Caractéristiques
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Test effectué sur :
- PlayStation 5
- Titre : Final Fantasy VII: Rebirth
- Développeur : Square Enix Business Unit I
- Scénariste(s) : Motomu Toriyama
- Editeur : Square Enix
- Date de sortie : 29 février 2024
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- Note : 10/10 par 1 critique
Final Fantasy VII: Rebirth débute et s’achève par deux évènements majeurs du jeu original : le vertige ressenti à la découverte de la carte du monde lorsque l’on quitte Midgard et la scène du temple des Anciens, qui a marqué tant de joueurs. Entre ces deux événements, un road trip entre amis, un long voyage tantôt drôle tantôt tragique, souvent introspectif. La question se posait donc : comment raconter une histoire dont l’issue est connue, comment surprendre alors que chaque scène nous crie le destin d’Aerith ? On va décortiquer tout ça ensemble…
FF VII bis repetita
Après la trentaine d’heures claustrophobiques de Final Fantasy VII: Remake, Rebirth ouvre enfin le jeu, conformément à la promesse originale, et nous propose un monde ouvert « à la Ubisoft » de facture classique : tours à activer, quêtes « Fedex » (dont la plupart sont bien écrites et agréables à suivre – mention spéciale à Cabillaud), objets à collectionner, etc.
Certes, Zelda: Breath of the Wild ou Elden Ring sont passés par là depuis, et, à côté, le monde de Rebirth paraît bien rigide – la faute à une jouabilité pas vraiment pensée pour l’exploration. Toutefois, avouons-le, le jeu se parcourt avec plaisir, chaque nouvelle région étant suffisamment différente de la précédente pour ne pas s’ennuyer.
Cela est en partie dû à une patte artistique qui constitue l’une des grandes réussites du jeu. Les quelques textures un peu hasardeuses s’oublient vite face aux panoramas impressionnants des régions visitées. Les PNJ peuvent avoir un aspect légèrement « Playmobil », mais les visages des personnages principaux sont impressionnants du fait des émotions qu’ils dégagent. La musique réorchestre et sublime les excellents thèmes qui nous hantent depuis plus de 25 ans.
Côté combats, le très bon système de Remake est encore amélioré : toujours un astucieux mélange d’action dynamique et de barre ATB, auxquels s’ajoutent les compétences synchronisées et les gardes parfaites. Manette en main, c’est maniable et diablement efficace, encore plus lors des combats de boss, pendant lesquels il faut jouer avec les jauges de choc ou les fragilités : ce sont presque des petits puzzles nous obligeant à utiliser pleinement les capacités de chaque personnage.
Les mini-jeux ne sont pas oubliés, bien au contraire. Loin de se limiter à l’impressionnant Gold Saucer, nous en rencontrons tout au long de l’aventure. Rocket League-like, shoot’em up, jeu de tir, de combat… La qualité est inégale, mais chacun y trouvera son compte. Mention spéciale pour le Queen’s Blood, ce jeu de cartes très malin, entre combats de points et de territoire, qui bénéficie en plus d’une intrigue imbriquée dans l’histoire principale. Un petit jeu dans le jeu, qui amusera les passionnés de construction de deck.
Enfin, n’oublions pas les materias, les invocations (à débloquer dans chaque zone via les quêtes d’exploration), les chocobos, le lot habituel d’armes et armures à récupérer ou acheter : pas de doute, c’est du FF de haute volée, entre tradition et modernité selon la formule consacrée.
On the chocobo again
Si Remake était une fuite en avant, Rebirth est, quant à lui, un voyage. Le voyage dans les scènes culte du FF VII original d’un groupe dont l’amitié se renforce tout au long de l’aventure.
Plus qu’un trajet dont le joueur connaît déjà la destination, il s’agit de l’évocation de nos souvenirs. C’est comme retourner dans la ville de notre enfance après des années : on reconnaît tout, alors qu’en même temps, tout a changé. Ainsi, un village composé d’une poignée d’écrans à l’origine devient-il une ville sur plusieurs niveaux, telle que notre imagination adolescente le fantasmait.
Le jeu en a conscience. Il joue sans cesse avec notre mémoire, nous interpelant au détour de phrases lancées par des personnages ou de clins d’œil appuyés. Bien que pas toujours discret, cela reste flatteur pour notre ego de vieux joueur.
Attentifs à chaque détail, on puise dans nos souvenirs. On ne se demande pas quel sera le prochain retournement de situation, mais plutôt comment la mise en scène va nous surprendre, et surtout qu’est-ce qui va changer. Cela crée le sentiment étrange d’être acteur et non de subir l’histoire alors que cette dernière semble se diriger inexorablement vers un dénouement tragique. Les dernières heures sont à ce titre assez intenses, mais pouvait-il en être autrement ?
On se rend compte alors du tour de force de Rebirth : nous faire revivre la même histoire, en nous montrant que le monde a changé. Pas tant le monde du jeu, mais bien le monde du joueur, qui n’a plus l’âge ni la candeur vidéoludique d’il y a 25 ans. A l’époque, pendant les phases de leveling entre les villes, c’était notre monde intérieur qui prenait le relais, comblant ces parties monotones avec le pouvoir de notre imagination. Aujourd’hui, ce monde est là, devant nos yeux d’adulte. On prend conscience que ladite imagination s’est émoussée avec les années et les aléas de la vie, que les productions modernes laissent peut-être moins de place à notre fantaisie personnelle. Mais que le plaisir ludique, lui, est toujours intact.
Final Fantasy VII: Remake nous l’indiquait, il faut suivre le chien. C’est là l’une des clefs de ce Rebirth, qui se plaît à distiller le doute sur la fameuse destination de ce voyage. Nos questions ne trouveront pourtant pas de réponse avant la 3ème et dernière partie de cette ambitieuse série, dans quelques années.
En attendant, Square Enix propose un jeu dense, au gameplay efficace, à la réalisation impressionnante et à la durée de vie conséquente (mais à la carte : rien n’empêche de rusher l’histoire principale en esquivant les quêtes annexes et la plupart des mini jeux). L’histoire reste intemporelle, un vrai roller coaster d’émotions dont seuls les anciens FF avaient le secret. Surtout, Rebirth joue avec nos souvenirs d’enfance. Un jeu d’adolescent destiné aux quarantenaires, oscillant entre nostalgie et découverte. C’est en ce sens une réussite totale, un très bon Final Fantasy, associé à une belle madeleine de Proust. Revisitée, la madeleine.