[Analyse] La Guerre du feu (3/3) : Toute l’évolution humaine dans une fiction préhistorique

La femme préhistorique est l'avenir de l'Homme (Rae Dawn Chong et Everett McGill dans La Guerre du feu).
La femme préhistorique Homo sapiens est l’avenir de l’Homme de Néandertal (Rae Dawn Chong et Everett McGill dans La Guerre du feu).

Nous voici parvenus au terme de notre redécouverte de La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud (1981), 40 ans après sa sortie au cinéma. Nous avons tenté de mettre de côté l’analyse artistique pour adopter le regard des préhistoriens face au film, avec la complicité de Gaëtan Bourgeois, docteur en Préhistoire et actuel responsable du Service Animation du Paléosite de Saint-Césaire. Nous avons décelé un grand nombre d’anachronismes et incohérences, qui peuvent inciter à reléguer la représentation de la Préhistoire dans le film de Jean-Jacques Annaud au fin fond des oubliettes de la désuétude, aux côtés des illustrations accompagnant le roman de Rosny l’aîné (1909) qu’il adapte.

Or, comme nous l’avons vu dans la première partie, le postulat de départ du roman La Guerre du feu était déjà périmé au moment où Jean-Jacques Annaud décida d’entreprendre son adaptation avec la complicité de Gérard Brach. L’idée même d’une guerre du feu n’avait plus guère de sens, ou du moins plus pour longtemps, mais l’histoire s’imposait à l’esprit du cinéaste. Elle avait le potentiel pour raconter au public l’histoire de ses origines d’être humain au travers d’une quête, une série d’aventures, qui a finalement été pensée pour condenser les différentes étapes de l’évolution humaine en un voyage. Un aller-retour au terme duquel le protagoniste principal évolue de Néandertalien bestial, encore proche du singe, à un presque Homo sapiens achevant son aventure en observant la Lune auprès de sa compagne sapiens, qui porte en elle l’avenir hybride de l’humanité.

Ika (Rae Dawn Chong), homo sapiens.
Ika (Rae Dawn Chong), Homo sapiens, auprès de son protecteur Naoh.

La Guerre du feu, un voyage initiatique pour devenir humain

Cette hybridité sapiens-neanderthalensis est un des paris réussis du film de Jean-Jacques Annaud, car les recherches en paléo-génétique confirment cette hypothèse. Mais cette hybridité est surtout le signe d’une dissolution à venir du Néandertalien dans l’espèce du genre Homo qui sera dominante, puis unique sur la planète : sapiens. En vérité, si le film propose de suivre la quête de Néandertaliens, c’est pour mieux rencontrer l’humain moderne dont les Ivaka du film sont les ancêtres. De leurs origines, le film ne dit rien, il ne met en scène que le choc de la culture trop avancée des sapiens Ivaka avec celle des néandertaliens Oulhamr et des Kzamm trop arriérés. Les anachronismes du film que nous avons relevés au cours de la partie précédente semblent obéir à cette logique d’exagération au service du choc des espèces et des cultures.

Des Wagabou très bestiaux, dans La Guerre du feu.
Des Wagabou très bestiaux, dans La Guerre du feu.

Si c’est une série de chocs que le cinéaste met en scène, c’est parce qu’il souhaite mettre en scène un processus d’humanisation dans un temps très court, à peine le temps du voyage pour ramener le feu et, entre-temps, avoir appris à le produire. Répondant à une logique de récit initiatique, La Guerre du feu a dès lors recours à la condensation, qui n’est autre ici que celle des étapes de l’évolution humaine. Celles-ci jalonnent le parcours du héros Néandertalien d’une manière progressive et linéaire, qui renvoie à l’idée d’un progrès continu le conduisant in fine, à donner naissance à l’humanité qui enverra des Homo sapiens dans l’espace. C’est le sens symbolique du dernier plan du film, avec le couple enlacé sous la Lune, attendant le futur de l’humanité sous la forme d’un enfant.

Les êtres humains préhistoriques incarnés par Rae Dawn Chong et Everett McGill, les yeux tournés vers la Lune à la fin de La Guerre du feu.
Les êtres humains préhistoriques incarnés par Rae Dawn Chong et Everett McGill, les yeux tournés vers la Lune à la fin de La Guerre du feu.

C’est dans cette logique de récit d’une évolution linéaire, condensée en quelques individus, qu’il faut aussi considérer la persistance des traits simiens des Néandertaliens du film, qui est par ailleurs souvent mise en avant par Jean-Jacques Annaud : cette persistance vise à renforcer l’ampleur de leur progression vers l’humanité moderne, mais aussi à suggérer la possibilité d’une régression aussi fulgurante. En témoigne la séquence montrant les trois protagonistes Oulhamr se réfugiant sur les minces branches d’un arbre dont ils mangent toutes les feuilles, une séquence mise en scène comme un retour à un mode de vie antérieur dont les Néandertaliens garderaient la trace en eux. La séquence dans l’arbre est l’occasion pour le cinéaste de donner à entrevoir des origines humaines plus anciennes, qui constituent comme un point de départ de l’évolution humaine dans l’esprit du public, jusqu’à un point d’arrivée qui n’est autre que la Lune.

Survivance des habitudes primates, dans La Guerre du feu.
L’arbre de l’Évolution ? Survivance des habitudes primates, dans La Guerre du feu.

Les limites de la condensation de l’évolution humaine en un récit

Amoukar (Ron Perlman) va bientôt découvrir le pouvoir du rire, dans La Guerre du feu.
Amoukar (Ron Perlman) va bientôt découvrir le pouvoir du rire, dans La Guerre du feu.

Ce procédé de condensation des faits établis par la communauté scientifique est un classique de la fiction préhistorique1, qui a pour conséquence de faire oublier que la plupart des processus en jeu sont graduels. La fiction réduit par ailleurs fortement la complexité des étapes de l’évolution humaine, ramenées à l’échelle chronologique d’un groupe d’individus. Ainsi, en plus de la sexualité consentie et face-à-face, les néandertaliens du film découvrent la cuisson de la viande (un morceau a été oublié dans les cendres) ; ils découvrent l’humour (une pierre reçue sur la tête les fait rire), l’exogamie (l’un d’entre eux doit féconder les femmes des Ivaka) et la médecine à base de plantes…

Et bien sûr, ils apprennent à allumer un feu. Dans ce dernier cas, essentiel au film, la volonté de condensation et le respect de l’œuvre de Rosny aîné introduisent une incohérence majeure, car si la tribu principale est Néandertalienne et contemporaine d’Homo sapiens, est-il seulement possible qu’elle ignore comment produire du feu ?

Joie, chaleur, cuisson, protection : La Guerre du feu exalte le rôle du foyer.
Joie, chaleur, cuisson, protection : La Guerre du feu exalte le rôle du foyer.

Gaëtan Bourgeois : « Très honnêtement, ça me paraîtrait peu probable que des Homo neanderthalensis contemporains d’Homo sapiens maîtrisant le feu ne sachent pas en faire d’eux-mêmes. Car ils sont issus d’une lignée d’Homo erectus (au sens large), qui furent justement les premiers à le domestiquer ! On situe en effet la domestication du feu à au moins 400 000 ans, et les premiers contacts (ou apprivoisements) à environ 1 500 000 ans. De plus, on sait aujourd’hui qu’ils maitrisaient la technique dite de percussion (roche dure et bisulfure de fer) il y a 50 000 ans par exemple. »

Par ailleurs, l’importance prêtée à la maîtrise du feu pour la survie du groupe (protéger du froid et éloigner les prédateurs) nous conduit à oublier que les représentants du genre Homo ont survécu sans feu avant de le domestiquer. Son rôle dans le processus d’hominisation est donc à relativiser. Pour autant (comme pour la sexualité) cela suffit-il à renoncer à sa fonction symbolique de marqueur d’humanité ?

Naoh tente de faire du feu selon la technique des Ivaka.
Naoh tente de faire du feu selon la technique des Ivaka.

Gaëtan Bourgeois : « La maîtrise du feu est quand-même un facteur d’hominisation important. Au-delà du chauffage, de la cuisson et de la protection, il y a aussi un aspect social probable (on se réunit autour du feu, s’y raconte des histoires et donc développe le langage et la mythologie) ainsi qu’un aspect technique non négligeable (fabrication et amélioration d’armes et outils). Donc si, c’est un élément capital dans notre évolution. »

Au crédit du film, la technique de production du feu par friction montrée dans La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud est crédible pour l’époque dépeinte et, semble-t-il, réalisée authentiquement à l’écran par quelqu’un maitrisant la technique. Le film, de ce point de vue, rompt avec le cliché des deux silex qui se percutent ; un cliché qui dérive d’une technique avérée, mais qui nécessite d’utiliser de la marcassite ou de la pyrite, ce que Rosny aîné ne manquait pas d’indiquer dans son roman. À ce propos, nous vous renvoyons à ce passage du podcast du Chat-Huant, ainsi qu’à la vidéo d’Histoire Appliquée qui en fait la démonstration.

Une technique pour faire du feu, montrée par Jean-Jacques Annaud dans La Guerre du feu.
Une technique pour faire du feu, montrée par Jean-Jacques Annaud dans La Guerre du feu.

Penser « l’autre », l’humain préhistorique

Un autre marqueur d’humanité dans La Guerre du feu est le rejet du cannibalisme. Il s’agit de l’une des rares tentatives d’humanisation de la tribu principale (les Oulhamr) qui, nous l’avons relevé, sont trop ancrés dans la bestialité par rapport à ce que nous savons des Néandertaliens. Or, le dégoût des Oulhamr vis-à-vis de l’anthropophagie est anachronique, puisque cette pratique est attestée tout au long du paléolithique (même si sa pratique ne semble pas avoir été généralisée) et au-delà. Toutefois, de même qu’il semble que de tout temps et dans chaque espèce le cannibalisme a existé, de même il a très bien pu exister des Néandertaliens (pour ne citer qu’eux) cannibales aux côtés d’autres que ce comportement dégoûtaient.

Des femmes Ivaka victimes des Kzamm anthropophages dans La Guerre du feu.
Des femmes Ivaka victimes des Kzamm anthropophages dans La Guerre du feu.

Cette volonté de Jean-Jacques Annaud et Gérard Brach de montrer le dégoût de l’anthropophagie par les membres de la tribu principale s’explique par la difficulté (sinon l’impossibilité) de faire de ses protagonistes principaux des cannibales, dont les pratiques les relèguent dans les limbes de la monstruosité et du tabou. Comment le public d’un film pourrait-il s’identifier à un anthropophage ou au moins accepter de suivre ses aventures et compatir avec lui ?… Certes, Le silence des agneaux (Jonathan Demme, 1991) et les autres films consacrés à Hannibal Lecter ont prouvé depuis que cela n’est pas impossible, dans le cadre du thriller horrifique toutefois ; non pour raconter un récit des origines de l’espèce humaine. Un cinéaste fidèle aux faits dévoilés par les paléoanthropologues se trouvera toujours confronté à cette difficulté à dépasser les limites de son public Homo sapiens, si prompt à humaniser les autres espèces humaines ayant vécues au paléolithique, comme à les déshumaniser.

Oulhamr contre Kzamm dans La Guerre du feu.
Oulhamr contre Wagabou au cours de l’affrontement pour le foyer, au début de La Guerre du feu.

Gaëtan Bourgeois : « Pendant mes études universitaires notamment, j’ai évolué durant des années de “ré-humanisation” de Néandertal. Et j’en étais très enthousiaste. Je me suis rendu compte plus tard que ça n’était qu’une posture erronée, opposée à “celle d’avant” (la représentation traditionnelle), mais que ces deux postures étaient idéologiques et non scientifiques… Donc j’ai voulu chercher l’humanité dans Néandertal, envers et contre tout (et j’ai encore tendance à le faire mais étant conscient du problème, aujourd’hui je me soigne). S’il est clair, aujourd’hui, que les Homo neanderthalensis avaient des capacités bien supérieures à celles qu’on leur prêtait au siècle dernier, il n’en reste pas moins que c’est une humanité bien différente de la nôtre. Par exemple, plusieurs éléments dont on dispose aujourd’hui tendent à montrer une (relative !) certaine supériorité technique et artistique à l’Homme anatomiquement moderne, y compris par rapport à Néandertal… Est-ce l’une des raisons du succès de notre espèce ? Bref, on n’a pas fini de se poser des questions, et c’est tant mieux ! »

Sciences et mythes : la construction narrative au service de logiques différentes

On aurait sans doute tort de croire qu’il serait possible à une équipe de préhistoriens de restituer une quelconque vérité sous la forme d’un film. Car il ne s’agirait que d’une illusion de vérité, qui naît de la confusion entre les pratiques dont on retrouve les traces et les représentations qui en sont faites dans les esprits des découvreurs et de leur audience. Comme l’écrit Sophie A. de Beaune, les faits « ne sont constitués comme faits qu’au terme d’un travail interprétatif. Les faits “établis” sont ceux que la communauté scientifique, à un certain moment de son histoire, considère comme tels », bien qu’il semble que certains faits semblent être tels par-delà toute interprétation.

Ron Perlman dans La Guerre du feu. Il y a de quoi rester perplexe face aux difficultés de représenter la préhistoire...
Ron Perlman dans La Guerre du feu. Il y a de quoi rester perplexe face aux difficultés de représenter la Préhistoire…

Sans pour autant débattre du matérialisme scientifique (renvoyons simplement aux vidéos de Monsieur Phi sur le sujet), retenons que dans cet établissement des faits « quelque chose de narratif est déjà présent2 », par les récits logiques des préhistoriens qui s’attachent à construire un modèle du passé. Selon Sophie A. de Beaune, le travail de scientifique « consiste précisément à rendre plausible, au prix d’une très grande rigueur, l’ébauche d’une construction narrative3 ». De ce fait, on aurait tort, aussi, d’opposer radicalement le travail du préhistorien de celui qui utilise la fiction préhistorique dans un but de vulgarisation.

La Guerre du feu, toutefois, n’est pas une œuvre de vulgarisation scientifique, contrairement à l’image qui lui a été accolée. Une image donnée au film soit dans le but de lui donner une aura de respectabilité (dans les médias et pour un public réticent), soit parce que sa représentation de la Préhistoire s’est imposée dans les esprits comme étant conforme aux faits établis par la communauté des préhistoriens. En 1981 comme en 2021, La Guerre du feu n’est pas de la vulgarisation, mais n’est pas pour autant une œuvre vulgaire. Si Jean-Jacques Annaud a cru honnêtement pouvoir réaliser une « aventure documentaire » collant au plus près des connaissances de leur temps, alors Gérard Brach et lui se sont trompés. Mais nous croyons au contraire que si telle était son intention de départ, ce ne fut pas pour autant le chemin emprunté. Car le récit de La Guerre du feu emprunte la voie du mythe et du conte par le biais de sa condensation des espaces et des temps.

Ika l'Homo sapiens s'invite dans la quête des Oulmhar, pour les amener à l'humanité.
Ika l’Homo sapiens s’invite dans la quête des Oulhamr, pour les amener à l’humanité.

Les propos du dessinateur Emmanuel Roudier qui a adapté le roman La Guerre du feu en bande-dessinée nous permet de mieux comprendre quelle est la position d’un auteur de fiction qui s’appuie sur les faits scientifiques pour raconter une histoire. Nous vous invitons à l’écouter à la fin du podcast du Chat-Huant, dans lequel il revient sur ses propres choix d’adaptation et sur la nécessité, en tant que créateur, de ne pas brider son imaginaire au nom d’un respect absolu des faits. Prenant l’exemple de sa curiosité envers les traces de pas dans les grottes ornées, Emmanuel Roudier nous rappelle à quel point la fiction peut aussi se déployer à partir des faits que les préhistoriens révèlent. Les faits sont des détonateurs d’imagination : des traces de pas dans les grottes ornées qui indiquent qu’on s’y déplaçait pieds nus, une histoire naîtra peut-être.

Il faudra un langage plus complexe aux Oulhamr pour raconter les péripéties de leur quête du feu...
Il faudra un langage plus complexe aux Oulhamr pour raconter les péripéties de leur quête du feu…

Jean-Jacques Annaud, rêveur de Préhistoire et réalisateur d’un mythe

La condensation des faits qui est à l’œuvre dans le film témoigne d’une savante construction, au prix d’anachronismes et d’incohérences. Le film de Jean-Jacques Annaud peut provoquer des pensées stimulant l’esprit, voire susciter un certain sentiment poétique chez le public que le film parvient encore à toucher. La logique qui est à l’œuvre dans La Guerre du feu est celle du rêve d’un amoureux de préhistoire, non la logique du préhistorien. Ce qu’on peut toujours lire dans ce film, c’est la volonté de raconter une histoire de l’humanisation, non celle de l’humanité selon la science. On peut adhérer ou non à la vision de l’auteur de ce rêve, on peut critiquer la pertinence de sa description du processus d’humanisation, mais on ne peut retirer à Jean-Jacques Annaud le fait d’avoir réécrit un mythe de nos origines, qui ne doit être dénoncé qu’ainsi : comme mythe.

La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud : mythe d'une pré-humanité bestiale à l'évolution fulgurante.
La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud : mythe d’une pré-humanité bestiale à l’évolution fulgurante.

Cette série d’articles qui nous a pris tant d’énergie à écrire sera sans doute à commenter et réécrire dans 40 ans (sinon avant) lorsque de nouveaux consensus émergeront, avec les pages innombrables des préhistoriens. C’est cela, la science. Les films peuvent se permettre de devenir anachroniques sans pour autant perdre leur intérêt, ou si peu. Leur anachronisme peut même leur donner du charme, en dépit des remakes produits après eux. La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud n’en manque pas : le film se révèle mieux tel qu’il est, non une « aventure documentaire », non une œuvre de vulgarisation scientifique, mais un mythe dans un cadre préhistorique. De ce fait, il constitue un modèle pour penser l’humanité qui, à ce titre peut demeurer utile, même s’il est faux d’un point de vue scientifique.

La Guerre du feu (2/3) : anachronismes et incohérences de la représentation de la préhistoire
L’Homo sapiens Ika (Rae Dawn Chong) apprend à l’homme de Néandertal Naoh (Everett McGill) à faire du feu. En vérité, le feu est maîtrisé par toutes les espèces de type Homo depuis -400 000 ans, soit 320 000 ans avant la période à laquelle La Guerre du feu est censée se dérouler.

Le film devient alors intéressant pour discuter, notamment, des constituants des relations entre les individus. Parmi ces éléments se distinguent les rapports entre sexualité, sentiments et organisation sociale que le film met en scène. Ainsi, que penser de sa prétendue histoire d’amour ou de la place de la femme dans les sociétés que Jean-Jacques Annaud représente ? Il y a matière à interprétations et débats à une époque qui tente de penser une « lady sapiens », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Thomas Cirotteau, Jennifer Kerner et Éric Pincas publié l’année dernière (Les Arènes, 2021)… Il ne faudra pas oublier en ce cas, pour nuancer la vision du film, que c’est la femme qui transmet la création du feu aux Oulhamr après l’incapacité de l’homme à reproduire correctement les gestes des Ivaka.

De la pertinence et l’utilité du mythe de La Guerre du feu autrefois et aujourd’hui, de l’utilité des récits et de l’art, nous vous laissons méditer. Vous, Homo sapiens qui vous interrogez sur vos origines en contemplant la Lune et ne pouvez vous empêcher de vous raconter des histoires. Si épris de vérité que faux et fiction en viennent à se confondre.

Rae Dawn Chong incarne la femme préhistorique Homo sapiens Ika dans La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud.
Rae Dawn Chong incarne la femme préhistorique Homo sapiens Ika dans La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud.

Cet article est la dernière partie de notre analyse du film La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud d’un point de vue scientifique :


Pour aller plus loin

Cet article a été construit à partir des échanges de l’auteur avec Gaëtan Bourgeois, mais aussi grâce à l’article de Pascal Semonsut « La Préhistoire sur grand écran » (Hominidés.com) dont nous reprenons beaucoup d’informations et de citations, ainsi que les pages Wikipédia consacrées au roman et au film La Guerre du feu (y compris les discussions très intéressantes qui accompagnent ces pages). Dans un second temps, nous avons complété nos articles suite à l’écoute de l’épisode du podcast du Chat-Huant consacré à La Guerre du feu, qui propose aussi de nombreuses autres pistes de réflexion, notamment concernant l’importance des relations avec les espèces animales dans le processus d’humanisation raconté par Rosny aîné (complètement absent du film).

Pour aller plus loin dans la réflexion sur la préhistoire comme discipline (avec un minuscule), nous conseillons le passionnant essai Qu’est-ce que la Préhistoire ? de Sophie A. de Beaune (Éditions Gallimard, coll. « Folio Histoire », 2016).

L'adaptation en BD de La Guerre du feu par Emmanuel Roudier (Editions Delcourt).
L’adaptation en BD de La Guerre du feu par Emmanuel Roudier (Éditions Delcourt).

Parmi les nombreux ouvrages sur les premiers humains et leur évolution vers Homo sapiens, nous pouvons conseiller Dernières nouvelles de Sapiens de Silvana Condemi et François Savatier (Éditions Flammarion, 2021), qui synthétise les connaissances actuelles d’une manière accessible et très concrète. Les passionné-e-s de préhistoire pourront aussi se plonger dans la très belle et très copieuse Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique (Éditions Flammarion, 2020) dont nous avions écrit la critique.

Pour découvrir une approche plus actuelle de La Guerre du feu, Gaëtan Bourgeois conseille aux lecteurs et lectrices la nouvelle interprétation du roman de Rosny aîné proposée par le cycle de BD illustrées par Emmanuel Roudier, que nous avons évoquée plus haut : « Cette version a le mérite de combiner l’approche du texte initial et une vision un peu modernisée. Évidemment j’aimerai que ce soit encore plus actualisé, mais il est difficile de faire plus sans trahir l’œuvre originale et je trouve donc que c’est un compromis raisonnable et intéressant. »

L’auteur tient à remercier Gaëtan Bourgeois (du Paléosite de Saint-Césaire) pour sa passion et sa disponibilité, ainsi que pour avoir signalé l’existence du Chat-Huant.

Notes

1 – Ce procédé se retrouve notamment, à son paroxysme, dans le film 10 000 (Roland Emmerich, 2008) dans lequel les auteurs n’hésitent pas à confronter des chasseurs de mammouths de – 12 000 à des bâtisseurs de pyramides en Égypte !

23 – Sophie A. de Beaune, Qu’est-ce que la Préhistoire ?, Éditions Gallimard, coll. « Folio Histoire », 2016, p. 281.

Article écrit par

Jérémy Zucchi est auteur et réalisateur. Il publie des articles et essais (voir sur son site web), sur le cinéma et les arts visuels. Il s'intéresse aux représentations, ainsi qu'à la science-fiction, en particulier aux œuvres de Philip K. Dick et à leur influence au cinéma. Il a participé à des tables rondes à Rennes et Caen, à une journée d’étude sur le son à l’ENS Louis Lumière (Paris), à un séminaire Addiction et créativité à l’hôpital Tarnier (Paris) et fait des conférences (théâtre de Vénissieux). Il a contribué à Psychiatrie et Neurosciences (revue) et à Décentrement et images de la culture (dir. Sylvie Camet, L’Harmattan). Contact : jeremy.zucchi [@] culturellementvotre.fr

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