[Critique] Ça : une adaptation à moitié réussie

Caractéristiques

  • Titre : Ça
  • Titre original : It
  • Réalisateur(s) : Andrés Muschietti
  • Avec : Bill Skarsgard, Jaeden Lieberher, Jeremy Ray Taylor, Sophia Lillis, Finn Wolfhard, Wyatt Oleff, Chosen Jacobs
  • Distributeur : Warner Bros
  • Genre : Horreur
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 2h15
  • Date de sortie : 20 septembre 2017
  • Note du critique : 6/10

Mieux que la mini-série

image bill skarsgard ça andres muschietti

Eh bien, on y est ! Après bien des circonvolutions, l’un des meilleurs roman de Stephen King, Ça, débarque en fanfare sur les toiles de nos cinémas. Pour ce résultat, la production n’a pas navigué sur un long fleuve tranquille : on se souvient surtout du changement de réalisateur, Cary Fukunaga, attaché au projet mais débarqué pour une vision pas assez grand public. Un motif qui en a fait frémir plus d’un, bien plus que ce bon vieux Grippe-Sou, mais qui fut balayé par le nom du metteur en scène venu reprendre la patate chaude : Andrés Muschietti. Ce dernier est l’auteur d’un Mama qui, s’il divise la rédaction (on aime, ou on déteste), a au moins le mérite de ne pas être passé inaperçu, et d’avoir créé une véritable proposition. De là à prendre en main une des adaptations les plus difficiles que l’on puisse imaginer…

Dans la petite ville de Derry, les enfants disparaissent mystérieusement les uns après les autres. Pendant ce temps, sept enfants s’unissent après avoir tous été confrontés à des événements horribles et étranges : la rencontre avec « Ça ». Il s’agit d’une créature sans nom (croque-mitaine), capable de se transformer en ce qui nous fait le plus peur dans l’unique but de nous tuer pour pouvoir s’alimenter. Sa forme préférée, parmi ses multiples transformations, est celle d’un clown. Constatant que « Ça » peut avoir un lien avec les mystérieuses disparitions d’enfants, le « Club des Ratés », comme se surnomment les sept enfants, décide de prendre les choses en main en partant à la recherche de la créature.

N’y allons pas par quatre chemins : si vous appréciez la mini-série, qui passait et repassait sur M6, entre Les Langoliers et Les Tommyknockers (ah, c’était le bon temps !), alors vous allez sûrement adorer le film d’Andrés Muschietti. Car la peur est sans doute ce qui a le plus retenu l’attention de l’auteur, du moins les effets qui peuvent la provoquer, ce qui ne signifie pas que tout, à ce niveau, soit réussi pour autant. Celles et ceux qui militaient pour un résultat aussi violent que ce que la base littéraire décrivait en auront pour leur argent, et ce dès une ouverture très fidèle aux écrits du maître de l’horreur. C’est sanguinolent, parfois un peu propre dans le déchaînement de violence mais tout de même : l’hémoglobine coule, et pas qu’un peu. Surtout, elle est bel et bien accompagnée de son écho allégorique, on pense bien évidemment à la séquence de la salle de bain de Beverly, dans laquelle le sang jaillit tel un geyser, alors que la jeune fille connaît ses premières menstruations.

Où est passé le côté mystique de l’œuvre de Stephen King ?

image enfants club des ratés ça andres muschietti

Le scénario de Ça peut poser certaines questions. On comprend le besoin scénaristique, et formel, de se passer de la narration éclatée du livre. Mais, finalement, cette idée a peut-être joué des tours au vu du résultat global. Si les personnages formant le Club des Ratés sont les grands gagnants de ce traitement, d’autres éléments n’ont pas droit aux mêmes honneurs. On pense surtout à toute la partie mystique, liée à l’existence même de Grippe-Sou, laquelle est totalement mise de côté au profit d’une peur fondamentalement pauvre, à base de jump scare bien évidemment. Oubliez tout espoir de voir se développer la théorie des Lumières Mortes, par exemple. Elles sont bien présentes, l’espace de quelques secondes, mais rien ne vient donner de la profondeur à cette apparition. Une faiblesse due à la forme linéaire du scénario. Les allers-retours dans le temps, au sein du roman de King, permettaient de creuser le cas du clown. Comme les deux parties sont séparées en autant de périodes de vie, on perd fatalement cette façon de faire intervenir des éléments de compréhension importants.

Heureusement, l’écriture des personnages est une belle réussite, du moins en ce qui concerne le Club des Ratés. On retrouve beaucoup de l’ambiance du livre, même si les dialogues de cette adaptation jouent la carte du grossier-rigolo à fond les ballons. Pas grave, car chacune des âmes de cette bande nous est mémorable, et l’on peut parier que le public se trouvera son petit préféré. Le constat est moins bon concernant les autres protagonistes de Ça. On pense à Bowers et sa bande, laquelle voit d’ailleurs l’une des séquences les plus marquantes du roman être retirée (la relation homosexuelle entre Patrick et Henry), certainement pour ne pas aborder un sujet qui ne peut plus trop l’être aujourd’hui, du moins quand la forme n’est pas militante mais juste descriptive. Cela fait partie de nos regrets, car ce genre d’éléments a toute sa place dans une globalité qui se veut bien plus complexe que la simple peur du clown, carte que joue cette adaptation.

Ça n’est pas un mauvais film, assurer le contraire serait tirer un trait sur une mise en scène parfois remarquable, un rythme plutôt bon et un casting charismatique. Le problème est clairement que l’on attendait plus de matière à penser, que d’effets purement horrifiques. C’est ici que l’on doit vous parler du fameux Grippe-Sou, l’entité malfaisante qui hante la ville de Derry. Le constat est entre deux eaux : si on lui reconnait une véritable force d’évocation, et quelques séquences très réussies (celle des diapositives provoque l’un des plans les plus flippants vus au cinéma ces dernières années), on peste contre des effets trop attendus. On cherche à nous faire sursauter, et Bill Skarsgard (Atomic Blonde) a du mal à être aussi inquiétant que Tim Curry. Malgré tout, on ne peut que remarquer que l’ensemble fonctionne plutôt bien, et l’on espère que le second long-métrage permettra d’amener cette dimension mystique ici absente.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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