[Critique] Badh : Marine Vacht en Jason Bourne au féminin

Caractéristiques

  • Titre : Badh
  • Réalisateur(s) : Guillaume de Fontenay
  • Scénariste(s) : Matt Alexander
  • Avec : Marine Vacht, Niels Schneider, Emmanuelle Bercot, Slimane Dazi, Grégoire Colin...
  • Distributeur : Pan Distribution
  • Genre : Thriller, Action, Espionnage
  • Pays : France
  • Durée : 1h24
  • Date de sortie : 6 août 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 4/10

Second long-métrage de Guillaume de Fontenay six ans après Sympathie pour le diable qui se déroulait à Sarajevo pendant la guerre, Badh est un thriller d’action et d’espionnage à l’américaine porté par Marine Vacht, davantage habituée au cinéma d’auteur (Jeune et Jolie de François Ozon, ADN de Maïwenn…) et très crédible dans un rôle physique. Le pitch ? Badh est le nom de code d’une agent secret du service clandestin Alpha de la DGSE. Lorsque le film commence, nous sommes en 2018 et elle est chargée d’éliminer un gros trafiquant d’armes en Syrie. Après avoir rempli sa mission au terme d’une planque, on lui demande de « nettoyer » les lieux en éliminant femmes et enfants, ce qu’elle refuse de faire. Les responsables du service font alors exploser l’immeuble sans crier gare, et elle en ressort indemne de justesse.

On la retrouve 7 ans plus tard au Maroc. Mariée, elle a refait sa vie et tente d’oublier son passé. Mais, lorsque des trafiquants prennent son mari pour cible et tirent à bout portant sur lui, elle sait qu’elle n’a plus d’autre choix que de faire face… même si cela signifie se dresser contre ses anciens employeurs qui, apprenant ses mésaventures, décident de l’éliminer afin de se couvrir dans un contexte géopolitique tendu.

Un thriller d’action français à la mise en place efficace

Badh commence plutôt bien, avec une séquence d’ouverture à la fois tendue, efficace et intrigante. On suit Badh en planque, en train d’observer une femme pénétrer dans le bâtiment où se trouve sa cible en utilisant le morse et des sacs de couleurs ayant une signification particulière. Lorsqu’elle passe en mode action, on la suit en caméra portée et plans rapprochés, ce qui donne un bon sentiment d’immersion, de tension et d’urgence qui permet de nous identifier à cette héroïne peu bavarde.

Entre cette séquence et celle de la tentative d’assassinat de son mari, on sent rapidement que le réalisateur a voulu lorgner du côté des films de la saga Jason Bourne, avec un petit côté Alias en plus… mais en plus brut et réaliste. Le trope de l’agent secret seul contre tous est évidemment un grand classique, mais celui-ci a donné lieu à de bonnes œuvres (principalement américaines), donc nous sommes plutôt bien disposés à l’égard de ce thriller d’action français lors des premières minutes. Et ce d’autant plus que la bonne impression de l’ouverture se confirme lors des séquences suivantes, où le parti pris esthétique de Guillaume de Fontenay de privilégier les gros plans et plans rapprochés voire très rapprochés apporte une dimension intimiste agréable, un peu à contre-courant du genre.

Par la suite, malheureusement, ça se complique, et les réserves se feront de plus en plus importantes…

marine vacht dans le thriller d'action badh de guillaume de fontenay

Seule contre tous

Parce-que le service Alpha est un service clandestin de la DGSE aux méthodes musclées pour ne pas dire illégales ou aux limites de la légalité auquel on confie souvent le « sale boulot » et, surtout, parce que l’héroïne est trahie dès le départ par ses supérieurs, Badh est une œuvre qui, par son angle et son parti pris mêmes, est à contre-courant de la série Le Bureau des Légendes, où les services de renseignement français sont valorisés et vus de manière positive.

On retrouve là un ton paranoïaque réminiscent de certains thrillers politiques français des années 70, mais passé à la moulinette des thrillers d’action américains nerveux et efficaces avec tous leurs codes et figures imposées.

Malheureusement, les personnages des responsables du service Alpha sont désincarnés, ce qui est dommage. Emmanuelle Bercot, pourtant convaincante dans la majeure partie de ses rôles, réussit même à être mauvaise même si, pour sa défense, elle n’a rien à défendre avec ce personnage non développé et hermétique supposé être froid et sans affect afin de créer un sentiment d’inquiétude.

Le reste du casting est assez inégal, mais Marine Vacht se révèle être le meilleur atout du film : très expressive, elle a une véritable présence dès les premiers plans et, surtout, elle est tout aussi crédible dans les scènes intimistes que dans les scènes d’action et parvient à faire exister son personnage avec peu de dialogues… ce qui n’est pas plus mal puisque ces derniers ne sont pas très bien écrits.

slimane dazi et salim kechiouche dans le thriller d'action badh

Espionnage et contexte géopolitique : rendez-vous manqué

Côté espionnage enfin, on regrette que la dimension politique soit complètement sacrifiée, avortée, ce qui rend l’histoire assez nébuleuse, voire peu crédible, alors qu’il y avait là une matière qui ne demandait qu’à être développée… sur une durée bien supérieure aux 1h24 auxquelles nous avons droit ici. Le réalisateur a mis en avant lors de la promotion du film que le duo de scénaristes Matt Alexander avait fait appel à des experts des services de renseignement : Alain Chouet, ancien chef du renseignement de sécurité à la DGSE, Vincent Nouzille, auteur de l’essai Les tueurs de la République sur le service Alpha et Guillaume Dasquié, spécialiste de l’affaire Lafarge, qui avait fait scandale à la fin des années 2000. Malheureusement, les scènes permettant de saisir le contexte géopolitique sont tellement peu nombreuses et développées que cela limite la compréhension du spectateur et son implication dans le récit.

De sorte que la révélation que la DGSE collabore avec un gros trafiquant d’armes qui fournit Daech tombe comme un cheveu sur la soupe, de même que l’explication sommaire : « on cherche à éviter d’autres attentats et à limiter la casse ». On sait, bien évidemment, que la France fait partie des plus gros vendeurs d’armes au monde et que, dans les années 80, les États-Unis avaient fourni des armes aux Moudjahidines afin de contrer la menace soviétique avant de se désintéresser de l’Afghanistan, ce qui a contribué à l’arrivée des Talibans. Mais le contexte aurait vraiment mérité d’être développé et le film rallongé de 30 bonnes minutes pour se tenir d’un point de vue narratif. C’est vraiment dommage, car l’ouverture laissait espérer quelque chose de plus solide de ce côté-là.

En l’état, l’histoire manque de substance et se limite trop à un enchaînement de scènes de course-poursuite et de baston.

marine vacht à moto dans le thriller badh de guillaume de fontenay

Une réalisation nerveuse qui finit par tomber dans la facilité

Nous l’avons dit dès le départ : le parti pris esthétique du réalisateur de privilégier les gros plans et plans très rapprochés pour les scènes intimistes comme pour les scènes d’action constitue l’originalité et la force du film dans son premier acte… Mais l’aspect trop systématique de la chose finit par donner un sentiment de répétition et la réalisation tombe souvent dans la facilité.

A force d’abuser de la shaky cam, du flou et de décadrages volontaires, Badh finit par donner l’impression, dans sa seconde moitié (à quelques exceptions près), de vouloir insuffler une tension artificielle plutôt que de prendre le temps de développer son scénario.

Au final, même s’il se laisse regarder, Badh ressemble à une opportunité manquée. Au-delà d’un premier acte accrocheur, les ficelles apparaissent de plus en plus et le vide scénaristique se fait sentir sans que les nombreuses scènes d’action puissent compenser. Même s’il est agréable de voir un film d’action français porté par une femme reprenant le trope classique mais efficace de « l’agent secret seul contre tous » récurrent dans les séries et films anglo-saxons, le film ne tient pas sa promesse au final et semble se précipiter autant que son héroïne, en confondant au passage rythme effréné et véritable tension. Dommage !

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Spécialiste de la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch, elle effectue également un travail de recherche approfondi sur les artistes américaines Tori Amos et Taylor Swift. Directrice de publication du site, elle en corrige également les articles, au-delà de leur validation.

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