[Critique] Dagon : une réussite étrangement boudée

Caractéristiques

  • Titre : Dagon
  • Réalisateur(s) : Stuart Gordon
  • Avec : Ezra Godden, Raquel Meroño, Francisco Rabal, Macarena Gómez, Brendan Price
  • Distributeur : Filmax International
  • Genre : Horreur
  • Pays : Espagne
  • Durée : 95 minutes
  • Date de sortie : 2001
  • Note du critique : 7/10

Une bonne adaptation de Lovecraft, c’est possible !

image film dagon
Il n’est pas au bout de ses surprises…

 

Stuart Gordon, voilà un nom qui résonne avec plaisir dans l’esprit des amateurs de cinéma de genre. Sans n’avoir jamais réellement atteint le stade du chef-d’œuvre, ce réalisateur, proche de Brian Yuzna, un autre cas qu’il nous faudra approfondir dans un futur proche, est tout de même parvenu à se faire un nom, grâce à un style assez imprévisible. Tout autant capable de donner dans l’horreur à tendance gore (From Beyond, Castle Freak, soit deux autres inspirations lovecraftiennes), que le thriller efficace (Edmond), le metteur en scène est aussi connu pour avoir tenté sa chance avec l’univers de Lovecraft. On sait à quel point l’écrivain n’a que peu été gâté par les adaptations de ses écrits, que ce soit au cinéma (voire notre critique de The Unnamable pour s’en convaincre) ou du côté des jeux vidéo. Stuart Gordon est justement celui qui a pu s’approcher au plus près de la réussite globale, notamment avec ce Dagon, étonnamment boudé lors de sa sortie, en 2001, directement en vidéo sous nos latitudes.

Dagon porte le titre d’un des écrits les plus retentissants de Lovecraft. Pourtant, ce n’est pas ce texte qui est spécifiquement invoqué ici, mais plutôt Le Cauchemar d’Innsmouth. Rien de bien curieux en vérité, puisque le Grand Ancien est la figure centrale de la nouvelle dernièrement citée. Le scénario pioche un peu partout dans l’œuvre lovecraftienne, mais le récit n’en est pas éclaté pour autant. Bien au contraire, il existe une véritable cohérence de l’ensemble, au sein d’un crescendo très efficace. On s’intéresse à la destinée de Paul Marsh (Ezra Godden), un jeune prodige de la bourse atteint de rêves pour le moins troublants. Dans ceux-ci, il nage dans les profondeurs, et rejoint une sirène aux traits agréables mais tout de même effrayante. Notre personnage est en vacances avec sa compagne Barbara (Raquel Merono), sur le bateau d’un couple d’amis, au large de l’étrange ville d’Imboca. Une tempête va briser la tranquillité de cette embarcation, et la jambe d’une passagère se retrouve bloquée dans une cabine, alors que de l’eau de mer s’infiltre, la menaçant de noyade.

Un point culminant bourré de suspens

Paul et Barbara s’emparent du canot de sauvetage, et accostent à Imboca. Là, il sont pris en charge par un comité d’accueil qui se révèle pour le moins douteux. Bien vite, la méfiance n’a plus sa place : les habitants cachent bien des choses. Leur démarche grossière, les cris rappelant les animaux marins, des branches plus ou moins apparentes : rien ne semble tourner rond dans cet endroit maudit, sous la domination d’un culte monstrueux. Paul va bientôt faire la connaissance du dernier humain de ces lieux abjects, et avec lui élaborer un plan d’évasion. Seulement, rien ne va se passer comme prévu. Le récit de Dagon est si maitrisé qu’il parvient à créer une véritable sensation d’évolution de celui-ci. La première partie pourra rappeler le ton léger de Re-Animator, une impression bien aidée par la ressemblance frappante entre Ezra Godden et Jeffrey Combs. Puis, au fur et à mesure des découvertes parfois glauques, on verse dans une horreur plus pure, non sans quelques petits éléments amusants, mais qui ne versent pas dans la comédie.

Un film de Stuart Gordon, c’est la promesse d’un rythme assez élevé, mais en n’oubliant pas un résultat très lisible. C’est évidemment le cas de ce Dagon, qui ne connaît pas de véritable temps mort. Si la production n’est pas accompagnée d’un budget conséquent (seulement quatre millions de dollars), le résultat à l’écran reste largement à la hauteur. Et c’est surtout grâce aux décors, aussi angoissants que certaines situations. Parmi celles-ci, on retrouve notamment un point culminant très prenant, bourré de suspens, et terriblement cruel pour l’un des personnages. D’ailleurs, les amateurs d’effets gores pourront retenir une séquence assez phénoménale, au cours de laquelle Stuart Gordon nous rappelle son talent d’imagination pour les sévices particulièrement cradingues. Seules les CGI, terriblement désuètes (déjà à l’époque de sa sortie, c’est dire), traduisent des moyens limités. Quant au casting, il est globalement satisfaisant, surtout du côté des rôles féminins. Voilà qui termine de nous charmer.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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