Caractéristiques
- Titre : Junk Head
- Réalisateur(s) : Takahide Hori
- Avec : les voix en version originale de Takahide Hori, Yuji Sugiyama et Atsuko Miyake
- Distributeur : UFO Distribution
- Genre : Animation, Science fiction, Aventure
- Pays : Japonais
- Durée : 101 minutes
- Date de sortie : 18 mai 2022
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Un Petit Bijou
Junk Head est en premier lieu le petit bijou d’un artiste complet, Takahide Hori. Il a pensé, animé images par images, mis en musique, réalisé, doublé et monté lui-même l’ensemble du métrage pendant sept ans. A part Robert Hossein, difficile de se souvenir d’un artiste ayant tant payé de sa personne pour créer une vision exclusive de son œuvre.
Distribué par le bien nommé studio UFO, Junk Head n’est rien de moins qu’une petite pépite que tous les amateurs de stop motion attendaient. Mais pas seulement, car l’histoire en elle-même possède de nombreux atouts qui plairont aux fans de science-fiction dans leur ensemble. Dans le futur, l’humanité a réussi à obtenir une quasi immortalité. Mais, à force de manipulations génétiques, elle a perdu la faculté de procréer et décline inexorablement. Afin de découvrir le secret de la procréation, le volontaire Parton est envoyé dans la ville souterraine où vivent les clones mutants des humains qui ont évolué indépendamment depuis leur exil…
Un imaginaire hors-norme
Un scénario finalement prétexte à une odyssée ponctuée de rencontres avec des créatures tantôt amicales tantôt dangereuses, dont l’ensemble constitue un des bestiaires parmi les plus originaux et cohérents qu’on ait pu voir ces dernières années au cinéma. A commencer par les humains eux-mêmes qui, devenus presque immortels, en sont réduits à n’être plus qu’une simple tête vaguement zombifiée (leur égo) vivant dans des corps artificiels. De là à y voir une critique sur la déliquescence des sociétés modernes et le transhumanisme, il n’y a qu’un pas. Une fois dans la cité souterraine, la folie visuelle ne connaît plus de limite tant les monstres rencontrés et les péripéties s’avèrent tour à tour angoissantes (les vers dans les murs), drôles (les culturistes féminines responsables de la chaufferie) voire même touchantes (Le vieux et son levier).
Tout ce beau monde évolue dans des décors dont le minimalisme trahit souvent le manque de moyens, mais qui exerce néanmoins une véritable fascination par leur crédibilité et leur aspect qui rappelle parfois l’expressionnisme allemand d’un Métropolis ou les métrages de René Laloux (La planète sauvage) pour leur onirisme. Le mélange des genres semble être d’ailleurs une fantaisie bienvenue de l’auteur, avec des allusions à Bruce Lee lors des combats, les trois chasseurs se chamaillant comme dans un cartoon ou les scènes de violence rappelant souvent les codes du film d’horreur. Takahide Hori va même jusqu’à créer un dialecte de toutes pièces, mélange de langues diverses et de grognements, afin d’épaissir encore davantage l’étrangeté de son univers.
Un tour de force artisanal
D’un point de vue technique, il est clair que le métrage est desservi par un budget rachitique, mais ce serait oublier un peu hâtivement l’effort qu’il a fallu au réalisateur de Junk Head pour aller au bout de son processus de création tout en gardant son indépendance. Tourné à la cadence d’un film en prises de vue réelles, le travail en stop motion (animation image par image) en devient colossal : 140 000 prises de vue sur 7 ans de travail, dont quatre en autonomie complète avec activité professionnelle en parallèle. Niveau ténacité, Takahide Hori n’a de leçon à recevoir de personne.
Bien sûr, le résultat final est forcément inégal, mais la fluidité de l’ensemble force le respect. De plus, jamais le réalisateur ne choisit la facilité et n’a de cesse d’essayer d’enrichir sa réalisation pour en dissimuler les carences, comme avec la musique techno durant les séquences d’action (ce qui peut parfois s’avérer agaçant) ou en multipliant les effets de style (ralentis, caméra subjective, flou, filtre de couleurs, travellings,…) destinés à relancer l’attention du spectateur pour qu’il ne s’ennuie jamais. Beaucoup de bonne volonté donc, pour un résultat brillant quand on sait que seule une toute petite équipe se cache derrière, mais dont la trop grande étrangeté laissera certains de marbre.
L’univers Junk Head
On peut affirmer sans nul doute que Takahide Hori a fait beaucoup de chemin depuis son premier court métrage Junk Head 1 de 30 mn publié en 2013 sur YouTube et qui a servi de base au film dont nous parlons aujourd’hui. Et il ne compte pas s’arrêter là, car Junk Head (officiellement sorti en 2017 au Japon) est en fait techniquement le second volet d’une trilogie. Un préquel ainsi qu’une suite sont donc actuellement dans les tuyaux.
En fait, à l’heure actuelle, un tel métrage pourrait être considéré comme un anti-Disney. D’abord pour son côté résolument plus adulte bien sûr, mais aussi parce qu’il est aussi désœuvré que bourré d’imagination en tous genres pour remédier à cet obstacle. Disney de son côté est bourré d’oseille et cela permet des investissements tels que chacun de leur métrage d’animation sont toujours irréprochables techniquement. Néanmoins, au niveau créativité, depuis quelques années le cœur n’y est pas (ou n’y est plus) et ce sont des machines sans âmes qui tournent à vide ressemblant presque métaphoriquement à la société humaine décrite dans Junk Head, drôle de hasard…
En ce qui nous concerne, nous avons hâte de replonger à l’avenir dans l’univers de Takahide Hori, son intégrité artistique constituant à elle seule la promesse d’un nouveau spectacle décalé et intrigant.