Caractéristiques
- Titre : Sound of Freedom
- Réalisateur(s) : Alejandro Monteverde
- Scénariste(s) : Rod Barr, Alejandro Monteverde
- Avec : Jim Caviezel, Mira Sorvino, Bill Camp, Javier Godino, Manny Perez, Yessica Borroto Perryman...
- Distributeur : Saje Distribution
- Genre : Thriller, Biopic
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 2h11
- Date de sortie : 15 novembre 2023
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
- Note du second avis critique : 5/10 par 1 critique
Un sujet glaçant, un film clivant
Nous avons enfin vu Sound of Freedom, le fameux film qui a déclenché une polémique clivante sans précédent cette année aux États-Unis et, bien sûr par la suite, dans le reste du monde.
Au départ, Sound of Freedom est une production indépendante initiée par le cinéaste mexicain Alejandro Gomez Monteverde. Connu pour son travail de réalisateur, scénariste et producteur du drame romantique Bella sortie en 2006 (qui a remporté le prix du public au Festival international du Film de Toronto et le prix du public officiel du Festival International du Film Heartland), ses œuvres sont réputées pour accorder une grande importance thématique à la famille et à la foi, le réalisateur lui-même ayant également participé à de nombreux efforts philanthropiques, notamment en fondant une organisation à but non lucratif, « Espoir pour les enfants » (après traduction).
Commencé en 2016 et filmé en 2018, le film s’inspire de l’histoire vraie de Timothy « Tim » Ballard, un ancien agent du gouvernement qui, suite à une nouvelle affaire de rapt d’enfants, se lance dans une mission plus ou moins clandestine afin d’en libérer un maximum d’un réseau de pédophiles (ou pédocriminels pour être exacts) qui les vend et utilise comme esclaves sexuels.
Arrivant finalement dans nos salles cinq ans après la fin de son tournage, force est de reconnaître qu’il y a effectivement de nombreux points à éclaircir et à développer, cependant vu à quel point il a déchaîné les passions, il est très compliqué d’en faire une critique sans en mentionner tous les éléments afin que tout soit parfaitement clair. Le plus simple est encore de traiter indépendamment les trois raisons pour lesquelles le spectateur peut avoir envie d’aller se faire sa propre opinion du film, avec d’abord ses qualités intrinsèques proprement dites, puis les différences entre réalité et fiction par rapport à ce que nous savons de cette fameuse opération spéciale menée par Balard (qui est le sujet principal du film) et, enfin, la polémique concernant les accusations de complotisme, entre autres, par le biais de relations avec le groupe QAnon.
Tout d’abord, nous allons donc parler du film proprement dit. De ce point de vue là, nous constatons que, malgré un budget d’environ 15 millions de dollars, par conséquent plutôt limité puisque le métrage n’a pas obtenu le soutien de gros studios et a recouru au financement par le biais d’une campagne de crowdfunding, le film bénéficie tout de même d’une assez belle photographie, qui témoigne d’un travail extrêmement soigné en dépit de ces restrictions.
L’autre élément notable qu’à aucun moment le reste du film ne viendra démentir, c’est l’interprétation extrêmement habitée des acteurs et actrices, Jim Caviezel en tête bien sûr. Que ce soit ceux qui veulent lutter contre le trafic sexuel ou, au contraire, qui en profitent, le casting est très bien choisi (surtout quand on voit les personnages réels à la fin du film) et les interprétations sont plutôt solides. Tous les personnages ne bénéficient évidemment pas de la même profondeur psychologique mais, concernant les trafiquants ou les clients, il n’est pas nécessaire de développer leurs personnages pour les haïr et leur souhaiter le pire.
Les protagonistes principaux, en revanche, bénéficient tout de même d’une approche plus fouillée, même si cela reste conventionnel. La progression narrative va crescendo, depuis le pathétique pervers devant son écran d’ordinateur en passant par les kidnappeurs et affairistes (précisons, d’ailleurs, le générique de début absolument glaçant où des images d’archives en noir et blanc prises par des caméras de rue nous montrent des rapts d’enfants dont le critère principal est souvent la rapidité avec laquelle ça peut arriver à tout le monde) pour, à la fin, aboutir à des rebelles armés. Le tout pour nous montrer que les clients de ces réseaux abominables peuvent se retrouver dans n’importe quelle strate de la société.
Si la réalisation est soignée, le suspense efficace et les acteurs au cordeau, il est évident que ça ne sera pas le premier ni le dernier film à adopter cette efficacité. Néanmoins, on ne s’ennuie pas et, bien entendu, on se sent si concernés par le sujet qu’on se sent d’autant plus motivé à espérer une fin aussi heureuse que possible malgré la noirceur du récit.
Réalisme ou affabulation ?
Maintenant, abordons la deuxième question : le rapport, autant qu’on peut l’affirmer, entre le réel et ce qui aura été éventuellement romancé.
Tout d’abord, il faut garder à l’esprit que nous avons affaire à un biopic qui se reconnaît comme tel. Par conséquent, pour le bien de l’adaptation de l’histoire à l’écran, il est évident que certains passages seront romancés ou aménagés de manière à ce que ce soit plus clair pour le spectateur. En cela, il n’y a pas de différence réelle entre le traitement du biopic de la mission de l’agent fédéral Tim Ballard et celle de Bohemian Rhapsody ou Oppenheimer. Cependant, à la vision de Sound of Freedom et pour ce que nous savons de l’histoire via les images et rapports d’archives, l’ensemble colle plus à la réalité que bien d’autres métrages du même genre. Par conséquent, ce n’est pas sur ce point que nous allons vraiment pouvoir polémiquer sur le film.
Certes, certains éléments ont été modifiés, d’autres sont peut-être sujet à caution, mais ils sont en réalité réduits à peau de chagrin vu que les éléments les plus importants ont déjà été confirmés puis avérés. En outre, les réseaux pédophiles et les enfants victimes de ces mêmes réseaux sont une réalité. Les chiffres énoncés à la fin du film (confirmés par l’organisation mondiale du travail et relayés entre autre par le magazine Forbes annonçant des bénéfices de 150 milliards par an pour 25 millions d’esclaves, dont beaucoup d’enfants) sont assez éloquents, tout comme les nombreuses opérations des forces de l’ordre officielles ou officieuses qui tentent d’arrêter ces trafics sont également une réalité qui n’a jamais été contestée quand les sujets concernaient la drogue ou la vente d’armes.
De plus, le métrage joue la carte du réalisme jusqu’au-boutiste, au point que les amateurs de films d’action pourraient être déçus car, si Tim Ballard demeure un agent entraîné, il n’est pas pour autant John Rambo et ne débarque pas avec son arc et ses flèches en se demandant en combien de temps il va réussir à encercler à lui tout seul le camp ennemi – cette remarque ironique n’est cependant pas destinée à médire sur la saga Rambo, que l’auteur de ces lignes apprécie beaucoup. Non, nous restons dans le réel et également dans le pudique lorsque certaines scènes nous évitent les images choquantes pour préférer la suggestion, presque aussi abominable et malaisante, mais qui a au moins le mérite de nous épargner du sensationnalisme écœurant qui n’aurait pas été nécessaire de toute façon.
Pour conclure, Sound of Freedom est-il un film 100 % véridique? Peut-être pas et, en particulier, dans sa dernière partie, dépourvue d’images d’archives, et donc plus difficile à authentifier. Mais colle-t-il suffisamment à la réalité pour être crédible et justifier son propos ? Oui, et cela même en comparaison avec d’autres biopics moins clivants mais beaucoup plus romancés que celui-ci.
Vol au-dessus d’un nid de complots
Et enfin, la partie qui fâche : la polémique proprement dite. Comme il s’agit là d’une critique cinéma, il n’est pas dans notre intention de débattre en profondeur de tout ce qui a été dit et sera encore dit probablement sur ce métrage. Notre but, en l’occurrence, est plutôt de contextualiser où nous en sommes dans la polémique pour que chaque personne qui veuille aller voir le film puisse savoir sur quel aspect il y a eu des reproches qui lui ont été formulés, qu’ils soient justifiés ou non.
À dire vrai, quand on regarde le film, ce qui peut s’avérer choquant, c’est qu’il n’y a pas particulièrement de raison de polémiquer : le sujet du film, comme nous l’avons déjà dit, est traité avec une certaine pudeur, et jamais à aucun moment des responsables connus ou des institutions sensibles ne sont nommés comme des clients ou responsables directs des trafics d’enfants.
Les deux seuls moments où nous pouvons éventuellement faire un rapport avec la polémique occidentale, c’est lors du coup de filet majeur du film, où les protagonistes parviennent à piéger des trafiquants sur une île isolée, qui était censée devenir une espèce de lupanar pour adeptes de la pédophilie. Naturellement, impossible de ne pas penser à la célèbre île d’Epstein qui a fait récemment elle-même polémique (dont nous attendons d’ailleurs toujours au passage que les instances dirigeantes communiquent l’ensemble des noms des « invités » de l’île). L’autre élément à noter c’est que, lorsque dans une autre scène on énumère où se trouvent les clients des traites d’enfants, parmi les exemples cités, nous avons la ville de Los Angeles (et qui, comme tant d’autres endroits dans le monde, n’est pas à l’abri de compter des pervers capables de participer à ce genre de trafic) et c’est tout en nominatif direct, pas de quoi fouetter un chat donc.
Hormis cela, diverses polémiques ont surgi, par exemple des recettes soi-disant à relativiser car le film essayant un nouveau système de « Pay it Forward », autrement dit acheter des billets en avance afin de les proposer gratuitement à d’autres spectateurs aux revenus plus modestes, aurait soi-disant compté officiellement des salles pleines qui étaient finalement vides, les personnes n’étant pas venues à la séance. Néanmoins, rien n’a pu être démontré en ce sens. Autre polémique, bien sûr plus connue : celle du complotisme. Comme nous l’avons dit, si aucune théorie du complot n’est réellement mise en évidence dans le film, il est en revanche relayé par les sympathisants de mouvances telles que « Qanon », qui véhicule l’idée qu’une élite aux idéologies satanistes se trouverait à la tête du trafic d’enfants et de réseaux de pédocriminalité. Un courant et des accusations auxquelles participent l’acteur principal du film, Jim Caviezel, mentionnant l’existence d’une drogue, « l’Adrenochrome« , qui serait générée par la peur des enfants en danger de mort et qui aurait la propriété d’avoir des effets antivieillissement chez les adultes.
Cependant, il y a tout de même un recul objectif à prendre entre une polémique en dehors du film, qui concerne seulement une partie de ses intervenants, et son influence sur le film lui-même, qui est ici réduite à zéro. On pourrait également mentionner les attaques contre la crédibilité et la sincérité de Tim Ballard (ainsi que de son association « Operation Underground Railroad »), le côté trop consensuel du métrage ou l’interprétation de Jim Caviezel, que certains journalistes considèrent comme trop neutre ou au contraire trop larmoyante (faux et ridicule dans les deux cas) mais, en l’état, on a surtout l’impression que la violence avec laquelle bon nombre de critiques ont rapidement qualifié Sound of Freedom de navet complotiste ressemble davantage à une tentative de crucifixion incompréhensible si on ne s’en tient qu’au film.
Sans doute faut il plutôt chercher du côté du rejet de l’idéologie conservatrice véhiculé par sa star principale, mais aussi par son diffuseur Angel Studios (déjà à l’initiative de la série The Chosen sur Jésus de Nazareth), son producteur exécutif Mel Gibson (devenu une véritable bête noire des démocrates américains), ainsi que son producteur, Eduardo Verástegui, proche de Trump, sans parler bien sûr de la récupération politique proprement dite par Donald Trump lui-même, qui apparaît naturellement dans toute cette affaire comme la cerise sur le gâteau pour tenter de faire du métrage une œuvre maudite.
Ceci n’est néanmoins, comme nous l’avons dit, pas le but ici de démontrer qui a raison ou qui a tort, mais nous voudrions pour conclure signaler tout de même que peu de films jusqu’ici ont eu le courage de traiter un sujet aussi sensible alors qu’il faudrait au contraire en parler davantage pour sensibiliser les gens à ce fléau. La violence et le rejet brutal de beaucoup de journalistes et politiques pour un métrage qui ne le mérite en rien ne peut qu’attiser la suspicion et continuer à alimenter ce qu’ils qualifient de complotisme. Le serpent qui se mord la queue en somme…
Pour finir cette longue critique, nous dirons que Sound of Freedom est un bon film, doté d’un solide suspense qui tient en haleine jusqu’au bout. Le scénario colle en grande partie au récit de Tim Ballard, dont l’exactitude a été pour l’essentiel confirmée. Pour le reste, c’est surtout dans un souci d’efficacité que des aménagements avec la réalité ont été pris. Pour ce qui est de la polémique, elle est injustifiée du point de vue du métrage et relève plutôt de la bataille politique qu’autre chose, mais contribuera certainement dans l’avenir à alimenter, de par son amateurisme, les soupçons sur Hollywood et consorts en arguant que seuls des coupables peuvent attaquer avec une telle agressivité.
De notre côté, nous ne pouvons que vous conseiller d’aller voir le film, si celui-ci vous tente, pour vous faire votre propre idée de la polémique, tandis que nous estimerons seulement ses qualités intrinsèques pour établir la note.
La critique de Cécile Desbrun : Entre série B inoffensive et glorification d’un héros controversé de l’ère Trump (2,5/5)
Si l’on se contente de regarder Sound of Freedom comme une pure fiction, le film apparaît assez efficace et plutôt bien interprété. Il manque cependant clairement de subtilité par moments, appuyant parfois de manière inutile le pathos alors que, sur un tel sujet, il n’est clairement pas nécessaire d’en rajouter pour susciter l’empathie des spectateurs et leur faire comprendre la gravité de la situation. Le faux casting d’enfants du début, auxquels on impose de prendre des poses d’adultes, suffit amplement à susciter le malaise et une forme de choc sur l’atrocité du trafic sexuel, de même que ce qui est suggéré, sans voyeurisme, plus loin dans le film.
Du coup, le regard humide de Caviezel filmé en gros plans sur une musique emphatique à souhait nous sort par moments de l’action et peut agacer, de même que les chœurs d’enfants angéliques, utilisés à plusieurs reprises d’un bout à l’autre, notamment lors de séquences mettant en scène des trafiquants pour nous faire comprendre qu’ils ne l’emporteront pas au paradis.
De même, les dialogues ne font pas toujours dans la dentelle, même si les effets sont plutôt dosés, sans quoi le film aurait pu verser dans le ridicule. Pour faire ressortir le côté chrétien de son héros et de sa mission, on a ainsi droit à des répliques telles que “je fais ça car les enfants de Dieu ne sont pas à vendre” ou encore (à propos des rires d’enfants libérés) “tu entends ça ? C’est le son de la liberté”. Les rayons du soleil couchant éclairant la maison du frère et de la sœur enlevés au début du film fait également partie des quelques images (assez rares dans l’ensemble) faisant ressortir la dimension chrétienne du récit, qui est ici bien plus discrète que pour d’autres films distribués par le distributeur français Saje Distribution, spécialisé dans les œuvres audiovisuelles chrétiennes.
En ce qui concerne la thématique du trafic sexuel d’enfants, Il faut également insister sur le fait que, si on aperçoit en effet différentes dimensions du sujet, l’intrigue, menée de manière assez simple, reste focalisée sur le personnage de Tim Ballard et son infiltration parmi les trafiquants afin de sauver Miguel et sa sœur Rocio, qui débouchera sur le sauvetage d’un nombre bien plus important d’enfants. Ainsi, hormis les chiffres cités via les cartons avant le générique de fin, le sujet n’est pas traité de manière fouillée ou documentée comme c’était le cas du Traffic de Steven Soderbergh sur le trafic de drogue, par exemple. D’ailleurs, il est utile de rappeler que la situation montrée au sein du film (des enfants enlevés brutalement à leur famille aimante), si elle existe, est loin d’être majoritaire et laisse de côté une autre réalité sordide, qui est que les enfants sont souvent vendus ou exploités par leur famille ou une personne de leur entourage (à ce sujet, lire les articles de Slate et d’une spécialiste du sujet sur Rolling Stone Magazine). Ici, on reste donc sur un thriller d’action et d’infiltration assez conventionnel, dont la tonalité s’apparente souvent à une série B sur un sujet sensible.
Simple biopic ou vision christique d’une figure contestée ?
Si Sound of Freedom se présente explicitement comme un biopic, images d’archives et photos à l’appui, le fait qu’il héroïse clairement une personnalité vivante et encore bien active est assez difficile à passer sous silence, de sorte que l’aspect romancé a ainsi plus de poids que, disons, le point de vue sur les années de défonce de Freddie Mercury dans Bohemian Rhapsody ou encore la réalité de l’aveuglement d’Oppenheimer et de la manipulation dont il aurait été victime dans le film de Nolan.
Oui, Tim Ballard a sauvé de nombreuses personnes lors de la mission qui a inspiré la version romancée du film (qui fut commencée lorsqu’il était au sein du HSI des services de renseignement américains, même si son appartenance à ce service n’a jamais été officiellement confirmée), et c’est tout à son honneur. Mais il semble y avoir une certaine différence entre le héros du film, père de famille mormon impliqué corps et âme, sans peur ni reproche et toujours le cœur au bord des lèvres, et le vrai Tim Ballard, bien plus complexe, entre volonté affichée de faire cesser l’exploitation sexuelle des enfants, mais médiatisation à outrance de certaines interventions et des méthodes assez controversées, critiquées par maints spécialistes sur le suivi très relatif des enfants sauvés par la suite. Des réserves que lui et son organisation ont tempérées ou réfutées. Il y a aussi des doutes sur les accomplissements réels de son organisation, difficiles à vérifier entre démentis de certains organismes qui disent ne pas avoir de liens (ou peu) avec celle-ci, storytelling manifeste et éléments pouvant relever du secret défense.
En ce qui concerne la véracité des faits rapportés, les chiffres énoncés lors du générique de fin sont en effet bel et bien authentiques. On remarquera cependant que la dernière info donnée (l’esclavage humain moderne serait supérieur en nombre à celui du temps où l’esclavage était légal) est absolument invérifiable et peut-être pas aussi anodine que ça… L’organisation de Tim Ballard, OUR (qu’il a depuis quittée face aux accusations de harcèlement sexuel le visant depuis fin septembre), aimant à se surnommer The Abolitionists.
Cette info peut ainsi, éventuellement, présenter un argument rassurant pour les spectateurs de la frange conservatrice, puisqu’il permet de moins appuyer sur le passé esclavagiste des États-Unis tout en leur permettant de se réapproprier le combat contre l’esclavage sexuel, ici incarné par une figure chrétienne conservatrice et charismatique, bon père de famille, ancien des services de renseignement, dont l’organisation a été médiatisée pour ses opérations musclées, héroïsées… sachant que Tim Ballard, dans ses apparitions publiques, défend clairement cette frange conservatrice, lui qui a souvent soutenu la politique de Donald Trump, comme le fait d’ériger un mur entre les Etats-Unis et le Mexique car, selon lui, cela permettrait de lutter plus efficacement contre l’arrivée d’esclaves sexuels sur le sol américain (ce qui n’a été démontré par aucune étude sérieuse).
Par rapport à la mission de Ballard en elle-même, Angel Studios a explicité les différences entre le film et la réalité et indiqué les sources d’inspiration réelles des personnages secondaires. Mais, comme nous le disions, dans le détail, certains éléments sont difficilement vérifiables par le mode opératoire de OUR et des éléments couvrant le secret défense, ce qui les rend sujets à caution.
De plus, aucun carton explicatif sur la différence entre la fiction qui nous a été présentée et les faits tels qu’ils se sont déroulés n’apparaît en fin de film, alors même que l’on a droit à des superpositions d’images du visage des acteurs aux personnes réelles qui les ont inspirés, ainsi qu’à un montage de quelques secondes présentant des images filmées lors de l’arrestation réelle des trafiquants – montage qui, par sa proximité avec les images du film, entretient une véritable ambivalence et pourrait laisser à penser à la majeure partie des spectateurs que ce qu’ils viennent de voir colle bel et bien à la réalité…
Alors qu’en vérité, l’arrestation des trafiquants et la libération des enfants n’eurent pas lieu dans la jungle comme on le voit ni grâce aux mêmes méthodes. Tim Ballard, de son côté, prétend que ces explications étaient initialement prévues et ont été coupées pour ne pas allonger inutilement le générique et qu’un documentaire détaillé sur les faits réels était en cours de préparation.
Tim Ballard et Jim Caviezel : les bouffons de la haine ?
Enfin, au-delà du débat entre fiction et faits réels, il reste LA dimension que l’on peut clairement considérer comme étant la plus problématique de Sound of Freedom, et qui lui a valu de très gros reproches (et une flopée de critiques désastreuses) de la part de la presse anglo-saxonne, mais également française : le complotisme et le soutien de la frange conservatrice à tendance trumpienne. Alors, qu’en est-il et le film à proprement parler est-il à blâmer ?
Difficile de parler de cette polémique sans en revenir à Tim Ballard. Au-delà des très récentes accusations d’harcèlement sexuel dont il a fait l’objet et à propos desquelles la lumière n’a pas encore été faite (il aurait abusé de collaboratrices lors d’infiltrations au cours desquels ils se faisaient passer pour un couple), Ballard a aussi donné, pour la promo du film, des interviews avec Jim Caviezel sur des sujets politiques, et appuyé certains points de vue plus que discutables, comme ici un amalgame assumé entre un parti pédophile hollandais, le PNVD, avec la gauche américaine et le wokisme en général qui, selon lui, auraient des discours proches ou, tout au moins, produiraient des effets similaires sur l’exploitation sexuelle des enfants !!
Au cours de la même interview, il affirmait que, s’il est pour le fait que des personnes transgenres adultes puissent effectuer une transition, le fait que des ados “acceptent” de suivre un traitement hormonal (sous la pression d’adultes ou de la société selon lui, l’Etat américain “vendu” à la gauche s’immisçant de trop dans les affaires familiales à son goût), les préparaient à être abusés sexuellement par la suite. Une glissade vaseuse qui était sans doute censée répondre au fait que, aux Etats-Unis, de nombreux ados transgenres, mis à la porte par leurs parents à cause de cela, se retrouvent les proies de pervers sexuels qui vont les prostituer.
Des spectateurs accordant du crédit à Tim Ballard pourraient ainsi, éventuellement, en accorder à ses idées politiques.
Même si le film à proprement parler n’est pas à blâmer, il est assez difficile d’ignorer la stratégie marketing, éminemment politique, qui a été employée afin de créer le bouche à oreille.
La promotion a ainsi clairement surfé sur la frange conservatrice aux États-Unis (une stratégie répétée en France avec l’appui de Karl Zero et la distribution par Saje Distribution, dont le catalogue de films chrétiens est assez majoritairement conservateur) et la mouvance Qanon via Jim Caviezel, qui, entre rassemblements complotistes publics et prises de positions médiatiques, n’y est pas allé de main morte depuis 2020.
Tim Ballard et OUR, s’ils ne sont pas officiellement affiliés à cette mouvance, se sont bien gardés de la rejeter afin de ne pas s’aliéner leurs sympathisants. Ballard a même dit que ces théories du complot avaient permis à des gens « d’ouvrir les yeux » sur ce sujet et que, maintenant, il voulait leur fournir de vrais faits. Si le réalisateur s’est quant à lui désolidarisé de ces prises de position, le message face caméra de Caviezel appelant à faire des enfants esclaves des figures “plus fortes que les présidents et parlementaires” lors du générique de fin a été conservé aux États-Unis et dans certaines salles en France. La dimension “d’œuvre maudite” est donc à relativiser.
Si l’on considère le film comme une simple fiction indépendamment de la dimension biopic ou polémique, Sound of Freedom se révèle être une série B plutôt inoffensive et assez bien fichue, ni œuvre complotiste sur des élites vampires, ni thriller engagé révélant au grand jour une « vérité qui dérange » et que les puissants de ce monde essaieraient de nous dissimuler. Mais, comme nous l’avons vu, si l’on considère également la dimension politique entourant la promotion de l’œuvre et la figure de Tim Ballard, ces éléments rendent Sound of Freedom assez difficile à juger.
Bien qu’une partie de la critique française ait manqué de subtilité voire d’honnêteté en qualifiant le film lui-même de complotiste, provoquant la foudre du dirigeant de Saje Distribution (qui a distribué les récents Vaincre ou mourir, Unplanned ou Reste un peu) Hubert de Torcy, qui a dû revoir ses ambitions d’exploitation à la baisse (renforçant ainsi les accusations de censure de la part de l’extrême droite), il est assez compliqué de ne pas évoquer les polémiques entourant la sortie de l’œuvre ou bien d’en dédouaner une partie de son équipe. Pour la note, nous nous en tiendrons donc, là aussi, aux qualités intrinsèques du métrage et vous laisserons, maintenant les faits présentés, le soin de vous faire votre propre opinion quant au reste.