[Critique] L’Abbé Pierre : Un Biopic qui a la Foi ?

Caractéristiques

  • Titre : L'Abbé Pierre - Une Vie de Combat
  • Réalisateur(s) : Frédéric Tellier
  • Scénariste(s) : Frédéric Tellier et Olivier Gorce
  • Avec : Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz...
  • Distributeur : SND
  • Genre : Biopic, Drame
  • Pays : France
  • Durée : 138 minutes
  • Date de sortie : 8 novembre 2023
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 6/10

Un film qui se perd dans l’Histoire

Nouveau long-métrage co-écrit et réalisé par Frédéric Tellier (Goliath, Sauver ou Périr), L’Abbé Pierre – Une Vie de Combat raconte l’histoire d’Henri Grouès, né dans une famille bourgeoise, qui a été à la fois résistant, député, défenseur des sans-abris, révolutionnaire et iconoclaste. Des bancs de l’Assemblée Nationale aux bidonvilles de la banlieue parisienne, son engagement auprès des plus faibles lui a valu une renommée internationale. Pourtant, chaque jour, il a douté de son action. Une vie intime inconnue et à peine crédible. Révolté par la misère, les inégalités et les injustices, souvent critiqué, parfois trahi, Henri Grouès a eu mille vies et mille combats. Il a marqué l’Histoire sous le nom qu’il s’était choisi : l’abbé Pierre. Un bon biopic ?

Il y a vraiment de bonnes choses dans le scénario, mais celui-ci possède un défaut majeur : le film veut trop en raconter. L’Abbé Pierre – Une Vie de Combat se déroule de 1932 à 2007. Un trop longue période à couvrir en 2h15. C’est surtout la dernière grosse demi heure qui est un montage de la vie de l’homme d’église du milieu des années 50 à la fin de sa vie en 2007. Quasiment cinquante années de sa vie sont racontées en si peu de temps. Du coup, les ellipses temporelles sont légions dans cette dernière partie. Un choix assez peu judicieux de la part des deux scénaristes Frédéric Tellier et Olivier Gorce, qui veulent en mettre trop. Et c’est dommage car, s’ils s’étaient centrés juste sur une grosse période, cela aurait moins donné la sensation de voir un très long résumé visuel de la bio Wikipédia de la vie de l’Abbé Pierre. Ils le font, mais pendant 1h30 seulement, en se concentrant sur la période 1932-1956, avant d’embrayer sur les cinquante années suivantes en moins de 45 minutes.

Des parties intéressantes

image benjamin laverhne l 'abbé pierre
Copyright Jérôme Prébois

La période sur laquelle se concentre le plus le film est clairement celle qui est racontée de la manière la plus intéressante. On y découvre la vie d’Henri Grouès, qui n’est pas encore l’Abbé Pierre, dans un couvent où la faiblesse de son corps fait qu’il sera exclu de la congrégation. On s’intéresse ensuite à sa participation au maquis durant la Seconde Guerre Mondiale, le sauvetage de juifs en les faisant passer en Suisse, sa rencontre décisive avec Lucie Coutaz, un personnage trop méconnu qui fonda Emmaüs avec Henri Grouès, l’appel de l’hiver 1954 et la construction de la première cité d’urgence. Comme vous pouvez le voir, rien qu’ici, il y a énormément à raconter et le récit est déjà suffisamment dense et intéressant. On comprend d’où vient la vocation d’Henri et comment il a pu accomplir tout cela. Le long-métrage aurait pu très bien se terminer sur le discours que l’Abbé Pierre a tenu au moment où la première cité d’urgence est terminée. Cela aurait été une belle façon de montrer qu’il avait gagné un combat, mais que celui-ci continuait encore aujourd’hui.

Du coup, en raison des défauts scénaristiques, certains thèmes sont assez maltraités par l’avancée trop rapide de la narration. Evidemment, on ne doute pas une seconde des motivations d’Henri Grouès, qui sont bien mises en avant. Le personnage est bien exploré, ainsi que sa relation amicale avec Lucie Coutaz, qui est très clairement au cœur du long-métrage. Mais d’autres personnages secondaires sont assez mal explorés, comme celui de Georges, qui n’a vraiment que trois scènes et pour le reste, il reste un figurant de luxe.

Mais surtout, L’Abbé Pierre – Une Vie de Combat élude quasiment le côté religieux de la vie du personnage. Si on a les scènes dans le couvent au début du film, quelques répliques ou encore deux petites visions qu’on peut éventuellement prendre pour religieuses, cela ne montre pas vraiment la place de la religion dans la vie du prêtre. Comme nous le disions déjà plus haut, à force de vouloir trop en raconter, le film se perd, même si nous avons tout de même de l’empathie pour le combat que mène l’Abbé Pierre, qui est parfaitement retranscrit ici.

Une très bonne réalisation

image frederic tellier l abbé pierre
Copyright Jérôme Prébois

Et c’est assez dommage, car la réalisation est plutôt très bonne, que ce soit d’un point de vue technique, avec pas mal de variétés de plans et une bonne utilisation du drone pour quelques plans dans les Alpes. On sent clairement que le film a bénéficié d’un bon budget. Les scènes dans les Alpes sont magnifiques par leurs décors naturels, mais aussi les décors fabriqués (la première maison d’Emmaüs) ou encore la reconstitution des différentes décennies que l’on traverse avec le film.

De ce côté là, il faut aussi saluer le travail des costumes, coiffures et maquillages. Le maquillage pour faire vieillir Benjamin Lavernhe et Emmanuelle Bercot est bluffant. La direction photo est aussi bonne. On retiendra les scènes de nuit dans Paris à l’hiver 1954, qui sont visuellement magnifiques. La superbe musique composée par Bryce Dessner accompagne bien le film. Enfin, on notera une bonne utilisation des effets spéciaux, assez peu (principalement sur des plans larges où il y a de la foule), mais c’est quand même à noter.

Benjamin Laverhne marqué et marquant

image emmanuelle bercot l abbé pierre
Copyright Jérôme Prébois

Côté casting, il y a peu à dire car on se concentre principalement sur l’Abbé Pierre et Lucie Coutaz. Benjamin Lavernhe (Le Discours) est très bon dans le rôle de l’Abbé Pierre. D’ailleurs, la ressemblance physique est assez marquante grâce au maquillage et à la barbe, même si au début du long-métrage on a du mal avec la voix que prend l’acteur, mais cela s’améliore avec les scènes. Sûrement devait-il encore chercher le personnage à ce moment-là du tournage. Emmanuelle Bercot est touchante en Lucie Coutaz. Son interprétation est peut-être plus compliquée que celle de Laverhne vu que son personnage passe par énormément d’émotions différentes. En tout cas, l’alchimie entre les deux acteurs principaux est bonne et assez complémentaire. Enfin, Michel Vuillermoz (Bernadette) est relégué au rôle de figurant de luxe dans le rôle de Georges. Il n’a vraiment que trois scènes pour s’exprimer et il le fait bien – c’est déjà ça.

Si nous louons la prestation des acteurs et la technique du film, L’Abbé Pierre – Une Vie de Combat a tout de même un gros problème de scénario et de narration. A vouloir trop en raconter, le film perd certainement l’essentiel sur le personnage qu’était Henri Grouès. Un biopic en forme de long résumé Wikipédia… Dommage ! 

Article écrit par

Adore le cinéma en général, que ce soit les gros blockbusters ou les plus petits films, les séries TV et les jeux vidéo. Il réalise de nombreux tests de blu-ray et films en UHD 4K et couvre l'actualité cinématographique en salles.

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