[Critique] Mamma Mia Here We Go Again : Nostalgie quand tu nous tiens

Caractéristiques

  • Titre : Mamma Mia : Here We Go Again
  • Réalisateur(s) : Ol Parker
  • Avec : Lily James, Amanda Seyfried, Dominic Cooper, Pierce Brosnan, Colin Firth, Stellan Skarsgard, Cher, Andy Garcia, Meryl Streep, Christine Baranski, Julie Walters...
  • Distributeur : Universal Pictures International France
  • Genre : Comédie musicale
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 1h54
  • Date de sortie : 25 juillet 2018
  • Note du critique : 5/10

Une suite indispensable ?

Le film de Philippa Lloyd (à l’origine metteur en scène d’opéra) avait été la bonne surprise de 2008, malgré des critiques très mitigées Outre-Atlantique. Un casting hétéroclite porté par une Meryl Streep en très grande forme, les tubes d’Abba, des répliques efficaces et une bonne dose de dérision avaient fait de cette comédie musicale au kitsch assumé une expérience tout à fait recommandable, supportant parfaitement plusieurs visionnages, là où cette adaptation d’un spectacle de Broadway à succès aurait pu n’être qu’un simple produit de consommation. A tel point que, dix ans plus tard, les projections du film en mode sing-along (comme celles organisées par L’Écran Pop en France) sont encore légion. Proposer une suite aux aventures de Donna semblait alors somme toute assez logique, d’un point de vue commercial du moins. Car, soyons clairs : artistiquement, Mamma Mia se suffisait parfaitement à lui-même, tant du point de vue de l’histoire que de la musique, la majorité des tubes d’Abba ayant été utilisés.

image julie walters pierce brosnan amanda seyfried christine baranski mamma mia here we go again
© Universal Pictures International France

On ne sera donc guère étonnés de voir que Mamma Mia: Here We Go Again! capitalise un maximum sur ce premier succès, en nous racontant par le biais de flash-backs les passages de la jeunesse de Donna qui y étaient évoqués. En gros : nous allons voir comment cette pimpante jeune femme tout juste sortie de la fac va faire la rencontre, lors d’un même été, des trois tombeurs qui se révèleront être les pères potentiels de sa fille Sophie. Dans le film de Lloyd, la future jeune mariée trouvait le journal intime de sa mère et lisait à ses amies quelques passages croustillants, mais finalement très elliptiques. Du coup, la comédie d’Ol Parker a ici pour but de remplir les blancs en nous dévoilant comment les choses se sont passées. Le prétexte à ce retour en arrière ? (attention, petit spoiler de ce que l’on apprend à 5 minutes de film) Donna est morte un an plus tôt et Sophie (Amanda Seyfried) a restauré son hôtel sur la petite île grecque de Kalokairi, qu’elle s’apprête à réouvrir sous le nom de Bella Donna. Une célébration qui prend du coup des airs de commémoration mélancolique pour la jeune femme, ses trois pères et leurs amis.

Un retour en arrière nostalgique

image jessica keenan wynn lily james alexa davies mamma mia here we go again
© Universal Pictures International France

Le premier problème qui se pose ici, outre la quasi-absence de Meryl Streep qui pourra décevoir un certain nombre de spectateurs, c’est que la partie flash-back est introduite sans être réellement justifiée par la narration : nous passons d’un plan sur la photo de Donna au moment du premier film à un retour dans le passé où le personnage sort diplômée de l’université aux côtés de ses amies Rosie et Tanya. Il aurait été aisé (bien que conventionnel) de faire en sorte que Sophie pose des questions à ses proches au sujet de sa mère, mais il n’en est rien. Conséquence de tout ça : la structure de Mamma Mia: Here We Go Again est par endroits assez lâche, et renforce l’impression que Meryl Streep absente, le film ne peut que tourner autour du fantôme de son personnage, en gonflant plus que de raison son scénario. On notera cependant que certaines transitions du présent au passé fonctionnent bien, notamment lorsque cela permet d’établir un parallèle entre la situation de Sophie et celle de sa mère jadis : ainsi, la découverte par Tanya et Rosie de l’hôtel restauré appelle un flash-back touchant où la jeune Donna (interprétée par une Lily James bluffante) découvre pour la première fois les lieux, au son de la chanson « I Have a Dream » que chantait le personnage d’Amanda Seyfried en ouverture et conclusion du film de 2008.

En définitive, le film n’est jamais aussi juste et émouvant que lorsqu’il parvient à convoquer le souvenir de Donna et son incroyable force de vie tout en laissant entrevoir les échos que ces derniers ont encore dans le présent. En ce sens, la scène finale de Mamma Mia: Here We Go Again (où Meryl Streep apparaît enfin !) devrait faire couler quelques larmes… Malheureusement, cette justesse n’est pas forcément au rendez-vous sur la longueur, et cette suite opportuniste d’alterner constamment entre le bon et le pire.

Gags poussifs et incohérences scénaristiques

image cher amanda seyfried mamma mia here we go again
© Universal Pictures International France

Côté négatif, on regrettera des scènes humoristiques beaucoup trop poussives pour fonctionner — le couple grec et leur amour « impossible » réuni grâce à Donna et Bill, par exemple — bien loin de la fraîcheur et de la rigueur d’écriture du premier opus, dont les admirateurs se souviennent encore des répliques. Mais aussi (et surtout) une mise en scène mollassonne qui compense son manque d’imagination par une agitation qui ne prend jamais réellement. En gros : Ol Parker tente de calquer les partis pris de clip kitsch de Philippa Lloyd et lui arrive bien trop rarement à la cheville. Certains éléments du premier Mamma Mia sont repris tels quels et multipliés, mais l’effet comique ou tout simplement cool escompté tombe (littéralement) à l’eau, comme tous ces plans où différents personnages font un joli plongeon, à l’instar de Meryl Streep à la fin de « Dancing Queen » dans le film d’origine. Même l’excellente performance vocale de Cher avec « Fernando » est éclipsée par le fait que ce numéro musical est réalisé de manière ultra-plate, et ponctué par un feu d’artifice dont le kitsch ne parvient pas un seul instant à faire sourire.

image alexa davies jessica keenan wynn lily james mamma mia here we go again
© Universal Pictures International France

On relèvera également un certain nombre d’incohérences volontaires par rapport au film d’origine, qui semblent avoir eu pour but de faciliter la tâche des scénaristes lorsqu’il s’est agi de concevoir une intrigue suffisamment longue pour cette suite-prequel. Des « bourdes » que les fans de Mamma Mia repèreront très facilement : Donna ne rencontre pas les trois garçons dans le même ordre qu’indiqué dans son journal (elle rencontre ici Harry avant Sam), Rosie et Tanya, qui n’avaient jamais entendu parler d’Harry et Bill lorsque l’action du premier opus débute, font la connaissance de ce dernier durant les quelques jours où il fréquente Donna, etc. Encore plus embarrassant : le script déploie des merveilles de précaution et de pudibonderie pour justifier le comportement de Donna, qui couche avec trois garçons au cours du même été, alors même que la première mouture semblait se contreficher de tout réflexe bien-pensant. Un sacré paradoxe !

Un best-of d’Abba un peu redondant…

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© Universal Pictures International France

Un peu moins problématique, mais néanmoins gênant pour une comédie musicale : étant donné qu’il restait peu de gros tubes à exploiter pour un film qui affiche près de 2h au compteur, Mamma Mia: Here We Go Again se retrouve en grande partie à alterner entre chansons oubliables d’Abba et reprises, dans un contexte différent, des tubes qui avaient émaillé le film de 2008, ce qui renforce le caractère dispensable du projet. Ainsi, outre un excellent « Waterloo » parisien par Hugh Skinner qui incarne le jeune Harry  — et pour lequel Ol Parker retrouve la superbe de la mise en scène kitsch mais inventive de Philippa Lloyd — et un fort émouvant « I Have a Dream » par Lily James, on a quand même un peu l’impression de tourner en rond ici, même si la jeune actrice se débrouille très bien sur le titre éponyme « Mamma Mia », qui devient alors la lamentation de Donna, qui vient d’apprendre la trahison du jeune Sam, déjà fiancé à une autre.

… mais une Lily James épatante

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© Universal Pictures International France

Malgré ces réserves importantes, si cette suite maintient malgré tout notre attention d’un bout à l’autre et obtient de justesse la moyenne, c’est (outre les scènes citées plus haut et la dimension émouvante) bel et bien grâce à la prestation épatante de Lily James, qui rentre dans la peau de Donna avec une aisance étonnante. Bien loin de son (très joli) rôle d’écrivaine anglaise impertinente mais bourgeoise du Cercle littéraire de Guernesey, elle apparaît ici réellement comme une jeune Meryl Streep. On retrouve ainsi dans son jeu et ses expressions le charme du personnage de Donna, ce qui rend les échos entre passé et présent d’autant plus efficaces. Aussi à l’aise lors des scènes de dialogue enjoué que lors des passages chantés et dansés, elle apporte une belle énergie à l’ensemble, et rend ce retour en arrière touchant, malgré les maladresses certaines du film. De même, les actrices Alexa Davies et Jessica Keenan Wynn, qui interprètent respectivement Rosie et Tanya jeunes, parviennent à retrouver le jeu et les tics de Julie Walters et Christine Baranski sans donner l’impression de forcer le trait. Côté messieurs, seul Hugh Skinner se montre à la hauteur du charme maladroit d’Harry, le personnage de Colin Firth, tandis que les jeunes Bill et Sam apparaissent bien trop lisses.

En définitive, vous l’aurez compris : Mamma Mia: Here We Go Again n’a rien d’une suite indispensable au succès de 2008, dont il ne parvient jamais vraiment à se détacher, mais il saura malgré tout émouvoir et faire danser les amateurs du premier film, ne serait-ce que par nostalgie, en dépit de défauts et lourdeurs sur lesquels il sera bien difficile de fermer les yeux. Si Pierce Brosnan, Colin Firth et Stellan Skarsgard n’ont ici pas de vrais moments de bravoure en dépit d’une présence assez conséquente à l’écran, Lily James et Hugh Skinner nous enchantent dans les rôles de Donna et Harry jeunes, tandis que l’émotion de certains échos entre passé et présent permettent de pallier en partie l’absence de Meryl Streep, qui se fait malgré tout sentir.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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