Caractéristiques
- Titre : Les Enfants des Autres
- Réalisateur(s) : Rebecca Zlotowski
- Scénariste(s) : Rebecca Zlotowski
- Avec : Virginie Efira, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni et Callie Ferreira-Goncalves.
- Distributeur : Ad Vitam
- Genre : Drame
- Pays : France
- Durée : 103 minutes
- Date de sortie : 21 Septembre 2022
- Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Un 5ème long-métrage sur l’urgence du désir d’enfant
Trois ans après Une fille facile, Rebecca Zlotowski est de retour avec un cinquième long-métrage, Les enfants des autres, dans lequel elle dirige pour la première fois Virginie Efira et retrouve Roschdy Zem, avec lequel elle avait travaillé sur la série de Canal + Les sauvages. Un film qui explore le désir d’enfant tardif chez la femme, alors que la fertilité diminue et que l’horloge biologique commence à résonner de manière pressante.
L’originalité de l’intrigue est de confronter son héroïne en manque d’enfant à la fillette de son nouvel amour et de se focaliser sur la relation qui se noue entre les deux, et sur la place délicate occupée par la « belle-mère », en quelque sorte.
Un drame intimiste juste et touchant, filmé au plus près des acteurs
Ce sujet est traité avec beaucoup de justesse et de délicatesse, avec sensibilité mais sans sensiblerie. Nous suivons l’histoire d’amour de Rachel et Ali à partir du rendez-vous qui leur permet de conclure. Une histoire entre deux quarantenaires qui est montrée de manière à la fois simple, réaliste et touchante. Rebecca Zlotowski a toujours accordé beaucoup de place au corps dans son cinéma, le corps féminin bien entendu, dont la nudité est montrée sans fausse pudeur ni clichés, mais pas uniquement. La manière dont elle montre la complicité qui s’installe entre ses deux protagonistes, leur rapprochement à travers des mains qui se frôlent sans en avoir l’air, leurs ébats amoureux puis leurs moments partagés, est à la fois belle et authentique et il s’agit sans doute, parmi les cinéastes de cette génération, de celle qui filme le mieux les corps, avec un amour pour ses personnages et ses acteurs qui crève l’écran.
Si la réalisatrice et son actrice principale ont beaucoup parlé, en promotion, de l’importance de faire des films sur des sujets vrais et contemporains qui touchent les gens aujourd’hui mais ne sont pas toujours représentés à l’écran, Les enfants des autres peut rappeler à certains égards, dans la complexité et la dimension intime de ce portrait de femme, le Claude Sautet des années 70 période Une histoire simple avec Romy Schneider (1978). Le tout réalisé avec la sensibilité narrative et esthétique de Rebecca Zlotowski bien évidemment, qui a toujours eu à cœur de montrer des portraits de femmes dans toute leur diversité. Comparer l’œuvre d’une femme à celle d’un cinéaste reconnu et à la filmographie bien antérieure pourrait faire grincer des dents à certains, mais il s’agit ici plutôt pour nous de souligner la qualité d’un film qui renoue, tout en la réactualisant, avec une certaine tradition du film d’auteur à la française qui s’est fait quelque peu rare ces dernières années.
La réalisatrice reste au plus près de son actrice et la montre autant dans sa vie intime que familiale et professionnelle. Virginie Efira y apparaît à la fois belle et saisissante, exprimant souvent à travers ses gestes, expressions et regards bien plus que les simples mots de Rachel. On notera d’ailleurs à ce propos que les dialogues sont convaincants et ne font jamais trop écrits – ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas au sein du cinéma d’auteur français récent.
Une thématique bien développée
La manière dont le désir d’enfant et le compte à rebours lié à la question de la fertilité influe sur les relations entre Rachel et Ali est particulièrement bien traité. Le film montre bien les difficultés de timing, celui de la relation réelle pouvant quelque peu différer du rythme biologique qui apparaît fatalement comme une contrainte pour la femme – l’homme jouissant, qu’il le veuille ou non, d’une toute autre liberté de ce côté-là.
Et puis, il y a bien évidemment la relation entre Rachel et la petite Leïla, et la manière dont celle-ci impacte la relation entre Rachel et Ali. C’est là le cœur du film, et cette dimension est rendue de manière particulièrement juste et poignante. En tant que petite-amie d’Ali, Rachel ne jouit d’aucun statut officiel auprès de Leïla, quand bien même elle s’en occupe, part en vacances avec elle et va la récupérer à la sortie du judo. Elle ne fait pas partie de la famille, ce qui la met forcément dans une position particulière vis-à-vis de l’ex-femme de son amoureux (interprétée par Chiara Mastroianni, peu présente à l’écran mais toujours juste). Rachel doit aussi se confronter aux humeurs de cette petite fille de 4 ans, qui l’apprécie mais peut aussi la bouder quand sa maman lui manque.
Le film le plus abouti de Rebecca Zlotowski
Là où le film boucle la boucle vis-à-vis de la problématique de son héroïne et se révèle d’autant plus touchant concerne sa vie de professeure de lycée, où elle essaie de défendre et d’inspirer un élève en difficulté complètement démotivé à suivre une formation qui lui permette d’avoir un métier qui lui plaise. Une seconde trame narrative qui est tout sauf secondaire tant elle permet de montrer une seconde voie et de mettre en valeur l’impact positif de Rachel sur la vie et le parcours de cet adolescent.
C’est d’ailleurs sur celle-ci et une note particulièrement touchante que se clôture le film, et on ne peut que sentir la dimension personnelle dans cette dernière séquence puisque, avant de réaliser son premier film, Belle Epine, en 2010, Rebecca Zlotowski a elle-même été une (excellente) professeure de cinéma documentaire, inspirant par ses cours et son approche passionnée et dynamique ses élèves qui rêvaient de faire du cinéma ou d’écrire sur celui-ci.
Au final, Les enfants des autres est sans doute l’œuvre la plus aboutie de la filmographie de Rebecca Zlotowski. Là où un film comme Planétarium s’avérait intéressant esthétiquement mais trop théorique et inabouti narrativement parlant, ce cinquième long-métrage apparaît maîtrisé de bout en bout et atteint un véritable équilibre à tous niveaux, que ce soit dans son écriture, sa mise en scène comme la direction d’acteurs. Un beau coup de cœur parmi les films français vus cette année, que nous vous recommandons si vous appréciez les drames intimistes.