[Critique] Barry Seal – American Traffic : Prends l’oseille et tais-toi

Caractéristiques

  • Titre original : American Made
  • Réalisateur(s) : Doug Liman
  • Avec : Tom Cruise, Sarah Wright, Domhnall Gleeson, E. Roger Mitchell, Jesse Plemons, Caleb Landry Jones, Alejandro Edda...
  • Distributeur : Universal Pictures France
  • Genre : Biopic, Espionnage
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 1h55
  • Date de sortie : 13 septembre 2017
  • Note du critique : 7/10

Après l’échec de La Momie cet été, nous retrouvons Tom Cruise dans un film radicalement différent, dans lequel il reste cependant égal à lui-même et pilote des avions au cours de ses missions. Barry Seal : American Traffic est basé sur l’histoire vraie d’un pilote de ligne américain important illégalement des de la drogue afin d’arrondir ses fins de mois. Pris la main dans le sac à la fin des années 70, il se voit contraint d’accepter l’offre de la CIA, qui lui demande de prendre des photos et de récupérer certains documents au cours de ses trajets. Il ne tarde pas à importer de la cocaïne pour le compte du cartel colombien Medellín de Pablo Escobar et à s’enrichir, sans jamais cesser ce double-jeu fort dangereux…

Un hommage au cinéma politique des années 70

image cartel pablo escobar tom cruise barry seal american traffic doug liman
© Universal Pictures

Pour raconter cette incroyable histoire sous l’administration Reagan, Doug Liman emploie souvent le ton de la comédie et joue sur le charme rétro du cinéma américain 70’s. Pas un seul temps mort, des rebondissements en pagaille, et beaucoup  d’ironie, Barry Seal se présente à la fois comme un divertissement jubilatoire et une critique sous-jacente de l’Amérique reaganienne, prête à trahir ses valeurs au nom du profit. En effet, c’est par le biais des agissements du pilote de ligne et des manigances de la CIA, qui le laissait faire car ces contacts servaient leur lutte contre le communisme — Seal livrait aussi des armes aux Contras, censés renverser le gouvernement sandiniste, en relation avec le cartel), que des centaines de tonnes de cocaïne furent importées en Floride, au moment même où l’ancien cowboy d’Hollywood se disait prêt à tout mettre en oeuvre pour lutter contre les réseaux.

L’histoire de ce fructueux trafic nous est compté par Seal lui-même, à travers des enregistrements vidéo réalisés afin de tenter de se protéger puisque, comme l’on peut s’en douter, il finira par devenir l’homme à abattre. L’image, tirant sur le jaune sépia lors des flashbacks, possède volontairement le grain distinctif et les teintes froides des camescopes de l’époque. Ce parti pris esthétique, conçu pour immerger le spectateur dans la fin des années 70-début des années 80, fonctionne bien, à défaut d’être d’une folle originalité. L’utilisation d’images d’archives de la télévision américaine au sein du montage, généralement intercalées de manière ironique avec le monologue de Seal-Cruise, ont quant à elles la volonté de placer ce thriller dans la droite lignée du cinéma politique US.

Un anti-héros un peu trop sympathique ?

image tom cruise avion barry seal american traffic doug liman
© Universal Pictures

Cependant, que l’on ne s’y trompe pas : le divertissement prime clairement ici. Qu’il s’agisse de la rencontre haute en couleurs de Barry Seal avec le cartel colombien, qui veut faire décoller son petit Cessna avec des centaines de kilos de cocaïne au milieu de la forêt et des montagnes, ou bien des excès de son train de vie infernal, Doug Liman veut nous en mettre plein la vue et il atteint assez aisément son objectif. Toujours aussi à l’aise dans l’action (il a, comme il se doit, piloté lui-même les différents avions) comme la comédie, Tom Cruise use et abuse de son éternel sourire ultra-bright et parvient à nous rendre plutôt sympathique un type ne possédant aucune valeur profonde, si ce n’est l’amour qu’il porte à sa femme et leurs jeunes enfants. Le pilote aime certes son pays, mais avant tout parce-qu’il lui permet de s’enrichir et de ne pas passer par la case prison. Le Rêve Américain en somme, liasses de billets et belles voitures incluses. De ce côté-là, Barry Seal : American Traffic lorgne clairement du côté du Loup de Wall Street, mais sans en égaler la nervosité rageuse.

Il faut dire que, s’il organise de grandes fêtes et comble sa femme en lui faisant fougueusement l’amour tout en pilotant un avion en même temps, le mercenaire apparaît paradoxalement assez lisse — ce qui ne devrait pas nous surprendre étant donné la filmographie récente de Tom Cruise. Son Barry Seal est certes un anti-héros, un type motivé par l’appât du gain sans autre considération morale (après tout, si d’autres profitent encore davantage de cet argent, pourquoi pas lui ?), mais il ne semble pas avoir de “face sombre”. Il ne prend pas de drogue, ne cède jamais à la violence — il n’est même pas responsable de la mort d’un protagoniste gênant pour ses affaires — et, surtout, ses choix les plus discutables trouvent une justification par son goût du risque, qui frôle l’addiction, sans que Doug Liman ose vraiment le traiter comme tel. Le résultat est du coup plaisant, mais assez peu crédible. Jamais rattrapé par ses démons intérieurs, Seal affronte le danger sans se départir de la décontraction de son charismatique interprète, à l’exception du troisième acte, où sa peur d’être rattrapé par le cartel fait l’objet de scènes comiques très efficaces, avant le dénouement, moins optimiste que ce que devait s’imaginer cette tête brûlée.

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© Universal Pictures

A cela, on ajoutera un point noir regrettable, qui tient au traitement du personnage de Sarah Wright, qui incarne Lucy, l’épouse de Barry. L’actrice s’en sort plutôt bien, mais son rôle se borne à jouer une mère douce et une épouse fidèle, dont l’inquiétude légitime disparaît bien vite dès lors que les billets se mettent à pleuvoir. Cette dimension de femme-objet aurait pu être évité, ou le rôle mieux écrit. Si l’on se souvient de Margot Robbie dans Le Loup de Wall Street, c’est aussi que son rôle possédait davantage de caractère et de poids face à celui de DiCaprio. Ici, c’est comme si la production avait eu peur que le moindre élément distraie les spectateurs de la performance de Tom Cruise — un reproche qui était déjà valable pour La Momie et quelques autres films avec la star. En revanche, avec son apparence passe-partout et son air faussement innofensif, Domhnall Gleeson (Les derniers Jedis, The Revenant, Brooklyn…) dans le rôle de “Schaefer”, le contact de Seal au sein de la CIA, qui possède une juste dose d’ambiguïté.

Cependant, si l’on excepte ce faux pas, Barry Seal : American Traffic emporte l’adhésion et réussit sa mission de nous divertir avec l’histoire passionnante de ce mercenaire des airs, à la personnalité moins lisse que le pilote valeureux de Top Gun, même si le film n’ose pas montrer les aspérités réelles du personnage. En “gringo cinglé qui livre toujours”, Tom Cruise rayonne et se montre souvent très drôle, bien servi par un scénario aux répliques franchement mieux troussées que celles de son précédent film. Si l’on ajoute à ça la réalisation efficace de Doug Liman et la vision satirique de la période Reagan, on obtient un thriller tout à fait plaisant, qui décolle au quart de tour et nous tient en haleine grâce à un suspense bien maîtrisé.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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