Caractéristiques
- Titre : Lou et l'île aux sirènes
- Titre original : Yoake tsugeru Rû no uta
- Réalisateur(s) : Masaaki Yuasa
- Avec : (les voix originales de) Kanon Tani, Shôta Shimoda, Minako Kotobuki...
- Distributeur : Eurozoom
- Genre : Animation, Fantastique, Musical
- Pays : Japon
- Durée : 1h47
- Date de sortie : 30 août 2017
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Deuxième long-métrage du réalisateur japonais Masaaki Yuasa après Mind Games en 2004, qui lui valut de nombreuses récompenses internationales, Lou et l’île aux sirènes a été présenté cette année en sélection officielle du Festival du film d’animation d’Annecy, où il a remporté le très convoité prix Cristal du meilleur long-métrage. Présenté comme la première oeuvre originale et véritablement personnelle de son auteur, ce sympathique dessin animé raconte l’histoire de Kai, un adolescent solitaire et mélomane, qui participe au groupe de rock de ses nouveaux amis et s’attire bien involontairement l’amitié d’une drôle de petite sirène, Lou, désireuse de découvrir le monde des humains. Celle-ci va devenir un membre à part entière du groupe mais, dans le petit village de pêcheurs où vivent les héros, les sirènes sont considérées comme de dangereuses créatures mangeuses d’humains, qu’elles mordent afin de les transformer en hommes-poissons. La présence de Lou, difficile à cacher, va donc causer bien des soucis à Kai, Yuho et Kunio…
Entre simplicité narrative et développements baroques
Etrange film que ce Lou et l’île aux sirènes, difficilement cantonable (et c’est tant mieux !) à un seul genre. De prime abord, il s’agit d’un joli dessin animé pour enfants et adolescents tournant autour de la musique et de l’amitié, rempli de valeurs simples et positives, et rappelant à certains égards les mangas animés des années 90-début des années 2000. L’animation,de qualité, réalisée à partir du logiciel Flash, est fluide, agréable, les couleurs vives sont très marquées, les décors conçus avec soin, mais le style reste plus épuré que les longs-métrages des studios Ghibli, qui utilisent des techniques différentes. Cette simplicité se retrouve plus particulièrement dans les traits des personnages, assez manga dans le style (d’inspiration shojo plus précisément), et très expressifs. Le spectateur rentre donc facilement dans cet univers et se laisse porter.
Puis vient l’apparition de Lou, drôle et bien amenée, et le film emprunte alors différentes directions, et différentes tonalités, pour un résultat psychédélique à souhait, plaisant, mais parfois déroutant également, puisque l’on sent, en milieu de métrage, un certain éparpillement, qui aboutit à quelques longueurs qui auraient pu être évitées. L’intrigue, qui semblait au départ cousue de fil blanc, ne va pas dans la direction attendue, ce qui est plutôt une bonne chose, le problème, c’est qu’on se surprend à se demander à plusieurs reprises où Masaaki Yuasa cherche à nous emmener.
Lou et l’île aux sirènes réunit à la fois une chronique autour d’un groupe de rock adolescent fleurant bon les années 80, une histoire de sirène entre le dessin animé de Disney, Ponyo sur la falaise d’Hayao Miyazaki et Splash de Ron Howard, sans oublier la partie bleuette, drame familial, et aventures rocambolesques où les humains rencontrent les créatures des mers. L’enchaînement des séquences joue parfois sur des contrastes assez abrupts, tandis que les numéros musicaux psychédéliques, certes drôles et enthousiasmants, s’éternisent parfois au détriment de l’avancement de l’intrigue, qui patine avant de connaître de soudaines accélérations. Dernière réserve : au-delà d’un premier acte très maîtrisé, l’émotion est trop souvent absente du dessin animé. L’ensemble est réellement attachant, mais manque un peu de profondeur.
Une animation audacieuse, parfois expérimentale
Ces éléments mis à part, ce qui retient véritablement l’attention dans Lou et l’île aux sirènes (et justifie ainsi tout à fait le prix du festival d’animation d’Annecy), c’est l’audace avec laquelle Masaaki Yuasa marie différents styles visuels avec panache et vient déjouer les attentes du spectateur. Durant certaines séquences, le style se fait plus cartoonesque, et même plus abstrait : les traits des personnages semblent alors fluctuer et se transformer de manière étonnante, de même que les perspectives, pour un rendu quasi-expérimental. La manière dont les cheveux de Lou ondoient dans l’eau fait également partie de ces originalités, et le dernier acte témoigne d’une réelle attention à l’animation des éléments aquatiques.
Le parti pris du cinéaste de marier un style relativement épuré, faussement simple, à une animation mouvante et atypique, ne répondant à aucun moule préformaté, apparaît alors comme une revendication. On peut alors avoir le sentiment que cette impression d’éparpillement narratif correspond aussi à cette volonté de sortir des sentiers battus pour mieux surprendre le public, même si nous ne sommes pas entièrement convaincus par la mise en oeuvre.
Par ailleurs, Lou et l’île aux sirènes parvient à affirmer une personnalité forte et distincte, tout en faisant référence à d’autres oeuvres du genre, telle que Ponyo sur la falaise, que nous citions un peu plus haut. Difficile en effet de ne pas penser au film de Miyazaki en observant l’apparence du visage de Lou en gros plan, ou le design de certaines créatures aquatiques, mais aussi en suivant le développement de l’amitié entre Kai et la petite sirène, très proches du dessin animé de 2008. Ces parallèles appuyés posent de prime abord question mais, là où un autre réalisateur aurait pu se contenter de recycler différents éléments préexistants en alignant les « clins d’oeil » visuels, Masaaki Yuasa sait emmener son film sur d’autres voies, pour nous offrir une oeuvre affirmée, qui ne se repose pas sur ce qui a déjà été fait, mais tente de trouver de nouvelles approches, dans un véritable élan créatif qui contient peut-être quelques maladresses, mais demeure enthousiasmant et stimulant, tant que l’on accepte l’idée que les développements narratifs, classiques en eux-mêmes, ne servent que de prétexte à ces expérimentations.
Petits et grands ressortiront donc le sourire aux lèvres de ce joli film d’animation bien plus baroque que ce que pourrait laisser supposer l’affiche et les quelques visuels diffusés. Entre ses numéros musicaux à la fois naïfs et psychédéliques, son histoire (ou plutôt ses histoires) aux valeurs positives et la qualité de son animation, on pardonne alors en partie à Lou et l’île aux sirènes ses quelques longueurs à mi-parcours. Last but not least, la VF est très bien faite, même si l’on aurait été curieux de découvrir les versions nippones des chansons de nos héros.