Caractéristiques
- Titre : Bâtiment 5
- Réalisateur(s) : Ladj Ly
- Scénariste(s) : Ladj Ly et Giordano Gederlini
- Avec : Anta Diaw, Alexis Manenti, Aristote Luyindula, Steve Tientcheu, Aurélia Petit et Jeanne Balibar
- Distributeur : Le Pacte
- Genre : Drame
- Pays : France
- Durée : 100 minutes
- Date de sortie : 6 décembre 2023
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- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Un film engagé…
Diffusé en avant-première lors de la cérémonie de clôture du festival de Montreuil – dont le Prix du Jury a été décerné à Notre corps de Claire Simon – Bâtiment 5, le nouveau film de Ladj Ly, arrive sur nos écrans en ce mois de décembre. Le réalisateur a-t-il transformé l’essai, quatre ans après Les Misérables, récompensé en 2019 par quatre Césars et une nomination aux Oscars ? Dans le long-métrage, on suit Haby (Anta Diaw), jeune militante pour le droit au logement dans un quartier populaire de banlieue. Lorsqu’elle découvre que le nouveau plan de réaménagement de sa ville prévoit de démolir l’immeuble où elle a grandi, un véritable bras de fer s’engage avec la municipalité, ainsi qu’avec son principal représentant : Pierre Forges (Alexis Manenti)…
Avec Bâtiment 5, Ladj Ly reste fidèle à un cinéma engagé et politique. Inspiré de faits réels, le film a pour vocation de parler des problèmes liés à l’habitat insalubre dans le contexte bien précis des copropriétés dégradées. Dans un monde où « personne n’a de vraies ambitions pour faire bouger les lignes », comme le souligne le réalisateur, la tension sociale, le racisme et l’insécurité sont la toile de fond du long-métrage. La mise en scène souligne avec force le bruit, la promiscuité et l’insalubrité qui font le quotidien des habitants de ces grands ensembles.
Venant du documentaire, Ladj Ly sait filmer la banlieue avec un réalisme stupéfiant. Certes, la ville donnant son cadre à l’action est fictive, afin de donner une portée plus universelle au long-métrage, mais les quartiers populaires représentés à l’écran sont criants de vérité. Avec Bâtiment 5, le réalisateur élève son niveau de mise en scène – et son budget – et utilise grues, drones et zoom pour faire vivre à son spectateur l’expérience la plus immersive possible au cœur de ces hautes tours délabrées.
…mais un propos trop caricatural
Malheureusement, passé ce premier constat plutôt positif sur le film, force est de constater que Bâtiment 5 manque souvent de nuances et de finesse. L’écriture se perd régulièrement dans un propos caricatural et l’opposition entre le monde des nantis et celui des moins bien nés est représentée de manière très manichéenne. Le ton monte vite entre les habitants et les CRS, et l’on ne peut s’empêcher de penser que Ladj Ly amène les affrontements et la violence de manière trop artificielle et programmatique.
En choisissant d’opposer la force à la raison à travers deux de ses personnages principaux, le réalisateur s’empêtre dans une vision un peu naïve et exagérée et néglige la complexité de son sujet. Comme le dit très justement Haby dans le film : « On ne peut pas être que en colère ». Et pourtant, Ladj Ly force fréquemment le trait et assène ses messages sans la moindre subtilité.
La forme du film choral permet de suivre le quotidien de plusieurs protagonistes – un maire arriviste, une jeune femme idéaliste et son meilleur ami animé par la colère – mais amène également une forme de dispersion. La plupart des personnages souffrent d’un manque de caractérisation, à l’image de l’acolyte d’Haby. Le jeune Blaz (Aristote Luyindula) se construit exclusivement comme l’opposé hargneux de son amie, perdant ainsi toute volonté propre et toute crédibilité.
Une réalisation inégale
Dès son plan d’ouverture au drone qui ancre immédiatement la scène au cœur des grands ensembles, Bâtiment 5 se démarque par une réalisation travaillée. La photographie de Julien Poupard est soignée, avec quelques plans assez marquants, et Ladj Ly ne reste pas prisonnier de la caméra à l’épaule, mais filme avec ambition les espaces qu’il cherche à mettre en lumière.
Certaines scènes sont très dynamiques, avec une musique tantôt planante, tantôt anxiogène, et un climax s’installe au fur et à mesure du film. Cependant, quelques longueurs se font également ressentir, notamment lors d’un interminable plan séquence dans la cage d’escalier d’un immeuble. La gestion du rythme est donc plutôt inégale, à l’image du scénario de Ladj Ly et de Giordano Gederlini, qui peine à faire la part belle à tous les personnages qu’il réunit.
Si le casting – assez similaire à celui des Misérables – est plutôt investi, avec un jeu très crédible de Anta Diaw et Alexis Manenti, certains acteurs sont sous-exploités, tels que Aurélia Petit ou Steve Tientcheu. Enfin, alors que le budget de Bâtiment 5 est largement supérieur à celui des Misérables, le second film de Ladj Ly s’avère paradoxalement beaucoup moins spectaculaire et percutant. Si le montage de Flora Volpelière ne manque pas d’efficacité, on ne retrouve pas le souffle, l’intensité et la nervosité du précédent long-métrage.
Avec Bâtiment 5, Ladj Ly signe le deuxième volet d’un triptyque démarré en 2020 avec Les Misérables. S’il est indéniable que le réalisateur n’a rien perdu de sa verve politique et dénonce un sujet criant de vérité, le film se perd dans un propos trop caricatural et une opposition naïve de la force contre la raison. Espérons que le prochain long-métrage du réalisateur – censé se situer bien avant les événements des deux précédents films – retrouvera la subtilité qui lui fait ici défaut.