[Analyse] The Sims : psychologie et société de consommation

Image du jeu The Sims 4 - © Electronic Arts
The Sims 4 – © Electronic Arts

Un matin de l’année 1991, un incendie s’est déclaré dans la maison de Will Wright et de sa famille, détruisant tous leurs biens et l’obligeant à remplacer meubles et objets : « Je déteste faire du shopping, et j’étais forcé de racheter toutes ces choses, du dentifrice aux meubles, en passant par les ustensiles de cuisine et les chaussettes.1 »

Ironiquement, le créateur de SimCity (1989) Will Wright a accouché presque dix années plus tard de The Sims, plus gros succès commercial de l’histoire du jeu vidéo avec ses suites et add-ons (près de 200 millions de jeux vendus dans le monde depuis 2000, le créateur ayant quitté la franchise en 2009). Un jeu devenu un symbole du consumérisme, qu’il est possible de télécharger gratuitement depuis le 18 octobre 2022 en jeu de base (The Sims 4, sorti en 2014). Mais The Sims n’est-il qu’une simulation de vies de consommateurs, dont il faudrait acquérir toutes les extensions et variantes pour être satisfait ? C’est la question initiale de cet article, qui va s’intéresser à quelques uns des rapports entre l’épanouissement personnel, la consommation et la psychologie (théorique et thérapeutique) au travers du jeu créé par Will Wright. Un jeu qui, malgré son succès, a fait l’objet d’assez peu d’articles sur le web pour questionner ses enjeux, pourtant essentiels.

Image du jeu The Sims 3 - © Maxis (Electronic Arts)
The Sims 3 – © Maxis (Electronic Arts)

Pourquoi s’intéresser à la simulation de vie ?

Le jeu de Will Wright, comme toutes ses créations (SimCity, SimAnts, Spore), fait partie de la grande famille des jeux de simulation et de gestion. « Ce n’est qu’en essayant de rétroconcevoir et de recréer la vie qu’il est possible d’embrasser sa complexité2 », explique son créateur, qui a toujours été fasciné par l’idée de modéliser le réel par les mathématiques, avec des paramètres et des variables à définir et contrôler (ou non). Avant de poursuivre, il faut avouer à titre personnel que si j’ai passé beaucoup d’heures à jouer à SimCity 3000 (1999) au cours de mon adolescence, c’est plutôt pour l’utilisation de théories psychologiques et comportementales pour simuler la vie que je me suis intéressé à The Sims.

Affiche du film The Truman Show de Peter Weir.
Affiche du film The Truman Show de Peter Weir.

Je me suis penché sur ce sujet pour un essai sur le film The Truman Show (Peter Weir, 1998), qui sera publié dans un ouvrage de l’éditeur Rouge Profond en 2023. Ce film sur une star malgré elle d’émission de télé-réalité questionne la possibilité de simuler une société humaine, ainsi que la possibilité d’un libre-arbitre dans cette simulation (voir aussi, à ce sujet, les articles du dossier sur les œuvres de Philip K. Dick et le cinéma de science-fiction, qui explorent ces thématiques). Simulation de vie, société de consommation, promesse de bonheur, manipulation psychologique : voilà quelques uns des points communs entre The Truman Show et The Sims, qui était encore en développement lors de la sortie du film. Ces thèmes communs m’ont incité à écrire sur le jeu de Will Wright, ainsi que sur SimCity (mais cela fera l’objet d’un autre article).

Je ne vais pas relever les qualités et défauts du jeu, ou son évolution entre The Sims d’origine et les dernières possibilités des extensions récentes de The Sims 4 (en attendant le mystérieux Project Rene), pour lesquels il existe de nombreuses recensions, mais développer quelques aspects de la simulation de vie du jeu qui me semblent intéressants par rapport à la psychologie. Or, il est intéressant de noter que dès le départ, Will Wright a pensé cette proposition de simulation de vie humaine dans le cadre de la société de consommation américaine. Souvenez-vous, un incendie avait forcé son épouse et lui à racheter leurs objets brûlés, avec cette question en tête : en avons-nous besoin ? Si oui : pourquoi ? Quelles sont les conditions permettant l’épanouissement personnel ?

Image du jeu The Sims 3 - © Maxis (Electronic Arts)
Lui a urgemment envie d’aller aux toilettes, elle est passablement énervée, dans  The Sims 3 – © Maxis (Electronic Arts)

De la maison de poupée à la pyramide de Maslow

Un jour, Will Wright a eu l’idée d’un jeu vidéo qui serait comme une maison de poupée pour adultes, répondant d’une manière ludique à ses propres interrogations sur les besoins matériels de son foyer et de lui-même.

« J’ai fait le tour de la maison à la recherche de tous mes objets, en me demandant « Quel serait le nombre minimal de raisons ou de besoins pouvant justifier toutes ces saloperies dans ma maison ? » »

Will Wright, créateur de The Sims 3

Image du jeu The Sims 1 - © Maxis (Electronic Arts)
The Sims 1 – © Maxis (Electronic Arts)

Sa réflexion s’est nourrie de la lecture de l’article du psychologue Abraham Maslow (1908-1970), « A Theory of Human Motivation » (1943) qui propose une hiérarchisation des besoins humains. Cette théorie de Maslow est le plus souvent synthétisée sous la forme d‘une pyramide dont la base est constituée par les besoins physiologiques, et les degrés supérieurs par la sécurité, l’amour et l’estime, tandis qu’à son sommet figure la réalisation du potentiel personnel (self-actualization). Dans sa lecture la plus stricte, on considère qu’il faut avoir satisfait les besoins du palier inférieur pour accéder au palier supérieur (il est vrai qu’il est difficile de se concentrer sur une tâche intellectuelle lorsqu’on a faim, froid, ou qu’on souffre physiquement). Clairement, The Sims reprend cette idée sous la forme de jauges à remplir pour accéder à des paliers supérieurs de développement.

Pyramide des besoins de Maslow (source : Wikipédia).
Pyramide des besoins, d’après la théorie de Maslow (source).

The Sims, simulation de théories psychologiques et comportementales

Nous n’allons pas discuter ici de la validité de la théorie de Maslow, car nous en sommes incapables ; signalons souvent qu’elle est controversée, jugée faible sur le plan scientifique et trop ethnocentrée (nous vous renvoyons à l’article Wikipédia, en anglais de préférence). « Je ne crois qu’une seule théorie de psychologie humaine est correcte4 », déclare d’ailleurs Will Wright. Finalement, ce n’est pas tant la validité des modèles qui a intéressé le game designer que leurs potentialités au sein du jeu The Sims : John Seabrook écrit avec justesse que le jeu « est réaliste dans les limites des théories sociales sur lequel il est basé, et ces théories ont été combinées non selon des principes scientifiques mais pour répondre au besoin de divertissement.5 » En vérité, la validité de la théorie de Maslow n’a guère d’importance pour Will Wright, car ce dont il avait besoin, c’était d’un modèle comportemental permettant de programmer sa simulation de maison de poupée. Le but était de la doter d’une intelligence artificielle permettant de faire évoluer les sims en fonction des critères décidés par les joueurs et des actions de ces derniers (joueurs et joueuses bien sûr). Pour cela, il s’est aussi inspiré des modèles de fonctionnement du cerveau décrits par Charles Hampden-Turner dans Maps of the Mind. Charts and concepts of the mind and its labyrinths (1981). Mais les subtilités de ces théories sont réduites par les contraintes de la programmation et passées à travers le filtre de la conception américaine de l’épanouissement personnel (avoir un bon chez soi pour fonder un foyer, dans les premières versions du jeu et au-delà).

« Un bébé cherchera tout simplement le bien-être tandis qu’un adulte, s’il aspire à exactement la même chose, ne pourra l’obtenir que, par exemple, en amassant de l’argent ou en élargissant ses connaissances. On doit donc les jouer de manière stratégiquement très différente, même s’il s’agit toujours de la même personne. Et si aux différentes étapes de la vie, vous atteignez ces aspirations, l’étape suivante sera simplifiée. Si la période de l’adolescence s’est bien déroulée, il y a de fortes chances pour que vous deveniez, une fois adulte, un pilier de votre communauté. »

Will Wright à propos des aspirations dans The Sims 2 6

Image du jeu The Sims 2 - © Maxis (Electronic Arts)
The Sims 2 – © Maxis (Electronic Arts)

Le créateur s’appuie sur des théories non pour proposer une simulation de la vie humaine (ce qui serait bien illusoire), mais une simulation de l’existence selon ces théories, sur un mode caricatural et parodique. Il ne faut pas perdre de vue cette dimension humoristique des Sims, qui n’a jamais prétendu être autre chose qu’une simulation jouant avec l’idée de hiérarchisation des besoins humains et de modélisation de leur comportement, de même que SimCity parodiait les schémas de développement urbains.

La parodie de la quête de réussite personnelle

The Sims simule la quête du bonheur (pursuit of hapiness) promise aux Américains par la Déclaration d’Indépendance, en caricaturant l’idée que l’amélioration du confort de l’individu, grâce à l’achat de biens matériels, est la condition nécessaire de son bonheur. N’est-ce pas, en effet, la base de la pyramide des besoins de Maslow ? Sauf qu’à un moment donné, dans le jeu, « vous réalisez que tous ces objets finissent par bouffer tout votre temps, alors qu’ils vous promettaient d’en gagner7 » explique le créateur de The Sims.

Image du jeu The Sims 1 - © Maxis (Electronic Arts)
The Sims 1 – © Maxis (Electronic Arts)

Autrement dit, le but du jeu était pour Will Wright de faire prendre conscience au joueur que son travail de gestion de ses sims, visant à leur bonheur, tendait à réduire ces stratégies de développement personnel à des opérations de farming, c’est-à-dire à des actions répétitives dont le but est la satisfaction du désir du joueur par l’accumulation (d’objets, argent, badges, récompenses, etc.). Le joueur devait donc arriver à la conclusion que l’épanouissement personnel, du joueur au travers du sim, ne peut se fonder sur la possession matérielle et la consommation. Mais, bien sûr, il s’agissait aussi pour l’auteur de The Sims de produire un jeu divertissant et, si possible, un succès commercial. « On dit qu’ils vivent par procuration », déclare Will Wright à propos des joueurs au moment de la sortie de The Sims 2, avant d’ajouter : « Selon moi, cela équivaut à ce que beaucoup de parents font avec leurs enfants. » Le succès du jeu repose sans aucun doute sur cette attitude maternelle ou paternelle envers les sims par les joueuses et les joueurs. Mais c’est aussi un jeu qui, comme SimCity avant lui et Spore après, incite à tester ses limites, à mettre un « coup de pied dans la fourmilière » pour voir comment le jeu gère la situation, comme le souligne le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron.

« Ce qu’il est intéressant de constater dans ce monde lisse, ce sont les stratégies que peuvent imaginer les joueurs pour contourner les règles. Je pense notamment à mon fils et à ses copains qui s’amusaient à laisser un Sims enfermé entre quatre murs sans nourriture; juste pour voir ce qui allait se passer… […] Quand un jeu est axé sur le bon soin, la meilleur façon de le détourner est de l’axer sur le mauvais soin… »

Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste 8

Electronic Arts a très bien pris en compte cette utilisation du jeu, dans certaines de ses extensions en particulier, dont témoigne la vidéo ci-dessous.

La simulation de vie, promesse addictive de plaisir et de bonheur

La consommation virtuelle importante dans The Sims ― qui a généré par ses add-ons des revenus considérables, bien réels ― est aussi un moyen facile de prolonger la durée de vie du jeu par perfusion de besoins à satisfaire, ce que les éditeurs Maxis, puis Electronic Arts, ont bien compris : le joueur doit consommer des jeux The Sims pour permettre à ses sims d’acquérir les moyens et les possibilités (métiers, vacances, personnalités…) qui leur manquent et qui, sans doute, le font fantasmer. 38 add-ons existent à ce jour en plus des quatre jeux principaux (sans les séries dérivées), dont 7 ont été édités entre 2000 et 2003 pour le seul premier opus ! L’ironie de l’histoire, c’est que la modélisation critique d’une société de consommation s’est transformée en parangon de système économique capitaliste. Or, ce qui a permis la formation de cet empire, c’est l’exploitation des failles psychologiques des joueurs pour les rendre dépendants au jeu et consommateurs perpétuels. Les évolutions des aspirations des joueurs et leurs attentes font, en retour, évoluer le jeu depuis sa création (en témoigne son inclusivité plus grande, la possibilité du mariage homosexuel et de l’adoption d’enfants par des couples du même sexe, etc.). C’est, en résumé, une course en avant entre les joueurs et les producteurs du jeu.

Image du jeu The Sims 4 - © Electronic Arts
Il est possible de choisir l’orientation sexuelle de son sim (image de The Sims 4). – © Electronic Arts

Pour être en tête de la course et ne pas devenir has-been, The Sims doit cerner la psyché du joueur ciblé. Or, si le jeu est devenu un phénomène grâce à sa proposition divertissante de simuler et gérer la vie humaine, Will Wright n’a jamais eu la prétention de vendre autre chose qu’une simulation humoristique, visant le plaisir de jouer et, peut-être, la réflexion. Mais l’un des argument marketing essentiel de la franchise d’Electronic Arts, qui justifie d’éditer sans fin de nouveaux add-ons, c’est au contraire la promesse de coller au plus près de l’existence humaine, dans une version retenue (on fait toujours l’amour sous la couette), distanciée (l’humour demeure) et fantasmée (belles maisons, belles vacances, etc.). « Les gens sont fascinés par la vie humaine9 » déclare à ce titre la productrice exécutive de The Sims 4, Rachel Franklin, au moment de la sortie de cette édition. Mais même lorsque le jeu ressemble un peu à la vie (problèmes d’argent, de santé, de famille, etc.), la représentation demeure plus proche des sitcoms que du réalisme et la voie de l’épanouissement demeure la réussite sociale, professionnelle, financière et familiale.

Une simulation de psychologie positive

L’article de la rubrique Pixels du site du Monde paru en 2014 met l’accent sur le rôle des émotions plus important dans ce quatrième opus, avec une distinction entre plaisirs et émotions inspirée des théories de psychologie positive (qui découle en partie de Maslow).

« Si vous mettez votre Sim très en colère – peut-être suite à une bagarre – vous allez ensuite pouvoir le faire se rendre à la salle de musculation pour qu’il s’y donne à fond et fasse progresser ses compétences athlétiques plus rapidement, car il canalisera cette rage dans son exercice. En tant que joueur, vous avez la capacité d’exploiter non seulement l’identité de votre Sim mais aussi ses émotions afin d’accomplir différentes choses dans le jeu. »

Ryan Vaughan, producteur de The Sims 4 10

Image du jeu The Sims 4 - © Electronic Arts
The Sims 4 – © Electronic Arts

Il s’agit avec The Sims 4 de rendre les sims plus dynamiques et plus tournés à la fois vers l’intériorité et vers autrui, en mettant en avant l’idée majeure de la psychologie positive que les personnes qui éprouvent des émotions positives ont « des relations plus positives avec les autres. Ils se sentent plus efficaces dans ce qu’ils font. Ils sont plus à même de profiter des bonnes choses de la vie11 », selon la professeure de psychologie positive Barbara Fredrickson. Devenue une méga-franchise et machine à billets verts, The Sims ne renie pas pour autant son économie d’addiction croissante des joueuses et des joueurs, chez qui il faut cultiver la promesse qu’il est possible d’être dans le jeu qui on a envie d’être et, donc, de posséder ce qui est nécessaire pour y parvenir. Entre-temps, c’est le regard acéré et ironique de Will Wright qui s’est peut-être perdu en chemin au fil des millions d’exemplaires vendus et, avec lui, la critique (cynique) de la société de consommation. Sauf qu’il reste le désir des joueuses et des joueurs de pousser le système de jeu à bout, sinon le contrarier.

Il est intéressant de noter qu’à ce titre, la revendication de l’influence de la psychologie positive par The Sims 4 est significative : cette théorie et ses pratiques séduisent en effet les grandes structures du capitalisme (entreprises, fondations, écoles…) par leur promesse d’épanouissement sans toucher au système économique (alors que Will Wright voulait le questionner), leur quête d’efficacité où tout repose quasi exclusivement sur l’individu, avec des tonnes de formations et de livres de développement personnel à vendre… Sur ce point, nous vous invitons à regarder l’excellent documentaire d’Arte, qui évoque aussi les effets positifs de certaines des thérapies de psychologie positive.

Image du jeu The Sims 3 - © Maxis (Electronic Arts)
Comment pécho ? L’éternelle question, qui a beaucoup contribué au succès du jeu. (image de The Sims 3). – © Maxis (Electronic Arts)

Le jeu vidéo comme modèle… faux, mais utile

The Sims par Will Wright n’a jamais eu pour ambition de modéliser les échanges, comportements et aspirations humaines, mais, en tant que jeu, « vous propose un modèle pour explorer votre propre idée de la manière de fonctionner d’une famille (exactement comme lorsqu’on joue avec des poupées)12 » comme l’écrit John Seabrook. Autrement dit, pour reprendre une formule souvent entendue, si The Sims peut être dans ces conditions être considéré comme un modèle, c’est un modèle de l’existence humaine dans une société consumériste forcément faux, mais qui peut être utile. Pour les joueurs et les joueuses, en premier lieu. Utile, aussi, aux psychothérapeutes et à leurs patients, car il permet de modéliser des situations de vies vécues ou rêvées, des représentations de soi ou des autres, de l’existence, de la place dans la famille ou la société. C’est ce que fait Danaë Holler, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée dans la prise en charge de la douleur et des pathologies chroniques :

« Je demande à l’ado de se créer tel qu’il est (tel qu’il se voit) ainsi que les membres de sa famille qui habitent avec lui sous le même toit. C’est un outil systémique en complément d’un génogramme ou dessin de la famille par exemple. Il peut être aussi intéressant de demander à l’ado de créer son sim idéal ou sa famille parfaite pour pouvoir comparer avec l’actuelle et constater ce qu’il manque ou ce qu’il y a en trop. »

Danaë Holler, psychologue clinicienne et psychothérapeute 13

Il faut dire que The Sims se prête aux échanges entre joueurs, dont témoignent depuis 2000 de nombreux forums, puis posts de blogs, réseaux sociaux, vidéos Youtube ou parties sur Twitch. Nous vous invitons à regarder cette vidéo dans laquelle Danaë Holler explique comment elle utilise The Sims dans le cadre de certaines de ses thérapies, pour le miroir, la loupe, le tableau, la médiation que le jeu permet d’obtenir. Cela n’est finalement guère étonnant si on se souvient que les maisons de poupées dont s’est inspiré Will Wright servent depuis longtemps à des pédiatres, notamment, pour dialoguer avec des enfants à partir de situations.

Danaë Holler a tiré de son plaisir de jouer à The Sims un outil pour comprendre, soigner, alors que le jeu n’est pas une simulation de la vie, mais de ses représentations et modélisations. Mais la vie ne cesse de s’y infiltrer, comme en témoigne aussi la sociologue Pascaline Lorentz (qui a étudié comment les adolescents s’approprient le jeu, miroir pour grandir). Pour conclure cet article, qui mériterait un développement plus poussé, nous tenons à souligner l’importance des relations entre l’individu qui joue et ses sims, mais aussi avec les autres joueuses et joueurs, avec la communauté et les algorithmes du jeu. L’étude de ces relations est sûrement profitable pour comprendre notre société actuelle, en interaction quasi-constante avec des algorithmes, y compris pour les contacts entre humains. Une déclaration de Will Wright au moment de la sortie de The Sims 2 résonne comme une prophétie à l’heure où nous commençons à peine à prendre conscience des dangers des algorithmes de recommandation de contenus (que ne cesse d’exposer Lê Nguyên Hoang sur son excellente chaîne Science4All)…

« A l’avenir, je pense que nous chercherons à faire en sorte que l’ordinateur analyse de manière plus fine comment le joueur se comporte. A l’heure actuelle, il en est déjà capable. A partir de votre façon de jouer, il peut en déduire ce que vous aimez et ce que vous n’aimez pas afin de modifier le contexte du jeu. Mais je pense qu’on pourrait affiner cela. Un peu comme deux enfants qui joueraient. A la longue, ils vont finir par bien se connaître et à créer entre eux une interaction qui rendra leurs parties bien plus intéressantes. Je pense qu’on pourrait obtenir cela d’un ordinateur. »

Will Wright 14

Le jeu vidéo incite à prendre conscience des curseurs et des jauges qui servent à l’exercice du contrôle de nos esprits, mais aussi de nos corps.

Image du jeu The Sims 1 - © Maxis (Electronic Arts)
Le module de création de personnages de The Sims 1 – © Maxis (Electronic Arts)
Notes

1345712 – John Seabrook, « Game Master », The New Yorker, 6 novembre 2006 (en ligne). Notre traduction.

291011 – Jean-François Stich, « Entre jeu vidéo et psychologie positive, les « Sims » découvrent les émotions », site internet du Monde, 4 septembre 2014 (en ligne).

614 – Interview de Will Wright, Jeux Vidéos.com, 9 septembre 2004 (archive en ligne)

8 – Interview de Serge Tisseron, « Les Sims, c’est à la fois du jeu et du spectacle », Linternaute, mars 2004 (archive en ligne).

13 – Danaë Holler, « LES SIMS : une formidable médiation thérapeutique », Psycogitatio.fr, 19 septembre 2020 (en ligne).

Article écrit par

Jérémy Zucchi est auteur et réalisateur. Il publie des articles et essais (voir sur son site web), sur le cinéma et les arts visuels. Il s'intéresse aux représentations, ainsi qu'à la science-fiction, en particulier aux œuvres de Philip K. Dick et à leur influence au cinéma. Il a participé à des tables rondes à Rennes et Caen, à une journée d’étude sur le son à l’ENS Louis Lumière (Paris), à un séminaire Addiction et créativité à l’hôpital Tarnier (Paris) et fait des conférences (théâtre de Vénissieux). Il a contribué à Psychiatrie et Neurosciences (revue) et à Décentrement et images de la culture (dir. Sylvie Camet, L’Harmattan). Contact : jeremy.zucchi [@] culturellementvotre.fr

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