[Critique] Blink Twice : Un thriller honnête mais creux

Caractéristiques

  • Titre : Blink Twice
  • Réalisateur(s) : Zoë Kravitz
  • Scénariste(s) : E.T. Feigenbaum
  • Avec : Naomi Ackie, Channing Tatum, Alia Shawkat, Christian Slater, Geena Davis, Kyle MacLachlan, Adria Arjona, Haley Joel Osment, Simon Rex...
  • Distributeur : Warner Bros France
  • Genre : Thriller
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 1h42
  • Date de sortie : 21 août 2024
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 5/10

Premier film de Zoë Kravitz, qui opte pour un thriller aux relents post-Weinstein avec un casting hétéroclite mené par Naomi Ackie, Channing Tatum, et une pléthore de second rôles connus dont Christian Slater, Geena Davis et Haley Joel Osment.

Un projet personnel de longue date

Apparemment, Blink Twice (cligner deux fois des yeux, une sorte d’avertissement si on est en danger), sorti en salles le 21 août, est un projet qui fut très longuement mûri par sa réalisatrice et remanié de nombreuses fois en fonction des évolutions de la société pour dénoncer les abus de pouvoir, que ce soit à Hollywood ou, plus généralement, dans le monde entre les puissants et les autres.

L’histoire met en scène une jeune barmaid, Frida, fascinée par un riche magnat de la technologie (le bien nommé Slater King), manifestement tombé en disgrâce publique quelques années en arrière pour abus d’autorité sur ses employés. Charmée par ce dernier lors d’une soirée caritative, elle accepte de le suivre avec sa meilleure amie Jess sur une île déserte pour un séjour entre amis…

Mystère au royaume des people

Dire que la situation semble louche dès le début serait un euphémisme (ce type d’invitation ayant plutôt mauvaise presse en ce moment) : les téléphones sont confisqués à l’entrée (avec le cerveau du spectateur aussi, manifestement) et on assiste à un florilège de sourires trop forcés pour être honnêtes. Au programme de ce séjour apparemment idyllique : piscine, champagne, drogues, banquets fastueux, le tout saupoudré d’une superficialité qui fait de tout ceci une parfaite représentation du “people” décérébré.

Bien sûr, au pays du bling bling, rien n’est vraiment ce qu’il semble être et le malaise s’installe au fur et à mesure tandis que le mystère s’épaissit. Perte de mémoire inquiétante puis hallucinations, jusqu’à ce que, finalement, l’une des invitées disparaisse. Il est clair que quelque chose de malsain se trame sur l’île de tous les plaisirs.

Allo papa ? J’ai oublié mon script !

“L’oubli est un cadeau” pourrait être la phrase-clé du film et la meilleure façon d’illustrer le piège qui se referme sur les invités, toutes féminines et vulnérables face à tous ces mâles blancs pleins aux as, manifestement animés de très vilaines intentions. Inutile d’aller plus loin tant les gros sabots du film sont tout de même assez visibles et, malheureusement, beaucoup trop caricaturaux pour être crédibles.

Malgré une réalisation non dénuée de défauts mais plutôt élégante pour un premier long métrage et une photographie soignée, Blink Twice n’évite pas le piège classique. Si le scénario est comme, dans beaucoup de ces films, assez prenant au début, c’est au moment des explications qu’il commence à devenir laborieux.
Celui-ci s’annonce finalement beaucoup trop long à se mettre en place (même si les répétitions du film s’avèrent tout de même judicieusement bien placées) et tarde trop à aboutir à sa conclusion.

Zoë Kravitz tente, après avoir baigné dans ce milieu depuis (trop ?) longtemps, d’en dénoncer les dérives tout en saupoudrant le tout d’une bonne dose de “Girl Power” et d’une ironie décalée permanente, culminant en un final grand guignolesque qui, si il fonctionne humoristiquement parlant, rend l’ensemble trop irréaliste pour convaincre en tant que thriller.

naomi ackie et adria arjona préparent des cocktails spéciaux dans le film blink twice

Tatum compris

Pour finir, un dernier mot sur le casting et les interprétations qui, bien que ne possédant pas de réelles fausses notes par rapport au sujet, comportent tout de même de sérieux défauts.

Premièrement, pourquoi engager autant de comédiens connus si c’est pour les faire jouer des personnages aussi stéréotypés, voire inexistants pour certains ? Certes, on pourrait argumenter que beaucoup d’entre eux ne sont plus depuis longtemps au pinacle de leurs carrières respectives, mais tous ont su prouver à un moment ou à un autre qu’ils pouvaient composer de solides personnages, alors autant engager des inconnus pour ce genre de rôles plutôt que de tenter une séance de racolage inutile.

Finalement, seule une poignée de personnages possèdent une importance réelle et seul celui de Channing Tatum représente un véritable intérêt tant l’acteur semble s’amuser à incarner Slater King, dont la placidité apparente cache une folie délirante. Au-delà de lui, il n’y a que deux rôles féminins, Frida et Sarah (trois en tirant un peu sur l’une des ficelles du scénario) possédant (un peu) de caractérisation. L’ennui c’est que, pour que le message de Zoë Kravitz passe mieux, il aurait fallu que ses héroïnes ou, du moins, leurs psychologies, soient inversées.

Naomi Ackie dans le rôle principal (pas particulièrement mémorable) compose un personnage auquel il est difficile de s’attacher car, jusqu’au dénouement final, on se dit que c’est seulement parce qu’elle se découvre en danger qu’elle se retourne contre ce monde superficiel, mais qu’en temps normal, elle l’apprécie pleinement (après tout, au début du film, ni elle ni les autres n’ont été forcées à se jeter dans la gueule du loup).

Un sentiment renforcé par une conclusion qui, bien que peu réaliste, se voudrait certainement comme une sorte de happy end au goût de revanche sur les hommes, mais qui confirme surtout que Frida n’est rien d’autre qu’un Slater King au féminin. Bien qu’intéressant, il semble difficile d’imaginer que c’était au final le message recherché par la réalisatrice au moment du clap de fin de Blink Twice.

L'avis de Cécile Desbrun : 1,5/5

La plus grande qualité de Blink Twice est d’être un film d’ambiance intrigant dans ses prémices et à la réalisation honnête. Le sentiment de déréalisation grandissant ressenti par l’héroïne est également montré de manière intéressante. Mais, dès que le principal secret de l’intrigue est éventé, le thriller perd tout intérêt et sombre dans le cliché outré qui ne peut que nous faire lever les yeux au ciel et soupirer de déception. Sur le papier, on comprend ce que Zoë Kravitz a voulu faire et ce qu’elle entendait dire et dénoncer au travers de cette histoire, quand bien même l’explication donnée d’un point de vue narratif n’est absolument pas crédible.

Peut-être est-ce là le problème, dans le fond : la réalisatrice a voulu proposer une satire au sens de l’humour caustique pour dénoncer une réalité sordide d’une très grande violence pour les femmes, et qui est souvent passée sous silence en comptant sur celui des victimes et sur une passivité qui n’est pas due à un coup de pschitt, mais à une dissociation traumatique qui tient de l’ordre de la survie psychique. Or, en inventant toute une parabole quasi-surnaturelle pour parler de cela, la réalisatrice tombe par moments dans une certaine forme d’abstraction qui ne rend pas forcément justice au sujet, qu’elle tient à distance malgré une représentation aussi outrée que caricaturale qui sonne faux. Résultat : paradoxalement, on a parfois du mal à éprouver de l’empathie pour les personnages pris au piège, trop peu caractérisés pour la plupart ou bien trop lisses et superficiels. Le film enchaîne les rebondissements, mais ne donne jamais véritablement corps au vécu de ces femmes. L’histoire, un peu trop conceptuelle, ne s’incarne jamais véritablement à l’écran, et on le regrette d’autant plus qu’il y avait là une belle brochette de comédiens. Mais, à l’exception de Channing Tatum, Geena Davis et Adria Arjona, les autres n’ont pas grand chose à défendre. Une jolie coquille vide qui ressemble cruellement à une occasion manquée.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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