[Critique] Les Marais de la Haine : cours redneck, cours !

Caractéristiques

  • Titre : Les Marais de la Haine
  • Titre original : Gator Bait
  • Réalisateur(s) : Ferd et Beverly Sebastian
  • Avec : Claudia Jennings, Sam Gilman, Douglas Dirkson, Clyde Ventura, Bill Thurman
  • Distributeur : Artus Films (vidéo)
  • Genre : Thriller
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 88 minutes
  • Date de sortie : 3 juin 1974 (Etats-Unis)
  • Note du critique : 6/10

Remue ménage dans les marécages

image film les marais de la haine

L’année 1972 aura été un millésime clairement perturbant, pour l’amateur de cinéma de genre. Deux brûlots ont marqué les esprits : Délivrance, de John Boorman, et La Dernière Maison sur la Gauche, signé Wes Craven. Deux chefs-d’œuvre absolus, qui auront ouvert la voie à tout un cinéma d’exploitation, dont les meilleurs rejetons ont fait les beaux jours de nos regrettés vidéoclubs. Rape and revenge, Redneck movie (ou Hicksploitation, pour les intimes), ils auront été autant d’occasions de remuer le spectateur. Les Marais de la Haine, sorti en 1974, est un classique du second genre cité, même s’il n’est pas totalement étranger au premier.

Les Marais de la Haine impose un univers volontairement très simple à appréhender, comme pour mieux laisser le spectateur s’imprégner avant tout de la situation géographique. L’histoire nous présente Desiree Thibodeau (Claudia Jennings, Playmate de l’année 1970), jeune femme dans la force de l’âge. Sa beauté sauvage détonne, dans une région certes magnifique, les marécages de la Louisiane, mais habitée par des cas sociaux irrécupérables. Là, on ne parle  pas des « white trash » à la Larry Clark, mais de rednecks over the top, qui ne dépareilleraient pas à côté de la famille dégénérée de Massacre à la Tronçonneuse. Car au lieu d’admirer cette belle fille comme le quidam, du coin de l’œil, voilà que ces violeurs en puissance tentent de se l’approprier par la force. Prise en chasse par Billy Boy, le fils du shériff, et Ben Bracken, elle ne se laissera pas avoir. Alors que l’incendiaire rouquine parvient à prendre la poudre d’escampette, au bout d’une course en plein bayou, l’accident survient : Billy Boy abat son ami, d’une balle en pleine tête. Le corps disparaît dans les eaux, en proie aux crocodiles affamés.

Superbe Claudia Jennings

Les deux réalisateurs, Ferd et Beverly Sebastian, ne cachent pas une construction scénaristique autour de leur amie Claudia Jennings, qui mourra prématurément quelques années plus tard. Et comment leur en vouloir : l’actrice déborde d’énergie et de charmes, porte clairement l’intrigue des Marais de la Haine sur ses épaules. Chassé par les cinglés, son personnage va prendre un peu de substance, avec l’introduction de sa famille, et de sa condition d’orpheline. Pas de quoi parler de profondeur, mais tout de même le récit s’en trouve grandi et, surtout, verra sa toute fin utiliser intelligemment quelques pistes évoquées. Alors que Billy Boy signale à son shériff de père la mort de Ben, voilà que les deux représentants de la loi se mettent en chemin afin d’en informer la famille de la victime. Les Bracken n’ont pas qu’un nom parfait pour une troupe de méchants : ils entassent la crasse et les attitudes inqualifiables. L’un des frères est caractérisé par le biais d’une agression sexuelle sur sa propre sœur. Un autre projette une haine terrible envers son prochain, du fait de son impuissance sexuelle. Et le père passe son temps à fouetter ses rejetons, pour ne rien arranger. Alors, quand ils apprennent le décès dramatique de l’un des leurs, ils se trouvent avant tout une raison pour laisser parler toute leur décadence.

Les Marais de la Haine ne cherche pas à être autre chose qu’un film d’exploitation, du genre à  captiver les spectateurs d’un drive-in. Les poursuites sur de petites embarcations, la chasse à l’Homme tendue et efficace, les personnages plus patibulaires que ce qu’on peut s’imaginer, une séquence assez dure (et qui saupoudre l’ensemble d’un extrait de saveur Rape and revenge) concernant le destin peu enviable de la sœur de Desiree : voilà qui arrange une recette fonctionnelle. Mais le personnage le plus mémorable, c’est sans doute le marais, et ses eaux troubles dans lesquelles on ne plongerait pas un pied. Ce survival, qui connaît quelques petites baisses de régime en plein milieu, peut compter sur une ambiance très à part afin de chouchouter son intérêt. Cela fait même oublier un budget clairement rikiki, qui certes se répercute dans la photographie, mais pas spécialement côté mise en scène. Certes, il ne faut pas attendre des mouvements improbables, mais on sent que les réalisateurs se sont fait plaisir sur un tournage qui, de leur propre aveu, s’est divinement passé. Cela se vérifie à l’écran, et termine de former un long métrage bien sympathique.

Retrouvez aussi notre test technique du DVD des Marais de la Haine, édité par Artus Films.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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