[Critique] The Unnamable : c’est Lovecraft qu’on assassine

Caractéristiques

  • Titre : The Unnamable
  • Réalisateur(s) : Jean-Paul Ouellette
  • Avec : Mark Kinsey Stephenson, Charles Klausmeyer, Alexandra Durrell, Laura Albert, Katrin Alexandre
  • Distributeur : Vidmark Entertainment
  • Genre : Horreur
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 87 minutes
  • Date de sortie : 1988
  • Note du critique : 2/10

La peur aux abonnées absentes

image film the unnamable
Le réveil risque d’être douloureux !

La relation entre le septième art et Howard Phillips Lovecraft n’est pas vraiment ce qu’on peut qualifier de long fleuve tranquille. Si les meilleurs hommages figurent chez les réalisateurs comme John Carpenter et son The Thing, on est bien loin du compte quand on regarde de plus près les adaptations des textes. Stuart Gordon, dont on abordera prochainement le travail, a bien tenté le coup, notamment avec un Re-Animator qui atteint ses objectifs, malgré une tonalité comique un peu dérangeante. Mais nombreuses sont les tentatives véritablement infructueuses. The Unnamable, sorti en 1988, réalisé et produit par un certain Jean-Paul Ouellette (réalisateur de seconde équipe sur Terminator), fait malheureusement partie de de ces dernières.

Mais tout de même, on peut trouver quelques excuses à ce brave Jean-Paul Ouellette. Le budget n’est pas à la hauteur, c’est limpide : 350 000 dollars. Surtout, la nouvelle de Lovecraft, The Unnamable (ou L’Indicible, dans la langue de Molière), n’est clairement pas la plus aboutie de son auteur. Si elle fait apparaître un personnage récurrent des écrits du maître, Randolph Carter, on ne peut pas dire que cette histoire parvient à nous transporter autant que des travaux plus solides, comme Celui qui chuchotait dans les ténèbres ou Le cauchemar d’Innsmouth. La faute à un rythme plus lent que d’habitude, qui installe certes une bonne atmosphère mais peine à véritablement effrayer, et surtout à se sublimer quand le récit devient plus mouvementé. Dès lors, on pouvait légitimement se demander où se situe l’intérêt d’une adaptation cinématographique. On cherche encore.

L’histoire de The Unnamable se révèle très simple. Peut-être même trop simple. Randolph Carter (Mark Kinsey Stephenson), Howard Damon (Charles Klausmeyer) et un troisième larron, un trio d’étudiants de l’université Miskatonic (haut lieu de l’imaginaire lovecraftien) débattent du paranormal, non loin d’une maison abandonnée. Cette dernière aurait connu un drame abominable, à la fin du dix-septième siècle : le meurtre d’un père par sa propre fille, Alyda Winthrop (Katrin Alexandre), née sous la forme d’un démon. Enfermée dans le cellier, elle serait toujours en vie, hantant les lieu et attendant son heure pour se délecter de chair fraîche. Les trois amis, et d’autres personnages absolument superficiels, vont vérifier cette hypothèse, en pénétrant dans la mystérieuse bâtisse. De nuit, sinon c’est pas drôle.

Le syndrome Benny Hill

The Unnamable déplace le contexte de la nouvelle dans les années 1980. Ce n’est pas spécialement surprenant, et surtout cela se justifie par un budget plus que humble. Aussi, l’on retrouve Randolph Carter, bien porté sur l’occultisme, ainsi qu’un ami à lui, beaucoup plus rationnel. Après une introduction passablement ridicule dans sa conclusion, présentant le monstre, la maison, et la problématique paranormale, on comprend que les faits sont sans doute grossièrement dessiné par le narrateur. Sur ce point précis, il faut noter une certaine maîtrise, de la part du scénario et de l’auteur. Une qualité qu’on ne retrouvera plus par la suite, mis à part du côté des effets spéciaux, parfois un peu gores.

Pas de budget, certes, mais aussi très peu d’idées. The Unnamable fait partie de cette tendance, très nanardesque, des films de couloirs. Comme les lieux n’offrent que peu de personnalité, et que se payer un chef décorateur est un luxe que Jean-Paul Ouellette ne peut se permettre, nos sept personnages qui participent à cette aventure sont atteints du syndrome Benny Hill : ça cavale de partout, n’importe comment, et le  spectateur n’a aucune chance de s’accaparer les lieux. La géométrie de ces derniers dépasse l’entendement, mais l’important est que tout ce beau monde se confronte au monstre chasseur. Ce dernier est plutôt bien fichu, sorte de fusion entre un bouquetin, une femme, et un démon cornu. Et il (ou elle, en l’occurrence) n’hésite pas à faire démonstration de ses forces. Les têtes tombent, le sang jailli des blessures profondes, de ce côté ce n’est pas trop mal.

L’écriture des personnages, elle, frôle le je-m’en-foutisme complet. The Unnamable ne parvient pas à dépasser la condition des étudiants, et nous livre des caricatures très lourdes. Signalons tout de même que la charismatique Laura Albert, qui a, depuis, percé en tant que cascadeuse, parvient tout de même à rendre son personnage de fille hot très supportable. Le tout plonge dans une sorte d’humour assez grotesque, comme si le réalisateur était bel et bien au courant de la qualité discutable de ce qu’il nous inflige. Si les libertés prises avec la nouvelle de Lovecraft étaient inévitables, on aurait préféré voir un travail sur l’obscurité, le hors champ, la peur tout simplement. Non, on assiste, impuissant, à un déluge de situations sans grand intérêt, des incohérences à foison, et un point culminant bordélique comme rarement. Malheureusement, tout cela forme un résultat très oubliable. Mais tout de même, le réalisateur s’est senti assez en confiance pour mettre en chantier une suite, intitulée The Unnamable 2 : The Statement of Randolph Carter. Tout un programme…

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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