Caractéristiques
- Titre : Le Carnaval des âmes
- Titre original : Carnival Of Souls
- Réalisateur(s) : Herk Harvey
- Avec : Candace Hilligoss, Frances Feist, Sidney Berger, Art Ellison, Stan Levitt, Tom McGinnis
- Distributeur : Artus Films (DVD)
- Genre : Fantastique
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 74 minutes
- Date de sortie : 26 septembre 1962 (Etats-Unis)
- Note du critique : 9/10 par 1 critique
Une merveille à (re)découvrir sans hésiter
Si vous aimez le fantastique, alors vous avez sûrement entendu parler de ce Carnaval des âmes, véritable film culte qui, nous allons le voir ensemble, n’a pas usurpé cette qualification. Paru au début des années 1960, produit avec deux élastiques et trois ficelles (30 000 dollars), l’œuvre est devenue, après une réception assez froide de la critique lors de sa sortie initiale, un véritable porte-étendard du cinéma indépendant. Adoré par le très regretté George A. Romero, vénéré du côté de David Lynch, l’effort signé Herk Harvey (qui a fait la très grande majorité de sa carrière chez Centron, du cinéma institutionnel) est carrément séminal, et se doit d’être apprécié à sa juste valeur.
Le Carnaval des âmes débute de manière assez abrupte : pas de générique, et de suite une séquence-clé. Une course de voitures improvisée se solde par un tragique accident au cours duquel un véhicule occupée par trois jeunes femmes s’abime dans un fleuve. Seule Mary échappe miraculeusement à la noyade. Traumatisée, la jeune femme emménage dans une autre ville et trouve un emploi d’organiste dans une église.Très vite des événements insolites surviennent, des personnages fantomatiques lui apparaissent et l’attirent irrésistiblement vers un gigantesque parc de jeu abandonné…
Le Carnaval des âmes explore les routes de l’irréel, ou plutôt les perceptions parfois trompeuses du réel. Après un accident plus que grave, dans lequel on peut déjà capter une sorte de malaise humain sur lequel se basera l’écriture de Mary (Candace Hilligoss), le spectateur navigue entre errance et cauchemar éveillé, ne sachant réellement où se situe la frontière entre les deux sensations. Le réalisateur joue plus qu’habilement avec cette ambiance, et surtout ne tombe pas dans le piège du trop-plein, de l’effet facile. Fans de jump scare à la James Wan (lui aussi adorateur du film, comme quoi…), ici vous entrez dans un autre monde. Hors de question de tirer sur la corde, de faire apparaître le moindre spectre gratuitement. La hantise se fait assez psychologique, on pénètre avant tout dans l’esprit de Mary, afin de mieux nous faire douter, nous mettre mal à l’aise.
Le doute s’immisce dans un scénario très malin
Après Mary sauvée des eaux, le doute s’installe progressivement. C’est ici que Le Carnaval des âmes se fait carrément exemplaire : l’évidence scénaristique est sans cesse mise à mal par des conflits très malins, distillés par le biais d’un scénario qui ne l’est pas moins. L’hôtel dans lequel séjourne la jeune femme, son emploi d’organiste au sein d’une église, quelques réactions des rares mais toujours utiles personnages secondaires, le spectateur se prend à décortiquer chaque élément dans le but de se rassurer, devenant de facto le prolongement du personnage principal. Celui-ci, caractérisé très habilement, créé aussi une sorte de paranoïa, tant elle semble asociale, et sans aucun doute marquée par l’accident. Ses perceptions, les apparitions du spectre (joué par Herk Harvey lui-même) n’en gagnent que plus d’impact, ce qui est particulièrement notable pour un film de cette époque.
Le tout petit budget de l’œuvre joue aussi en sa faveur. La photographie, signée Maurice Prather, imprime durablement les rétines : ce noir et blanc s’avère inoubliable. Le réalisateur fait aussi preuve d’une vraie maitrise de son art, multipliant les plans aux effets justifiés. Aussi, le manque de moyens techniques fait que le réalisateur se doit d’exploiter habilement ses lieux de tournage, comme le parc d’attraction abandonné, autre personnage central de l’œuvre. C’est dans ce décor magnifiquement rendu lugubre que se déroule l’une des conclusions les plus marquantes de l’Histoire du cinéma, avant un twist attendu mais qui fonctionne parfaitement. Voilà qui termine de justifier l’appellation (parfois difficilement contrôlée) de film culte : Le Carnaval des âmes la mérite amplement.
Retrouvez aussi notre test du DVD, sorti chez l’éditeur Artus Films.