolescents de 12 à 17 ans, La colle évoque les insécurités liées à cette période, où un râteau peut prendre l’apparence d’une damnation éternelle dont on se rejoue le film en boucle, en espérant pouvoir changer la fin. Prétexte doublé par un appel à la tolérance, le scénario encourageant les jeunes à apprendre à connaître leurs camarades de classe, dont ils redoutent le jugement sans réaliser qu’ils partagent les mêmes doutes.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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