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[Critique] Ride Your Wave : Un anime sur le deuil entre rire et larmes

Caractéristiques

  • Titre : Ride Your Wave
  • Titre original : Kimi to, nami ni noretara
  • Réalisateur(s) : Masaaki Yuasa
  • Distributeur : Alba Films
  • Genre : Animation, Drame, Fantastique
  • Pays : Japon
  • Durée : 1h35
  • Date de sortie : 1er septembre 2021
  • Note du critique : 6/10

Présenté au Festival international du film d’animation d’Annecy en 2019, Ride Your Wave a vu sa sortie dans les salles françaises être repoussée pas moins de deux fois pour cause de confinement. C’est finalement depuis le 1er septembre que le public a enfin l’occasion de découvrir l’œuvre de Masaaki Yuasa sur grand écran, quatre ans après la sortie du très psychédélique Lou et l’île aux sirènes, sorte de Ponyo sur la falaise sous LSD.

hinako et minato font du surf dans ride your wave

Vague à l’âme

Si vous êtes familiers de la culture et du folklore nippon, vous n’êtes pas sans savoir que l’eau tient souvent un rôle central dans les légendes et est aussi bien en lien avec la vie que la mort – d’où le grand nombre d’histoires mettant en scène esprits ou fantômes liés à cet élément. Il était donc somme toute assez logique que Yuasa choisisse un thème aquatique pour évoquer le deuil et les choix qui attendent les jeunes adultes lorsqu’ils doivent se lancer et construire une existence qui leur permettra de s’épanouir.

Lorsque le film commence, nous faisons la connaissance d’Hinako, une pétillante jeune surfeuse et assistons à son idylle naissante, puis au développement d’une histoire d’amour profonde entre elle et le séduisant pompier Minato. La jeune femme ne sait pas encore vraiment ce qu’elle veut faire de sa vie, mais elle peut compter sur le soutien de son amoureux. Leur couple lui sert de cocon confortable dans lequel elle se love et qui lui permet d’aborder l’avenir en toute confiance… jusqu’à ce qu’un drame aussi brutal qu’inattendu ne vienne tout bouleverser…

hinako danse avec l'esprit de minato dans un dauphin gonflable

Un film d’animation touchant mais inégal

(Attention, la suite de la critique contient des spoilers sur certains rebondissements présents au-delà des 30 premières minutes du film) Après les explorations débridées et parfois assez expérimentales de Lou et l’île aux sirènes, Masaaki Yuasa nous offre ici un récit bien plus posé et classique… tout en se refusant à plomber tout à fait le moral des spectateurs avec un film sur le deuil trop mélancolique. Il en résulte une œuvre à la fois touchante, optimiste… mais parfois également un peu forcée et agaçante, à l’image de l’héroïne, qui navigue entre manie et dépression pendant une bonne partie du métrage en s’agitant parfois beaucoup pour éviter de sombrer.

La première demi-heure est à la fois belle et juste : le cinéaste excelle à retranscrire les tranches de vie ponctuant la vie du couple et l’évolution de leur histoire. Des scènes toutes simples au salon de thé ou devant un repas dégagent une émotion réelle car elles sentent le vécu et parviennent à nous faire éprouver l’intimité et la confiance unissant ses héros sans passer par de longs dialogues explicatifs. Il y a du rythme et de la vie dans ces moments, mais aussi une certaine dimension contemplative qui est au cœur de la culture japonaise. L’ensemble de cette mise en place passe sans même que l’on s’en rende compte.

Puis vient le retournement tragique : la mort du jeune homme, qui se noie en sauvant une vie. Hinako s’effondre… jusqu’à ce qu’elle découvre qu’il lui suffit de chanter la chanson de son histoire avec Minato pour qu’il apparaisse dans la source d’eau la plus proche, peu importe sa nature : mer, eau du bain ou même dans la cuvette des WC ! Folle de joie de retrouver son amour et de pouvoir continuer leur histoire, la jeune femme se promène toujours avec une gourde ou un dauphin gonflable rempli d’eau et s’isole peu à peu de son entourage, qui s’inquiète. Et c’est à partir de là que le film commence à nous partager en notre for intérieur…

hinako l'héroïne de ride your wave de masaaki yuasa

Entre justesse crue, fantaisie enthousiasmante et sentimentalisme un peu trop ado

D’un côté, il y a des scènes du quotidien à la fois dures et justes où Hinako essaie de reprendre le cours de sa vie sans vraiment y parvenir : la petite sœur de Minato lui remet des affaires dont son téléphone portable, mais celui-ci est verrouillé, par exemple ou encore le cours de premier secours sur la plage, qui devient insupportable pour la jeune femme. De l’autre, il y a la dimension fantastique du récit, dont la fantaisie romantique fait mouche lorsqu’elle parvient à nous communiquer l’élan vital de son héroïne qui s’appuie sur son histoire pour trouver la force d’avancer tout en nous faisant sentir, en creux, sa souffrance, mais qui peut aussi tomber dans la surenchère et le romantisme fleur bleue un peu trop ado malgré la poésie de certaines images.

On a parfois l’impression que le réalisateur a souhaité réaliser un film d’animation grand public et a peut-être visé en partie les lecteurs de mangas romantiques un peu naïfs qui sont légion au Japon. En fonction de l’appréciation que l’on a du genre, on pourra accrocher plus ou moins au traitement des thématiques, dont le message est (à notre goût) beaucoup trop surligné dans les dialogues. La métaphore de surfeur simple et directe sur le fait de « prendre la vague » ne nécessitait pourtant aucune explication de texte ! De ce côté-là (ainsi que par certains dialogues entre l’héroïne et ses amis), Ride Your Wave en fait un peu trop et fait forcément assez ado malgré la dimension dramatique du récit.

Il y a pourtant, dans certaines images ou idées qui pourraient paraître saugrenues voire ridicules (Minato qui apparaît dans l’eau du bain sous les cuisses de l’héroïne ou Hinako agenouillée devant la cuvette des WC pour parler à l’esprit de son amoureux) des choses très justes sur le processus de deuil et la manière dont notre esprit sait puiser dans ses ressources pour que nous nous relevions.

Hinako tire à la fois de la force dans son amour pour Minato, avec lequel elle continue d’entretenir un lien bel et bien vivant, mais en même temps, ce tête-à-tête permanent avec l’esprit aquatique de son amour disparu l’isole des autres et du monde qui l’entoure. Elle ne pense plus à son avenir et s’accroche désespérément à ce lien par peur de perdre Hinato à tout jamais. Cela sera finalement le rôle de son esprit de lui faire comprendre que cela ne sera jamais vraiment le cas et que leur amour continuera à la porter, même si elle se rapproche d’un autre…

minato le pompier fantôme et hinako la surfeuse dans ride your wave

Une chanson entêtante

Tout au long de Ride Your Wave, on oscille souvent entre empathie pour l’héroïne, émotion et distance plus ou moins agacée tant on regrette à certains moments que le cinéaste n’ait pas épuré ses dialogues et contenu le côté maniaque de son récit pour garder une émotion profonde et plus naturelle.

Il y a aussi un petit biais de notre part là-dedans : LA chanson du film, que l’héroïne chante pour faire apparaître son amoureux. Lorsque le couple la chante en intégralité dans la première partie du film, aucun soucis. C’est sucré, mignon et témoigne de la complicité entre les personnages et de leur joie de vivre. En revanche, au bout de la 10ème, puis 15ème fois et plus que l’héroïne entonne le refrain à tue-tête, on n’en peut plus et l’air devient à peu près aussi irritant que l’insupportable « Johanna » de Sweeney Todd – dans un genre plus entraînant certes, mais quand même…

Du coup, on sort quelque peu du film à plusieurs reprises, malgré un final cohérent et une scène finale simple et émouvante qui permet de boucler la boucle de manière poignante.

Au final, Ride Your Wave n’est ni un chef d’œuvre, ni vraiment un ratage : toujours sur le fil, entre justesse, fantaisie baroque et des éléments plus convenus, il nous fait passer par des réactions contradictoires. Si nous n’avons pas tout à fait accroché au traitement de l’histoire et à certains partis pris de l’œuvre, il n’en reste pas moins que l’ensemble forme un dessin animé accessible et assez touchant, qui n’a pas peur d’osciller entre réalisme et rêveries aquatiques décalées pour traiter d’un sujet grave. Si certains plans sont beaux à tomber, la réalisation de Masaaki  Yuasa demeure cependant étonnamment sage comparé à l’énergie et à l’audace de Lou et l’île aux sirènes.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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