Caractéristiques
- Titre : Splash
- Réalisateur(s) : Ron Howard
- Avec : Tom Hanks, Daryl Hannah, Eugene Levy, John Candy, Dody Goodman...
- Distributeur : Buena Vista Distribution
- Genre : Comédie, Fantastique, Romance
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 1h51
- Date de sortie : 24 octobre 1984 (France)
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Une comédie fantastique so 80’s
Pendant les vacances de fin d’année, nous avons revu Splash de Ron Howard, vous savez, le film avec Daryl Hannah en sirène échouée à New York. Sorti en 1984 près de 5 ans avant La petite sirène des studios Disney, cette comédie romantique avec un tout jeune Tom Hanks avait rencontré un vif succès à sa sortie. Si nos souvenirs d’enfance et la nostalgie ont tendance à tout auréoler en passant sur les défauts, nous étions curieux de confronter notre regard d’adulte à ce film culte des années 80. Alors, Splash a-t-il bien vieilli ou non ?
La réponse : plutôt. Si le film est so 80’s, son côté kitschounet participe indubitablement à son charme. Cependant, les millenials pourraient se montrer choqués face au rôle de Daryl Hannah, sirène au départ muette et fort entreprenante face à un Tom Hanks qui n’en demandait pas tant… Ainsi, Madison (c’est le nom qu’elle se choisit en se promenant sur la fameuse avenue) apprend à parler anglais en regardant la télé. Le premier mot qu’elle prononce ? Bloomingdale’s (le magasin de luxe spécialisé en prêt-à-porter) ! Pourtant, une analyse circonstanciée de Splash met à jour des trésors d’auto-dérision, et une satire de l’ère Reagan sous le vernis de la comédie fantastique. Epoque de matérialisme décomplexé dominée par la Material Girl Madonna et les cours d’aérobic à la télé, le milieu des années 80 n’empêche pas l’ultra-moderne solitude des foules, et même des cadres privilégiés comme le personnage joué par Hanks, tandis que les migrants ne sont pas toujours accueillis à bras ouverts par une administration tatillonne et un système cruel.
Entre satire de l’ère Reagan et allégorie de la situation des migrants
Splash est ainsi divisé en deux parties : la rencontre entre Allen et Madison-la découverte de New York par celle-ci et les mésaventures du couple dès lors que la nature aquatique de la jeune femme est dévoilée à la face du monde. Dans la première partie, alors qu’Allen est parti travailler, laissant la jeune femme seule dans son appartement — elle a des jambes hors de l’eau mais ne pourra rester que 5 jours — Madison décide de s’aventurer dans Manhattan après avoir vu une pub à la télé pour le magasin Bloomingdale’s, donc. Fascinée comme une enfant par les écrans télé qui lui permettent d’apprendre à communiquer et de se renseigner sur nos us et coutumes, la sirène regarde les jeux et cours d’aérobic avec un appétit vorace, à tel point qu’il faudra la déloger du magasin à sa fermeture. Madison a l’impression de vivre un véritable conte de fées : elle se trouve dans un pays où l’on peut gagner une voiture ou une machine à café en appelant un numéro qui s’affiche à l’écran pendant une émission ! En clair, le bonheur pour une petite sirène, c’est la société capitaliste ! Assez douteux si l’on prend le film au premier degré mais, très clairement, Ron Howard est ici dans le second degré et la satire.
Ce premier niveau de lecture prend par ailleurs une autre dimension lorsque Allen, qui n’a pas encore découvert la véritable nature de sa bien-aimée, la prend pour une immigrée clandestine. Splash devient alors une allégorie (sur un ton certes léger) de la situation des migrants, venus par la mer à la recherche de la liberté, et se heurtant à l’administration et aux autorités. Notons que les épreuves que traverseront Allen et Madison ressemblent étrangement, sur un mode comique donc, à celles infligées au monstre et l’héroïne de La forme de l’eau de Guillermo Del Toro (qui est un plaidoyer ouvert pour les migrants), qu’il s’agisse des expériences conduites sur la sirène ou de la poursuite finale.
Une métaphore aquatique de l’amour
Malgré tout, Splash reste évidemment une comédie romantique fantastique, qui se présente également comme une métaphore sur la peur engendrée par le fait de tomber amoureux. Dès le début, on nous le dit : le personnage de Tom Hanks a peur de l’engagement et ne parvient pas à dire « Je t’aime », raison pour laquelle sa petite-amie le quitte. Avec Madison, qui réagit avec la spontanéité d’une enfant car pour elle tout est nouveau, Allen apprendra progressivement à lâcher prise, jusqu’à se jeter (littéralement) à l’eau en ayant foi qu’il ne se noiera pas, s’abandonnant ainsi aux joies de l’amour.
Là aussi, la métaphore a par la suite été utilisée par Del Toro et dans certaines chansons — comme « Never Let Me Go » de Florence + the Machine. Le résultat est une comédie certes parfois ultra-datée mais charmante, avec quelques scènes mémorables comme le moment où Madison révèle son nom en langage sirène, brisant du même coup toutes les télés du magasin. Un film à redécouvrir en tout cas, en ne perdant pas de vue sa dimension sarcastique et satirique.