[Critique] Us : un film glaçant mais bancal

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Jordan Peele
  • Avec : Lupita Nyong'o, Winston Duke, Elisabeth Moss, Tim Heidecker
  • Distributeur : Universal Pictures International France
  • Genre : Horreur
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 116 minutes
  • Date de sortie : 20 mars 2019
  • Note du critique : 6/10

Jordan Peele, nouveau maître de l’horreur ?

image critique us
Le casting figure parmi les belles satisfactions du film.

Après Get Out, film dont la thématique (quelque peu caricaturale) sur le racisme de la bourgeoisie blanche avait rencontré, il y a deux ans, un succès tant critique que public, Jordan Peele nous invite à entrer dans son nouveau cauchemar : Us. Nouveau long métrage, et nouveau thème : c’est ici la peur du double, ou Doppelgagnger, qui est traitée. Mais pas uniquement. Le réalisateur, également scénariste comme à son habitude, semble avoir plus d’ambition avec cette nouvelle œuvre, et étend son univers personnel tout en multipliant les références à des titres phares du monde de l’angoisse.

Des références multiples

D’emblée, l’histoire de Us nous place dans le cadre d’une fête foraine à l’atmosphère étrange, où une petite fille accompagnée de ses parents va rencontrer, suite à une fugue, son double dans le palais des glaces. Illusion ou réalité ? Jordan Peele ne nous répondra pas tout de suite, et préfère faire un bond de presque vingt ans dans le futur, qui nous amène à l’époque contemporaine. Mais ces dix premières minutes ont réussi à happer notre curiosité, tout en faisant référence au sublime Carnaval des âmes, de Herk Harvey. Un début prometteur, donc. Par la suite, le récit va prendre son temps afin de nous permettre de sympathiser avec la famille des protagonistes dont la mère (impressionnante Lupita Nyong’o) n’est autre que la petite fille, qui a bien grandi. Une situation apaisante, dans laquelle le metteur en scène va néanmoins alterner des traits d’humour, déjà présents dans Get Out, et des indices inquiétants annonçant l’inévitable basculement du récit. Ce moment arrive à l’occasion d’un véritable home invasion éprouvant (on pense à The Strangers ou Funny Games) puis, de révélations en révélation, Us va lentement s’orienter vers le fantastique pur façon La quatrième dimension. Un fait amusant, étant donné que Jordan Peele a été désigné pour s’occuper du remake de la célèbre série de Rod Sterling. Un cocktail riche et varié donc, mais qui va, paradoxalement, y trouver ses limites et ses faiblesses.

Une narration maladroite

Si, justement, l’humour de Jordan Peele fonctionnait plutôt bien dans Get Out, car ne perturbant jamais la dramaturgie, il en est tout autrement dans Us. Autant cela pouvait sembler utile durant l’exposition de la cellule familiale. Autant, par la suite, ces poussées comiques ne cessent de désamorcer la tension, que ce soit par les réactions parfois trop décalées des personnages ou des dialogues complètement hors de propos. C’est dommage, car les acteurs et actrices font de l’excellent travail dans leurs doubles rôles respectifs, mais on se surprend à parfois moins s’inquiéter pour eux par manque d’identification. Aussi, le récit aurait certainement gagné à être moins long et plus anxiogène dans sa deuxième partie.

Un sous-texte social

Impossible de parler de Us sans mentionner la thématique de la lutte des classes, laquelle nous conduit doucement mais sûrement vers la révélation du mystère. Une explication trop vite expédiée et qui, malheureusement, ne parait pas cohérente en raison des nombreuses questions sans réponses qu’elles soulèvent. Si laisser parfois planer une part de mystère peut s’avérer judicieux, l’expérience mentionnée dans le film ressemble davantage à une excuse de Jordan Peele pour mettre en avant les laissés pour compte d’une Amérique qui, jouant aux apprentis sorcières, préfère souvent oublier ses échecs plutôt que d’y faire face. Une idée intéressante car sujet à débat, mais qui ferme le récit sur des images presque trop ambitieuses, dont on ne comprend pas l’amplitude. Pourquoi tant de doubles ? Pourquoi les a-t-on abandonnés alors qu’ils restaient une menace potentielle ? Et puis, où est passée l’armée qui devrait s’empresser de dissimuler son secret honteux ? Le réalisateur ne répondra pas, préférant sans doute la force du message à celle de la cohérence d’un scénario, certes fantastique, mais dont le genre assumé ne peut néanmoins tout excuser, surtout au regard d’un film parfois un peu bavard ,qui aurait dû mieux équilibrer ses révélations. Un ultime rebondissement lors du final, prévisible depuis longtemps, achèvera de conforter cette idée.

Un rendez-vous manqué mais…

Si Jordan Peele prouve avec Us qu’il est un réalisateur et un scénariste de talent, il démontre aussi ses limites actuelles. De par un récit trop long et bancal, mais suffisamment référentiel et efficace pour nous donner envie de voir ce qu’il fera avec La quatrième dimension, dans des formats beaucoup plus courts. Là il faudra être plus concis, plus tranché dans ses thématiques, et il est probable que Jordan Peele livrera un spectacle paradoxalement plus abouti d’un point de vue narratif.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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