[Critique] Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique

Caractéristiques

  • Titre : Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique
  • Traducteur : Denis-Armand Canal
  • Auteur : Collectif
  • Editeur : Flammarion
  • Date de sortie en librairies : 2020
  • Nombre de pages : 440
  • Prix : 29,90 €
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 9/10

Rangez vos livres qui prétendent raconter la Préhistoire mais consacrent la plupart de leurs pages aux dinosaures ou à nos ancêtres, voici un ouvrage sur la vie préhistorique dans toute son ampleur et sa diversité. Raconter avec clarté 3,5 milliards d’années d’évolution, tel est l’enjeu de la sublime Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique publiée par les Éditions Flammarion, 440 pages d’informations et d’illustrations, de lecture fascinante et de contemplation. Grâce à cet ouvrage, vous connaîtrez presque autant les archées, les plantes du néogène ou les invertébrés du trias que les célèbres tyrannosaurus rex, brachiosaures ou tricératops. On feuillette les pages, passant des trilobites aux paresseux géants, on s’arrête pour lire les notices, on retourne en arrière pour lire cette encyclopédie comme une grande histoire de la Terre et de sa vie ― une histoire de poussières d’étoiles.

Sommaire de "L'Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique"
Sommaire de L’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique (à feuilleter ici)

Un superbe ouvrage de vulgarisation scientifique

Cette Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique est l’adaptation française par Denis-Armand Canal de Dinosaurs and Prehistoric Life publié par Penguin Random House en 2019, regroupant les contributions de multiples paléontologues anglophones. Cette somme est autant à feuilleter qu’à compulser comme ouvrage de référence, de vulgarisation scientifique certes. Disons ici un mot concernant ce terme de « vulgarisation » : il n’implique pas de rabaisser l’exigence de rigueur, d’emballer toute connaissance dans une présentation criarde, mais simplement de communiquer la science avec un langage proche de celui de tout un chacun (le vulgus). Cette Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique est, comme on le disait de la Bible traduite en français, une « vulgate », et pour qui s’intéresse à l’histoire de notre planète et de notre place dans le buisson foisonnant de la vie, c’est une bible de sciences, sujette au débat scientifique et à la révision au fil des découvertes ultérieures.

La mise en page claire et élégante de cette Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique possède les belles qualités de la fameuse collection « Les Yeux de la Découverte » de Gallimard Jeunesse, cette fois-ci à destination d’adultes et de grands enfants fascinés par les fossiles. Elle offre de la place à la contemplation sans sacrifier l’information. Comme dans les ouvrages des « Yeux de la Découverte », la riche iconographie de cette Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique se compose pour une large part d’images détourées sur fond blanc, qui leur permet de parfaitement s’intégrer au texte et d’éviter la surcharge visuelle. Des photographies ou des représentations d’artistes ponctuent les pages, arrêtent parfois la lecture le temps de la contemplation d’une double-page, notamment des insectes piégés dans l’ambre il y a plus de 23 millions d’années (pas de sang de dinosaures à puiser en eux, forcément).

"Les fossiles nous informent", pages extraites de "L'Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique"
“Les fossiles nous informent”, pages extraites de L’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique

En plus des photographies de fossiles, de sites de fouilles ou d’artefacts (silex des êtres humains préhistoriques), l’ouvrage propose des représentations numériques des êtres vivants décrits dans les notices, élaborées par l’équipe de paléontologue. Des icônes permettent d’évaluer leur taille par rapport à un ongle, une main ou un être humain, ce qui est très pratique pour visualiser des données chiffrées (oui, le paresseux géant était vraiment géant!).

Une histoire de l’évolution des êtres vivants au cours des âges géologiques

Après un court avant-propos et une partie de 35 pages concernant les trois premiers milliards d’années de formation terrestre (« La jeune Terre »), l’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique expose l’évolution de la vie au fil des temps géologiques. Rédigée par Douglas Palmer de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), la partie intitulée « La jeune Terre » ne se contente pas de remonter aux origines de notre planète, car elle explique aussi les conditions de formation des connaissances des temps préhistoriques :

  • évolution et classification des espèces ;
  • formation, typologie et datation des fossiles ;
  • importance de la géologie pour déterminer les sites de fouilles, l’âge des fossiles, les changements climatiques et tectoniques ;
  • étude des extinctions de masse survenues périodiquement.

Chaque ère géologique est introduite dans l’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique par une double-page écrite par Ken McNamara (paléontologue de l’université de Cambridge) qui expose les caractéristiques climatiques, géologiques et tectoniques de la Terre au cours de la période. Un planisphère permet de visualiser la planète, chose indispensable pour qui souhaite comprendre la répartition des formes de vie. Une frise chronologique illustrée permet de situer dans le temps la formation de quelques organismes, classés selon s’ils sont microscopiques, végétaux, invertébrés ou vertébrés. Ces doubles-pages permettent au lecteur de se représenter mentalement les conditions globales de la vie sur Terre au cours de chaque ère géologique ; elles nous rappellent aussi qu’un ouvrage sur la vie préhistorique est aussi, forcément, une histoire de notre planète. Il est significatif de trouver dans chacune de ces pages une courbe indiquant les niveaux estimés de dioxyde de carbone (CO2), qui joue un rôle moteur dans l’effet de serre nécessaire à la vie et qui menace aujourd’hui la biodiversité.

"Extinctions de masse", pages extraites de "L'Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique"
“Extinctions de masse”, pages extraites de L’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique (à feuilleter ici)

Formes de vies microscopiques, végétaux, vertébrés et invertébrés d’une même ère géologique sont aussi introduits par des doubles-pages exposant globalement leurs évolutions et leur classification. Écrites par des spécialistes de chacun des domaines, elles permettent de lire les notices suivantes des êtres vivants dans le contexte de leur formation dans le buisson du vivant. Comme celles présentant les ères géologiques, ces doubles-pages sont structurées à chaque fois de la même manière, ce qui permet au lecteur de comparer les informations d’une ère à une autre s’il le désire et de repérer relativement aisément.

Comme tout livre de cette ampleur, l’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique menace de crouler sous le poids de ses informations et de décourager le lecteur de la consulter, or il n’en est rien grâce à tous les procédés de mise en page et de structuration de l’ouvrage, que nous avons brièvement exposés. Saluons ici l’immense travail de tous les contributeurs de l’ouvrage anglophone et de ses adaptateurs français des Éditions Flammarion, tout particulièrement le traducteur Denis-Armand Canal. Il est regrettable que certains textes présentent des coquilles, oublis de mots ou redondances qui ne gâchent pas heureusement la lecture de l’ensemble mais témoignent, encore une fois, de l’importance de la relecture et de la nécessité de lui accorder les moyens nécessaires.

Comment expliquer la Préhistoire ?

À qui s’adresse cette Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique ? Peut-être pas aux novices qui pourront se perdre dans sa masse d’informations, mais plutôt à des adolescents ou des adultes qui souhaitent élargir leurs connaissances et dépasser les cadres restreints des livres plus accessibles sur la préhistoire, qui se concentrent habituellement sur les formes de vie aquatiques (ammonites, trilobites…), les dinosaures, l’essor des mammifères (dont les célèbres mammouths et smilodons) et les hommes préhistoriques. D’ailleurs, tout en saluant la volonté d’accorder de l’importance à toutes les formes de vie, on peut regretter que seulement 8 pages sont consacrées aux espèces humaines de la préhistoire. Il s’agit d’un choix éditorial fort, qui invite à considérer la place de l’humanité en relation avec l’échelle des temps préhistoriques et dans l’innombrable diversité du buisson du vivant (voir la vidéo ci-dessous). Comme il existe déjà une grande quantité d’ouvrages consacrés aux origines de notre espèce, il n’était donc peut-être pas nécessaire de s’étendre outre mesure.

Bien sûr, le lecteur habitué des ouvrages spécialisés pourra peut-être critiquer certaines limites de l’ouvrage, en particulier la quasi-absence de débat scientifique : l’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique est un ouvrage visant à transmettre des connaissances et non de questionnements, qu’il laisse aux lecteurs désireux d’approfondir le sujet. Ses auteurs rappellent que la science avance par hypothèses et vérifications, ainsi que les conditions d’accès à ces connaissances, mais le but du livre n’est pas d’expliquer comment ces connaissances sont construites. La préhistoire étant un immense champ d’investigation spéculatif où tout repose sur des données fragmentaires, des morceaux de fossiles, des reliefs (comme on dit) de repas ou de déjections, des datations relatives à d’autres fossiles ou à des roches, etc. bien sûr qu’en raison de tout cela il faut s’interroger sur la construction des connaissances, mais cela est le sujet d’autres livres. Nous conseillons à ce sujet l’excellent essai Qu’est-ce que la Préhistoire ? de Sophie Archambault de Baune (Gallimard, 2016) qui étudie les recherches sur les premiers êtres humains et incite à la prudence.

'Explorer la Terre du passé", pages extraites de "L'Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique"
‘Explorer la Terre du passé”, pages extraites de L’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique (feuilletez-le ici)

Mentionnons ici que la totalité des contributeurs de l’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique sont des paléontologues des milieux universitaires anglo-saxons, américains, néo-zélandais, donc participant d’une même communauté scientifique anglophone. Cela pourra être considéré comme une limite de l’ouvrage car la communauté des spécialistes est plus vaste et plus diversifiée. N’étant pas spécialistes, nous ne pouvons dire dans quelle mesure cela influe sur le contenu de l’ouvrage. Il est certain en revanche que les auteurs de l’Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique ne pourront pas être accusés de véhiculer des thèses litigieuses concernant les peintures rupestres ou les structures sociales de nos ancêtres car ils se gardent bien de s’étendre sur ces sujets de débats au sein de la communauté scientifique. C’est ce qui, notamment, permettra au livre de vieillir mieux que les ouvrages qui se ruent sur la moindre hypothèse nouvelle. Cette superbe Encyclopédie visuelle de la vie préhistorique est conçue pour durer et être longtemps et longuement consultée, avec plaisir et passion.

EDIT du 22 septembre 2022 : Gaëtan Bourgeois, docteur en Préhistoire ayant contribué à notre série d’analyses de La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud (1981), nous a fait remarquer qu’il est temps de cesser d’employer le terme galvaudé de “Préhistoire” pour désigner la totalité de l’histoire de la Terre avant l’invention de l’écriture en Mésopotamie et Égypte (début de l’Histoire). Il vaudrait mieux réserver le terme “Préhistoire” à la période des humains préhistoriques. Il conviendrait plutôt de parler des Temps Géologiques pour désigner les 4,5 milliards d’années qui précèdent, mais aussi pour rappeler que la période de l’histoire humaine (depuis la Préhistoire) s’inscrit au sein de ces Temps Géologiques. Ce serait une manière juste et plus humble de s’exprimer à propos de ces temps dont les échelles ne sont pas du tout humaines.

Article écrit par

Jérémy Zucchi est auteur et réalisateur. Il publie des articles et essais (voir sur son site web), sur le cinéma et les arts visuels. Il s'intéresse aux représentations, ainsi qu'à la science-fiction, en particulier aux œuvres de Philip K. Dick et à leur influence au cinéma. Il a participé à des tables rondes à Rennes et Caen, à une journée d’étude sur le son à l’ENS Louis Lumière (Paris), à un séminaire Addiction et créativité à l’hôpital Tarnier (Paris) et fait des conférences (théâtre de Vénissieux). Il a contribué à Psychiatrie et Neurosciences (revue) et à Décentrement et images de la culture (dir. Sylvie Camet, L’Harmattan). Contact : jeremy.zucchi [@] culturellementvotre.fr

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