[Interview] Romain Dasnoy à propos de Final Fantasy VII et de son remake

« Je suis heureux de voir qu’un tel jeu puisse se voir métamorphosé pour épouser une forme plus actuelle »

image interview romain dasnoy

Alors que la sortie de Final Fantasy VII Remake approche à grands pas (vous avez sûrement coché la date de sortie : le 10 avril 2020, en exclusivité temporaire sur PlayStation 4), nous avons eu l’occasion de poser quelques question à Romain Dasnoy, auteur notamment de L’Histoire de Final Fantasy VI aux éditions Pix ‘N’ Love. Aussi co-fondateur d’Overlook Events, qui organise le concert Final Fantasy VII Remake (le 13 décembre 2020), ce grand passionné se souvient, et nous informe.

Vous souvenez-vous de vos impressions au moment de découvrir Final Fantasy VII ?

Comme si c’était hier ! Sans internet, j’avais relu 100 fois le « test » du jeu dans le magazine Player One et je fantasmais sur les captures d’écran. Il faut savoir qu’en 1997, en Europe, nous n’avions pas eu encore officiellement de Final Fantasy, mais j’avais eu la chance de découvrir furtivement la saga chez un ami sur sa Super Nintendo américaine avec le sixième épisode. Quoi qu’il en soit, tout cela représentait une sorte d’obsession pour les joueurs de l’époque : on voyait bien qu’au Japon, des titres comme Dragon Quest et Final Fantasy semblaient extraordinaires, occasionnaient des ventes mirobolantes, et comme tout ce qui venait du Japon nous passionnait, que nous n’avions ni le son ni l’image pour juger ces titres, ils sont devenus des objets de fascination, mais nos points d’accroche ne tenaient qu’à quelques pages de magazine. Et nous n’avons pas été déçu : Final Fantasy VII avait un storytelling, une musique, une mise en scène et des protagonistes sidérants de profondeur. On était soufflés, car beaucoup de savaient pas encore que le jeu vidéo pouvait être aussi construit et qualitatif dans des domaines aussi artistiques, et non seulement ludiques.

Pensez-vous que le jeu a eu un impact sur les joueurs « grand public », et sa manière de percevoir le jeu vidéo ?

Final Fantasy VII a très certainement eu un impact majeur sur les joueurs. Certes, il y a eu des précédents dans la saga, mais ce septième épisode a profondément marqué l’industrie pour sa prouesse graphique mêlant superbes décors en 2D, personnages en 3D et scènes « cinématiques » en images de synthèse, un système de jeu et de combat très intelligent, ou encore de continuer à pousser la conceptualisation des mondes ouverts en cassant une certaine idée de linéarité. Mais surtout, je dirai que FFVII a marqué par son histoire. Là encore, il n’est pas précurseur : dans FFVI, nous pouvons voir la mort brutale de la famille de l’un des héros, ou encore la tentative de suicide de l’une des héroïnes. Ce développement de thèmes « adultes », élevant le récit vidéoludique à une forme de « comédie humaine » parfois très adroite en termes d’écriture, évolue encore un peu plus dans FFVII : le manichéisme cède sa place à une formulation plus nuancée (les héros au début sont aussi perçus comme des terroristes et occasionnent la mort d’innocents), chaque personnage a une histoire souvent tragique, et le récit est ponctué de retours en arrière complexes, de rebondissements très singuliers et d’un changement de paradigme quand la quête « matérielle » cède sa place à une introspection intime pour le héros. Le fait que Final Fantasy ait acquis une telle notoriété lui a surtout permis de faire un carton auprès du grand public. Le titre de Square Enix a eu une audience extrêmement large et avait donc tout pour marquer durablement les esprits.

Vous êtes particulièrement porté sur la musique de jeu vidéo. L’OST de Final Fantasy VII est-elle l’un des travaux les plus pointus de Nobuo Uematsu ?

Paradoxalement, je dirai que les travaux les plus « pointus » pour Nobuo Uematsu étaient antérieurs à Final Fantasy VII, lorsque les consoles de jeux imposaient bien plus de contraintes techniques, et donc, in fine, artistique. Sur la console NES de Nintendo, il devient difficile de prendre la mesure des choses. Les compositeurs avaient généralement accès à trois « voix » pour créer la musique : deux lignes sonores en ondes dites « carrées » (la mélodie et son accompagnement) et une ligne de basse générée en onde triangulaire (par exemple, pour les percussions). Pour faire court, la musique était alors générée par la puce sonore installée dans la console. Un sacré casse-tête pour se démarquer ! Mais en musique, la contrainte est souvent source de créativité. Sur PlayStation, Nobuo Uematsu comme tous les compositeurs de sa génération ont vu leurs moyens exploser, avec des capacités techniques et de stockages de données bien plus importants : dans l’Opéra de Final Fantasy VI, les voix sont des minuscules échantillons (« samples ») d’un ou deux dixièmes de secondes, mais dans le combat final de Final Fantasy VII, les chœurs sont enregistrés en entier et en studio. En dehors de cet exemple, le processus de composition reste le même, disons simplement que la musique a largement gagné en richesse et Uematsu en liberté, mais son génie créatif et mélodique reste inchangé. Il faut cependant souligner qu’il a su s’adapter à la grande complexité du titre : FFVII reste une pièce maîtresse et représentative de son œuvre par la diversité des émotions que la narration offre au joueur.

image artwork final fantasy vii remake

Côté musiques sur Final Fantasy VII Remake, en savez-vous plus sur le travail effectué par Square Enix ? Qui en est le compositeur, quelle est sa vision de l’exercice ?

Depuis plusieurs années désormais, Nobuo Uematsu est en retrait de la composition mais a pris le soin de mettre sur le devant de la scène, si je puis dire, des compositeurs qui ont désormais pris le flambeau sur Final Fantasy. Le remake de FFVII comporte des nouvelles compositions et un travail d’arrangements des morceaux originaux, pour accompagner l’évolution du titre et des nouvelles technologies. Les deux compositeurs sont Masashi Hamauzu, le successeur « officiel » de Nobuo Uematsu dès Final Fantasy X en 2001, et Mitsuto Suzuki qui a notamment travaillé sur les trois titres de l’univers Final Fantasy XIII dès 2009. Hamauzu a aussi la particularité, très symbolique, d’avoir chanté sur le fameux morceau du combat final du jeu original, quand il venait d’arriver chez Square Enix. Ces deux compositeurs ont une solide formation et sont aussi des artistes chevronnés dans leur travaux en dehors du jeu vidéo. Hamauzu a écrit des albums de musique de chambre et piano absolument sublimes. Je pense que ce qui prime est le respect de l’œuvre originale, mais il convient aussi de ne pas proposer que du réchauffé aux fans et surtout aux nouveaux venus. C’est d’ailleurs la pierre angulaire du travail de Square Enix, notamment en musique : ne jamais céder à la facilité et toujours proposer une forme de renouveau. Musicalement, FFVII Remake aura aussi des choses à dire au-delà de la simple fonction nostalgique.

Qu’attendez-vous de Final Fantasy VII Remake ?

Pour ma part, je suis heureux de voir qu’un tel jeu puisse se voir métamorphosé pour épouser une forme plus actuelle. Cela permettra de le rendre accessible à ceux qui n’ont pas connu l’original et qui pourraient être rebutés par sa forme un peu désuète désormais, même si c’est dommage car cela fait partie de son histoire. Mais ce remake peut aussi amener des joueurs de la première époque comme moi à voir les choses différemment, à ressentir des émotions inédites, voire à retrouver les plaisirs simples de la découverte d’un monde qui s’ouvre à nous. L’original était déjà un tour de force en 1997, et je suis heureux de voir arriver ce qui est quelque part une nouvelle interprétation d’une histoire et de personnages que nous aimons et que nous voulons continuer de voir vivre pour les générations à venir.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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