[Critique] Mon Chien Stupide : un film tragi-comique maitrisé

Caractéristiques

  • Titre : Mon chien Stupide
  • Réalisateur(s) : Yvan Attal
  • Avec : Yvan Attal, Charlotte Gainsbourg, Pascale Arbillot, Eric Ruf, Sébastien Thiery et Adèle Wismes.
  • Distributeur : StudioCanal
  • Genre : Comédie
  • Pays : France
  • Durée : 105 minutes
  • Date de sortie : 30 Octobre 2019
  • Note du critique : 7/10

Une fable cynique


Yvan Attal, devant et derrière la caméra, adapte Mon Chien Stupide, le roman de John Fante. Il s’agit d’une sorte de parabole sur le besoin de se reconstruire au moment où la somme de nos échecs nous oblige à tirer des conclusions sur notre propre existence. C’est ainsi que nous est présenté le personnage d’Henri Mohen, joué par Yvan Attal qui, en pleine crise de la cinquantaine, semble se languir d’un passé définitivement révolu. Auteur d’un grand roman à succès depuis maintenant près de vingt ans, il n’a de son propre aveu plus rien écrit de potable depuis et impute ce manque d’inspiration à sa femme Cécile (Charlotte Gainsbourg) et à ses quatre enfants.

Mais également son manque de libido, son mal de dos voire son apparente lâcheté. Bref, tout le monde est coupable sauf lui, et le personnage s’enlise donc dans son mal être jusqu’à l’arrivée inopinée dans sa vie d’un énorme chien, aussi mal élevé qu’obsédé sexuel. Un peu de chaos dans sa vie terne et lisse qui va être l’élément déclencheur de sa reconstruction, quitte à devoir auparavant détruire cette cellule familiale qu’il ne supporte plus. C’est dans cette oscillation entre comédie amère et drame intimiste que Mon Chien Stupide tire toute sa force, l’animal représentant ni plus ni moins que l’esprit libre et décomplexé que le personnage d’Henri rêve en secret de redevenir.

Une progression gagnant en substance

image charlotte gainsbourg mon chien stupide

Si, au début du long métrage, les premiers éléments posés peuvent refroidir le spectateur (intrigue convenue, personnages peu attachants), Mon Chien Stupide va s’avérer plus roublard que prévu, et gagner lentement en intérêt au point qu’on finit par se prendre au jeu. Yvan Attal campe un personnage veule et méprisable, dont les fêlures vont peu à peu révéler un être plus sensible qu’il n’y parait, et dont la logique de raisonnement va finir par nous convaincre du bien fondé de ses actes aussi peu moraux qu’ils paraissent. À ce titre, la voix off d’Henri illustre parfaitement sa progression psychologique qui, d’abord fréquente, finit par s’amenuiser au fil de l’œuvre en fonction du fait que le personnage vide de plus en plus son sac et, par conséquent, ressent moins le besoin de garder pour lui ses réflexions. Sa logique du quatre moins un égale trois, quatre moins deux égale deux, etc. (en allusion à ses enfants qu’il éloigne chacun à leur tour) rappelle certains passages d’un autre roman, Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire lui-même un grand récit comique sur le bilan d’une vie.

Charlotte Gainsbourg, dans le rôle de son épouse Cécile Mohen, campe elle un personnage également brisé, exercice habituel pour elle. Mais sa justesse ajoute un crédit supplémentaire à l’interprétation. Les enfants du couple, eux, sont finalement l’extension du mal être de leurs parents. Ils trouveront dans le rejet de leur géniteur une raison de s’émanciper et s’accomplir individuellement. Mon Chien Stupide une fable morale ? On est en droit de le penser surtout à la fin où, après nombre de péripéties, la majorité des personnages parvient à accepter où se trouve désormais leurs places, et sont finalement bien plus en accord avec eux-mêmes qu’au début du film. Signalons, pour finir ce tour de casting, le personnage du chien Stupide, baptisé ainsi par Henri Mohen qui voit en lui le « con libre » qu’il fut. Un bon gros molosse aussi repoussant qu’attachant qui illustre parfaitement le fond du film par sa seule présence.

Un roman à lire

image yvan attal mon chien stupide

Difficile de savoir, sans connaître le roman d’origine, jusqu’où Attal a réussi son adaptation ou pris des libertés avec. Néanmoins voir Mon Chien Stupide ne peut que motiver à l’idée de découvrir le roman de John Fante (décédé depuis, mais lui-même à l’époque père de quatre enfants, coïncidence ?) afin de se forger une idée globale d’un long métrage s’extirpant des sentiers battus et qui avouons le, nous permet de passer un bon moment de cinéma. La crise de la cinquantaine, au-delà de Mon Chien Stupide, permettrait-il à Yvan Attal de s’accomplir en tant que cinéaste ? À la vue de sa filmographie précédente, on ne peut que souhaiter qu’il continue davantage sur cette voie.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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