Caractéristiques
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Test effectué sur :
- PlayStation 4
- Développeur : Naughty Dog
- Editeur : Sony Interactive Entertainment
- Date de sortie : 19 juin 2020
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- Note : 8/10 par 1 critique
The Last of Us Part. 2 ne laissera personne indifférent
Il est assez étonnant, et quelque part réjouissant, que de se rendre compte que l’un des jeux vidéo les plus attendus de l’année est aussi celui qui laissera certainement le public le plus divisé. On l’a toujours affirmé au cinéma, et l’on pense la même chose pour l’industrie vidéoludique : si le tout-clivant n’est pas souhaitable, on ne peut qu’affirmer que ce qui fait réagir est indispensable pour la bonne tenue d’un medium, quel qu’il soit. Et ça, The Last of Us Part. 2 l’a bien compris. Suite de l’un des jeux les plus adulés de la PlayStation 3, attendus par des hordes de fans qui ont précommandé le titre comme jamais, mais aussi au cœur de plusieurs polémiques assez déroutantes, le soft est désormais en passe de sortir. Nous l’avons terminé, deux fois, et voici notre verdict.
Il faut, ici, se lancer dans une introduction liminaire. The Last of Us Part. 2 est une suite, vous l’aurez remarqué. Pas directe, puisque les faits se déroulent cinq ans après l’évasion finale (et très mémorable) du premier opus. Mais on retrouve bien Ellie et Joel, lesquels sont parvenus à rejoindre Tommy, le frère de ce dernier. On est donc dans la droite lignée, et les conséquences de cette conclusion pour le moins marquantes sont au centre de l’action du jeu qui nous intéresse aujourd’hui. On insiste : si vous n’avez pas parcouru TLOU, il est fort probable que vous passerez à côté d’une partie de la puissance de sa suite. Si vous rejoignez l’univers à l’occasion de cette sortie, on ne peut que vous conseiller de vous procurer le remaster de The Last of Us, disponible sur PlayStation 4, et par ailleurs assez soigné pour que vous n’ayez pas l’impression d’une expérience un peu old school.
Ceci étant précisé, soyez assurés aussi que nous ne vous dévoilerons aucun élément trop importants de l’intrigue. Et là, ça nous rend la tâche plus compliquée. Sachez que votre dévoué serviteur avait un peu peur du scénario de The Last of Us Part. 2, et d’un éventuel trop gros parti-pris de Neil Druckmann sur le scénario. La personnalité de cet auteur peut faire débat, d’ailleurs il s’attire autant de sympathie que de colère sur tous les forums des Internets. Ici, on se doit de rassurer celles et ceux qui doutaient : le récit de TLOU 2 n’est aucunement un prétexte pour servir une quelconque idéologie. Oui, on aborde longuement l’homosexualité d’Ellie, surtout en début de parcours, mais ce n’est pas problématique, pas handicapant pour le bien-fondé du jeu, bien au contraire. Les esprits chafouins pourront rétorquer que ce thème n’a pas grand chose à faire dans un titre qui aborde un monde post-apocalyptique, mais on pourra leur rétorquer que, fin du monde ou pas, l’humain restera l’humain. Avec ses réflexes et ses multiples définitions. Et c’est justement ce dont parle cette œuvre.
On retrouve donc Ellie et Joel, fermement installés à Jackson, auprès de Tommy. Et, comme vous vous en doutez, la vie tente de trouver son chemin. Alors que l’on est très rapidement plongé au cœur de l’action, The Last of Us Part. 2 va, petit à petit, distiller des éléments narratifs qui vont tout chambouler. Jusqu’à totalement retourner le joueur à l’occasion d’une seconde moitié de cheminement vertigineuse tant elle nous entraine dans une frénésie que l’on n’a jamais croisé avant dans ce medium. On ne pourra pas en dire beaucoup plus, mais sachez que le sens d’un titre s’est rarement autant justifié que celui qui nous intéresse ici. Et n’oubliez pas l’importance du « Part. 2». Oui, « Part » car la narration se pense réellement en complément de la première. Tout ce qui se déroule, tout, est affaire de conséquences. L’ultra-violence (on mesure nos mots) qui pourra se faire ressentir, ne se justifie pas. Elle s’explique, elle est objective. Et le joueur n’est pas étranger à tout ça : vous allez en prendre plein la tronche, c’est du jamais-vu à cette échelle, dans un jeu vidéo.
Quand l’auteur prend le pas sur le joueur
L’histoire de The Last of Us Part. 2 a scotché votre serviteur, contre toute attente. Par contre, il est indéniable que d’autres choses vont diviser. Et là, on va devoir aborder la narration. Neil Druckmann et Halley Gross ont construit leur récit comme un scénario à destination du cinéma. Tel le support d’un réalisateur, l’histoire fait intervenir des notions de montage, ici parallèle. Précisons ici que c’est la notion d’espace qui est utilisé : on a plusieurs personnages qui interviennent au sein d’une même temporalité, et ce pour faire naitre le sens. On parle d’une technique du cinéma, voire de la littérature. Mais peut-elle faire mouche dans un jeu ? La réponse est mitigée, car on ne peut nier un problème de rythme, assez haché en fin de compte. Un souci que n’avait pas un God of War par exemple, grâce à son utilisation du plan séquence, lui aussi venu du septième art mais plus cohérent avec les attentes de fluidité indissociables du jeu vidéo. On apprécie grandement la mise en scène, la réalisation des cutscenes, là n’est pas le sujet. Mais on ne peut nier que l’ensemble aurait dû viser une plus solide uniformité afin de construire un meilleur confort de « lecture ».
The Last of Us PArt. 2 est, tout comme Red Dead Redemption 2, un jeu d’auteur. Donc on doit se confronter à des choix qui peuvent aller à l’encontre des attentes des joueurs. C’est aussi le cas pour le gameplay. Là aussi, on est divisé entre des choses qui nous ont séduit, et d’autres dont on peut regretter la persistance. Tout d’abord, rappelons que, contrairement au plutôt décevant Uncharted 4, on fait face à un TPS qui fait appel à votre sens de la discrétion. Que ce soit pour combattre les infectés ou les survivants, vous ne vous en sortirez pas si vous la jouez à la Rambo 3. Et ce même dans les modes de difficulté les plus aisés. Il est toujours question de faire très attention aux bruits que l’on provoque, et l’IA des gangs adverses a été amplement améliorée. Oui, on a plus de plaisir à les prendre de revers, mais n’était-on pas en droit d’attendre plus de mécaniques que la sempiternelle bouteille à lancer pour jouer la diversion ? On est là au cœur du regret principal que nous émettons : la prise en mains reste finalement très, voire trop classique, moins intéressante que le récit.
Il est toujours question de bien fouiller les environnements, de faire de la récup’ pour construire ses denrées via la mécanique de crafting. Tout cela n’a pas bougé. Tout comme, et là c’est aussi plus malheureux, les trop nombreuses commandes contextuelles. Oui, en 2020, on pense toujours que « maintiens Croix pour pousser l’armoire » est amusant. Incompréhensible, et très présent surtout dans le premier quart de l’aventure. The Last of Us Part. 2 pâtit de ce genre de manque de prise de risque, car elles ont tendance à prendre beaucoup de place. C’est, ici, le conseil que l’on osera émettre à l’attention du très doué Neil Druckmann : le gameplay n’est pas aussi important que l’histoire, ou que le combat des clichés chez les personnages. Non, il est plus prépondérant que ça car, tout comme un mauvais son sur un film peut briser l’expérience, ici une prise en mains manquant de peps aurait pu être éliminatoire. Heureusement, ça n’est pas le cas, car le soft apporte tout de même des idées qui perfectionnent l’expérience. Mais le risque était aussi grand qu’évitable.
Plus positif donc, on sent encore mieux les personnages comme des entités vivantes. Leur inertie est réglée à la perfection, et ils gagnent de nouveaux mouvements bien sympathiques. Oui, Ellie peut nager, enfin, ouf. Cela n’apporte pas grand chose car les situations qui permettent d’exploiter ce mouvement manquent, mais le grand tout gagne indéniablement en crédibilité. Et il fallait bien ça, car The Last of Us Part. 2 peut compter sur une zone beaucoup plus vaste à parcourir que dans le premier opus. Seattle offre un terrain de jeu avec assez de ramifications, de secrets à découvrir derrière des vitres à briser, pour que l’on prenne du plaisir à la farfouiller. On notera tout de même un paradoxe : si l’action de cette suite s’ancre dans des environnements plus étendus, on a moins l’impression d’un hors-champ menaçant. C’est un peu le souci qui touchait le pourtant très bon The Evil Within 2 : à trop en montrer on étouffe la capacité humaine de comblement du vide. C’est du chipotage, mais on l’a ressenti.
Un jeu qui recherche la réaction
Tout de même, The Last of Us Part. 2 peut se targuer de nous plonger dans des décors majestueux, et développe une science du level design, de la verticalité, que l’on ne trouvait pas dans le premier opus. Bien entendu, c’est l’exploration qui en récolte les délicieux fruits, avec ce qu’il faut d’endroits à bien analyser, à visiter à nos risques et périls. Pour aider à atteindre les endroits inaccessibles, signalons qu’on pourra faire usage d’une corde. Là encore, il n’y a rien de bien original, et l’on pourra s’étonner de l’importance que prend cet ajout alors qu’il accompagne le jeu vidéo depuis belle lurette, mais cela va encore et toujours dans le sens de l’amélioration. Idem, les armes sont plus nombreuses, et on en sent bien mieux les impacts. L’arc fait son grand retour, plus grisant que jamais. On pourra améliorer tout sur l’établi, avec du crafting là encore tout sauf original mais dont les effets ont une véritable répercussion sur le feeling. Cependant, on continue de trouver la description de ces améliorations un peu fouillis à l’écran. Aussi, le système d’upgrade des capacités, lié à la recherche des magazines, semble peu naturel dans un soft qui recherche l’authenticité.
Plus positif, on salue l’envie de faire du concept de choix moral un véritable élément important. Le joueur est constamment mis sur la brèche, avec des passage joués (et non subis) qui vont vous mettre très mal à l’aise. Par contre, on cherche toujours l’intérêt autour des ennemis suppliants de les laisser en vie : quoi que vous décidiez, ça ne changera rien à l’affaire. On notera aussi d’intelligents moyens de locomotion, comme le bateau qui nous évite de trop perdre du temps dans certains déplacements. Entendons-nous bien : si l’on regrette, entre autre, que le gameplay de The Last of Us Part. 2 sonne un peu ronflant, on ne peut pas lui reprocher d’être globalement user-friendly. D’ailleurs, cela se retrouve dans les options d’accessibilité, très nombreuses et fichtrement utiles. Naughty Dog a pensé à tout le monde, aux daltoniens ou à ceux qui peuvent se plaindre des ATH parfois illisibles. Bravo, c’est un choix qui change la donne. Si l’on aimerait que le soft laisse une empreinte dans l’industrie, elle serait là : il faut que le jeu vidéo se rende plus pratique, les technologies sont désormais assez avancées pour cela.
Reste à aborder la technique de The Last of Us Part. 2. Allons-y tout de go : c’est splendide. Il faut prévenir les esthètes : vous allez être carrément émerveillés au moment de la découverte de Seattle. Ce territoire transpire la désolation, et l’on est toujours scié par le travail des artistes qui ont tout compris à l’émotion qui doit se dégager de lieux délestés d’une vie autrefois fourmillante. Les jeux de lumière figurent parmi les plus beaux de la machine. Et les animations faciales, plus que les corporelles qui parfois manquent un chouïa de fluidité (notamment les sauts, un peu étranges), nous ont carrément scotchées. C’est donc un quasi-sans faute, avec tout de même quelques petites imperfections ici ou là (les contacts avec le décor, un peu inégaux, et le pathfinding parfois trop évident), mais il est totalement justifié que de qualifier le soft de l’un des trois plus beaux sur cette génération de consoles. Côté ambiance sonore, on ne peut que tirer notre chapeau à Gustavo Santaolalla, dont la guitare et les notes plus sombres que pour le premier opus participent pleinement à l’ambiance impressionnante qui se dégage. Les doublages français s’avèrent aussi de très bonne qualité, c’est assez rare pour être souligné.
Note : 16/20
The Last of Us Part. 2 va diviser, c’est certain. Et c’est aussi la marque des jeux qui marquent. Si le récit, beaucoup plus marquant qu’espéré, tient la dragée haute dans les qualités du jeu, on est moins séduit par le rythme haché dû à un choix de narration déstabilisant. Aussi, le gameplay peut se targuer d’être soigné, la prise en mains naturelle, mais il manque clairement des mécaniques qui pourraient donner à l’expérience un caractère plus courageux (uniquement de ce côté, s’entend). Il est donc assez évident que le soft va provoquer des débats animés et ça tombe bien : c’est ce que Naughty Dog cherchait à provoquer. Et ça va dans le bon sens.