[Critique] Bone Tomahawk : un western horrifique à fulgurances

Caractéristiques

  • Titre : Bone Tomahawk
  • Réalisateur(s) : S. Craig Zahler
  • Avec : Kurt Russiell, Patrick Wilson, Matthew Fox, Richard Jenkins, Lili Simmons, David Arquette
  • Distributeur : The Jokers / Le Pacte
  • Genre : Western, Horreur
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 132 minutes
  • Date de sortie : 11 mai 2016 (en vidéo)
  • Note du critique : 6/10

Un excellent casting au service d’une moitié de bon film

image film bone tomahawk
Pas une tronche porte-bonheur…

Western et horreur n’ont pas souvent été associés, et pourtant le principe est pour le moins séduisant. Il faut bien dire qu’il n’y a pas grand chose de plus fantasmagorique qu’une époque qui favorise le mystère, de par les longues distances vierges, mais aussi le rapport aux natifs, et leurs croyances. Pourtant, bien peu nombreuses sont les fusions de ces genres qui ont résulté à de bonnes bobines. Souvent accompagnés de productions plus que humbles, ces films, comme Dead In Tombstone ou Undead Or Alive, finissent tout droit dans les bacs de solderies, dans le meilleur des cas. Une situation assez incompréhensible, qui devrait évoluer avec Bone Tomahawk, œuvre récompensée par le Grand Prix du Festival international du film fantastique de Gérardmer 2016.

L’histoire de Bone Tomahawk prend place à Bright Hope, en plein Texas. Un mystérieux homme arrive en ville, et se trouve pris sur le fait d’avoir enterré des affaires, ce qui provoque la suspicion. Ni une, ni deux, le shérif Franklin Hunt va à sa rencontre, ce qui se termine mal. L’étranger, une balle logée dans le corps, se doit d’être soigné, avant d’être emmené devant le juge. Problème : le médecin du coin n’est pas en position d’exercer. Il faut donc chercher Samantha O’Dwyer, laquelle prend soin de son mari, Arthur, un fermier sérieusement blessé à la jambe. Dans la nuit, sa femme, le bandit et un adjoint au shérif, sont enlevés. Et un habitant de la ville est massacré. D’après un natif du coin, les coupables sont sûrement des Indiens cannibales. Dès lors, une équipe se monte, afin de sauver les otages.

Bone Tomahawk expose une promesse carrément alléchante, avant d’enchaîner sur une moitié de réussite. Ou de déception, si on veut voir le verre à moitié vide. L’introduction à cet univers fonctionne à merveille, notamment grâce à de très bons acteurs : Kurt Russell, Patrick Wilson, Matthew Fox et Richard Jenkins assurent un maximum. On compte même des visages très forts, comme Sid Haig ou Sean Young. Cette bonne entame est aussi le fruit d’événements qui, dans un premier temps, construisent une véritable ambiance. On sent bien une sorte d’humour, de recherche du bon mot, voire de la digression, mais au service d’une atmosphère qui fonctionne. Tout cela tombe un peu à plat dans l’heure qui suit, à cause des éléments que l’on cite dans la précédente phrase. Hunt, O’Dwyer, Brooder et Chicory chevauchent, direction l’endroit qui abrite les cannibales. On apprécie les moments qui construisent les caractères, dont celui de Brooder, un pistolero qui se vante d’avoir tué bien des Indiens. Seulement, on doit aussi supporter une montagne de passages trop dialogués, qui tentent de distiller une sorte de second degré. C’est clairement hors sujet.

Le final inverse la mauvaise tendance

Bone Tomahawk se perd dans ce voyage, qui aurait dû créer un véritable suspens, bien plus puissant. On a bien l’état de la jambe d’O’Dwyer pour s’accrocher aux branche, d’une manière parfois assez forte pour nous remotiver. C’est bien par ce ressort dramatique que le récit gagne en puissance : sa quête le force à dépasser une douleur insondable, aussi bien physique et mentale. Rien ne le fera abdiquer, et même l’optique de se faire mutiler. Plutôt émouvant, plus dans le fond que la forme. Pourtant, impossible de nier la belle réalisation de S. Craig Zahler, que nous découvrons à l’occasion. Son passé de directeur de la photographie, certes sur des films inconnus au bataillon (August Roads, Lucia’s Dream…), se ressent : chaque plan fait l’objet d’un soin particulier. Les nuits sont peut-être un peu trop éclairées, mais on peut le comprendre. Surtout, l’œuvre reste lisible, du début à la fin, et ce n’est pas aussi courant de nos jours.

Après ce voyage longuet, qui n’est tout de même pas sans une légère montée en puissance, Bone Tomahawk tient enfin sa promesse. Et avec assez d’énergie pour nous convaincre. On sentait bien que la rencontre du monde civilisé, et des cannibales, allait résulter sur un vivre-ensemble pas spécialement solide. Bingo. On ne rentrera pas trop dans les détails, histoire de vous laisser la surprise du choc des cultures, mais sachez que c’est sanglant. On peut même vous signifier qu’on a droit à l’une des mises à morts les plus terrifiantes du cinéma d’horreur récent. Surtout, on sent toute la vigueur d’une tribu native qui donne cher de sa peau, grâce à des connaissances millénaires. Leur traitement est typique du film de monstre : le mystère entoure ces cannibales, comme les Crawlers de The Descent, ne sera pas percé à jour. La conclusion, d’ailleurs, intervient en forme de point final parfaitement logique, non sans une petite dose de cruauté pour un des personnages. De quoi oublier la première partie en-dessous ? Non, mais cela force à rester équilibré.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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