Caractéristiques
- Titre : Les Nuits de Mashhad
- Titre original : Holy Spider
- Réalisateur(s) : Ali Abbasi
- Scénariste(s) : Ali Abbasi
- Avec : Mehdi Bajestani, Zar Amir Ebrahimi, Arash Ashtiani, Forouzan Jamshidnejad...
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Genre : Thriller, Policier, Drame
- Pays : Iran
- Durée : 116 minutes
- Date de sortie : 13 juillet 2022
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Le quotidien d’un tueur
Nouveau long-métrage d’Ali Abbasi (Border, Shelley), Les Nuits de Mashhad, inspiré de faits réels, se déroule en Iran. Nous sommes en 2001. Une journaliste de Téhéran plonge dans les faubourgs les plus mal famés de la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur une série de féminicides. Elle va s’apercevoir rapidement que les autorités locales ne sont pas pressées de voir l’affaire résolue. Ces crimes seraient l’œuvre d’un seul homme, qui prétend purifier la ville de ses péchés en s’attaquant la nuit aux prostituées…
Le scénario d’Ali Abbasi est donc inspiré d’une historie vraie qui s’est déroulée entre 2000 et 2001. Pour ce long-métrage, il n’a pas voulu s’inspirer des thrillers habituels où l’on découvre le meurtrier à la fin, mais il nous le présente dès la scène d’ouverture. Celle-ci nous dépeint la dernière nuit d’une prostituée, mère de famille et accro à la drogue, qui va être assassinée par l’Araignée. A partir de là, on découvre le quotidien de Saeed (le tueur, donc), qui est père de famille et maçon, mais aussi ses motivations et sa folie. On comprend, par son passé, que celui-ci à vécu des choses traumatisantes et qu’il souffre de stress post-traumatique. Alors oui, cela nous permet d’avoir un minimum d’empathie pour le personnage, mais évidemment, pas pour ce qu’il fait. Il est aussi le reflet d’une société iranienne qui se voile la face, mais nous y reviendrons plus bas…
La détermination d’une journaliste
Car le scénario suit deux personnages. Le second est Rahimi, une journaliste qui enquête sur les meurtres des prostituées. Elle se rend compte que, à part en parler, personne ne fait rien pour arrêter le tueur. Elle va donc enquêter, jusqu’à mettre sa vie en danger. Elle comprend que cette histoire est plus qu’il n’y paraît et que les répercussions de celle-ci vont diviser la société iranienne. En tout cas, en découvrant son quotidien, on voit quelle place elle occupe au sein de la société en tant que femme non mariée, mais aussi en tant que journaliste et surtout femme journaliste. Son caractère, sa détermination, mais aussi une certaine fragilité, en font un exemple.
Evidemment, le scénariste/réalisateur, au travers de cette histoire, critique la société ouvertement iranienne à travers un récit où une partie de la population soutient un tueur en série pour la simple raison qu’il s’en prend à des prostituées. Evidemment, la religion tient un rôle prépondérant dans cette histoire, car l’Araignée tue par fanatisme religieux. Mais tout n’est pas noir pour autant. Ainsi, les paroles du juge, qui dit que la prostitution est un problème sociétal et non religieux tout en ajoutant que s’il n’y avait pas de pauvreté, alors certaines femmes ne seraient pas obligées de se prostituer, contraste évidemment avec les paroles d’autres personnages. Abbasi montre ainsi la schizophrénie de la société iranienne. En cela, en plus de l’histoire passionnante, ce traitement de fond est très réussi.
Une bonne réalisation malgré quelques longueurs dans le dernier acte
Concernant la réalisation d’Ali Abbasi, celle-ci s’avère assez classique mais efficace. La scène d’ouverture fait monter la pression pour nous montrer le mode opératoire du tueur pour finir sur un magnifique plan de la ville de Mashhad. Il filme en lumière naturelle et, vu que le long-métrage se déroule en majorité de nuit, cela en fait un film visuellement sombre. Seules les lumières de la ville (qui apparaît comme un personnage à part entière), illuminent les visages des acteurs. Le métrage garde ainsi ce ton réaliste, avec une lumière de type naturelle pour les intérieurs et des plans caméra à l’épaule pour que l’on soit au plus près de l’action et des personnages – ce qui fonctionne très bien. Le rythme du montage est bon pour les deux premiers tiers des Nuits de Mashhad. Pour le dernier tiers (le procès), la tension retombe, créant ainsi quelques longueurs, mais rien de bien grave tant on est happé par le film. Enfin, la musique de Martin Dirkov imprègne bien le long-métrage comme il faut. Sa composition appuie l’action aux moments appropriés et de manière toujours judicieuse.
Concernant les acteurs. Mehdi Bajestani est parfait dans le rôle de Saeed/l’Araignée. On voit les différentes facettes de son personnage grâce à son interprétation. Il peut autant se montrer charmant que dangereux. Lui aussi aurait mérité un prix, car il n’a rien à envier à Zar Amir Ebrahimi. Cette dernière a reçu le prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes. Une récompense complètement méritée par le talent qu’a l’actrice et dont elle fait ici joliment preuve dans le rôle de Rahimi. Arash Ashtiani est aussi bon en second rôle dans le rôle de Sharifi, un journaliste qui soutient Rahimi. Enfin, Forouzan Jamshidnejad démontre aussi son talent en interprétant Fatima, la femme de Saeed, dont le personnage surprend dans le dernier acte du film.
Les Nuits de Mashhad est autant un bon et passionnant thriller qu’une critique de la société iranienne, porté par une réalisation de qualité et des interprètes impliqués. Le prix qu’il a reçu est donc plus que mérité.