Un spectacle nostalgique carburant à l’auto-dérision
Nous vous en parlions récemment, les boys bands sont de retour pour une grande session de nostalgie 90’s ! Ou, pour être plus précis, Frank Delay (2Be3), Chris Keller (G-Squad) et Allan Théo, anciennes coqueluches des jeunes filles en fleur de 1996 à 1997, ont décidé d’unir leurs forces pour former un groupe appelé de manière très appropriée Génération BoysBand. Le concept ? Chanter leurs plus grands succès, mais aussi ceux des groupes « rivaux » de l’époque, tout en proposant au public, désormais adulte, une bonne dose de rigolade. Boys Band Forever est ainsi leur « presque comédie musicale », un spectacle d’1h15 où les chansons et medleys sont entrecoupés de dialogues scénarisés semblant tout droit sortis d’une sitcom d’AB Production. Le trio avait annoncé qu’il jouerait beaucoup sur l’auto-dérision, c’est donc remplis de curiosité que nous avons poussé la porte de l’Apollo Théâtre à Paris, où le groupe donnait une représentation unique le 23 mars dernier.
Et nous avons en effet passé une très bonne soirée, remplie d’airs parfois oubliés et de légèreté. L’histoire, si on peut l’appeler ainsi, est d’une simplicité limpide (le groupe effectue une dernière répétition avant son grand retour sur scène) et sert surtout de prétexte à des tirades sarcastiques et enjouées, bourrées de références et de clins d’oeil que les fans d’antan — ou tout simplement ceux qui avaient entre 9 et 16 ans au milieu des années 90 — reconnaîtront sans trop de mal dans l’ensemble. Le spectacle s’ouvre sur Frank Delay, seul en scène, qui peste contre ses collègues en retard et règle leurs micros en lançant des vannes sur chacun. Puis, une fois les trois joyeux lurons réunis et quelques blagues échangées, le spectacle démarre vraiment avec « Partir un jour », LE tube emblématique des 2Be3, qui résume à lui seul toute cette période de chansons auto-tunées au son caractéristique et aux paroles sentimentales destinées à un public féminin en pâmoison. Le reste du show alternera entre scènes humoristiques plus ou moins longues et numéros chantés à un rythme assez effréné, de sorte que la soirée passe très vite.
Clins d’oeil en série et homo-érotisme
Avouons-le, toutes les blagues ne font pas mouche (notamment dans les premières minutes) et les trois anciennes gloires ne sont pas nécessairement des comédiens-nés, mais le ton bon enfant, leur plaisir manifeste, et les excellentes idées de certaines scènes emportent le morceau et font que l’on se laisse embarquer avec plaisir. Parmi les passages les plus drôles, on citera l’hommage aux sitcoms d’AB Production donc (souvenez-vous que les 2Be3 avaient eu droit à leur propre série !), mais aussi une petite référence taquine à Steven d’Alliage, qui avait déclaré à la télé avoir trouvé Dieu après une période difficile. Chacun pousse son personnage à fond, rit du passage du temps et de ses déconvenues après leur heure de gloire. Frank est le chef de bande sérieux, musclé et légèrement imbu de sa personne, Chris Keller le bon vivant à la voix d’or toujours prêt à faire découvrir de bons restos, tandis qu’Allan Théo joue les obsédés sexuels — il est de notoriété publique qu’il a tourné un porno — en imitant parfois Joey Tribbiani de Friends, mauvais accent italien inclus.
Et puis, comment passer à côté des blagues autour de l’homo-érotisme de ces beaux garçons musclés chantant côte à côte des paroles de sensibilité féminine pour ces demoiselles ? Génération Boys Band n’hésite pas à rentrer dans cette brèche riche en gags et vannes potentielles, et cette dimension donne en fin de compte lieu à certains des meilleurs moments du spectacle. Les artistes iront d’ailleurs jusqu’à arborer casques et chapeaux façon Village People vers la fin, ainsi que des tee-shirts siglés « Pride ». Car, si l’on a tendance à l’oublier, les boys bands étaient également appréciés des jeunes hommes homosexuels, qui n’étaient encore que très peu visibles à l’époque et ne faisaient pas partie du public-cible. D’ailleurs, si le public féminin trentenaire (certaines étaient venues avec leurs mamans) était très présent dans la salle ce soir-là et n’hésitait pas à se manifester par des cris enjoués, le public gay était également là.
Des tubes, des chorégraphies et du play-back
Côté musique enfin, la majorité des tubes sont chantés en incluant les chorégraphies de l’époque, pour un voyage dans le temps aussi plaisant qu’amusant. Qu’ils chantent « Partir un jour », « Raide dingue de toi », « Emmène-moi », « Lola », « Aucune fille au monde » ou des titres oubliés comme « Des hauts et des bas » et « Viens danser la salsa », Frank, Chris et Allan assurent cette dimension très physique avec panache et une belle précision. Bien évidemment, la majeure partie du show est en playback (comme à l’époque !), mais cela n’est en rien gênant puisque le lip-sync faisait partie intégrante de cette période dominée par le Hit Machine de M6. Néanmoins, quelques passages sont chantés en live par-dessus la bande, notamment par Chris Keller, dont on se souvient justement pour sa voix, contrairement aux autres garçons, généralement choisis avant tout pour leur physique. Quant aux ballades solo, elles sont l’occasion de moments intimistes parfois émouvants, notamment lorsque Frank Delay entonne une chanson poignante des 2Be3 en hommage à son ami Filip Nikolic, disparu à l’âge de 35 ans en 2009.
La mise en scène d’Hugo Rezeda est quant à elle parcourue de belles idées tandis que les jeux de lumière mettent en valeur le trio pour le plus grand bonheur du public. Dans la catégorie des spectacles nostalgie, Boys Band Forever se défend donc très bien et nous replonge en plein coeur des années 90, à l’époque où les spectateurs (ou leurs soeurs) lisaient Star Club et OK Podium en accrochant des posters de groupes aux murs de leur chambre. Tout à fait différent des soirées organisées par le collectif We are the 90’s (davantage dans un esprit boîte de nuit), cette « presque » comédie musicale qui devrait tourner en France dans les prochains mois vous fera donc remonter le cours du temps et replonger en enfance, le temps d’1h15 remplie d’humour et de chansons emblématiques de l’époque, en français bien sûr, mais aussi en anglais, le temps d’un medley entraînant allant de « Everybody » des Backstreet Boys à « Baby Come Back » des Worlds Apart en passant par « Mmmbop » des Hanson. Idéal pour une soirée entre amis ou avec sa Maman !