Caractéristiques

- Titre : Les Demoiselles de Rochefort
- Genre : Comédie Musicale
- Ecriture : Jacques Demy
- Musique : Michel Legrand.
- Chorégraphie : Joanna Goodwin
- Mise en scène : Gilles Rico
- Avec : Juliette Tacchino, Sophia Stern, Valérie Gabail, David Marino, Paul Amrani et Arnaud Léonard
- Durée : 2h30 avec 20 minutes d'entracte
- Lieu(x) de représentation : Théâtre du Lido
- Dates : A partir du 2 octobre 2025
- Note : 8/10 par 1 critique
A compter de ce mois d’octobre, Les Demoiselles de Rochefort s’installent sur la scène du mythique Lido de Paris, permettant au film culte de Jacques Demy de connaître une seconde jeunesse. Après Les Parapluies de Cherbourg au Châtelet et Peau d’Âne au Marigny, Jean-Luc Choplin poursuit son hommage au duo Demy-Legrand avec une adaptation scénique aussi ambitieuse que fidèle à l’esprit du chef-d’œuvre original.
Du film culte aux planches du Lido
Delphine et Solange Garnier sont deux sœurs jumelles, inséparables et pleines de fantaisie, qui vivent à Rochefort dans les années 1960. L’une rêve de devenir danseuse, l’autre de composer pour les plus grands orchestres. Sous le regard avisé de leur mère, Yvonne, tenancière du café de la place, les deux jeunes femmes attendent avec impatience de trouver leur voie. L’arrivée d’une troupe de forains, d’un marin en quête de l’amour parfait et d’un musicien mystérieux bouleverse la quiétude de la petite ville. Entre quiproquos, rencontres et destins croisés, les Demoiselles cherchent sans relâche la promesse d’un idéal amoureux et artistique.
Monument du cinéma musical, Les Demoiselles de Rochefort s’offre ici une transposition scénique fidèle à l’esprit du duo Jacques Demy – Michel Legrand. Le spectacle, d’une durée de deux heures trente avec un entracte de 20 minutes, enchaîne séquences parlées, numéros chantés, tableaux dansés et même claquettes dans un tourbillon d’énergie. Les chansons emblématiques – dont le fameux air des « Sœurs jumelles » qui arrive assez vite dans le premier acte – donnent le ton d’une partition résolument joyeuse, aux envolées jazzy et aux rythmes entraînants. Sur-titré en anglais, le spectacle s’ouvre également au public international, confirmant l’ambition de faire briller à nouveau ce joyau du patrimoine musical français sur l’une des plus belles scènes parisiennes.
Un spectacle énergique et virevoltant
Sous la direction inspirée de Gilles Rico, Les Demoiselles de Rochefort prennent vie dans une scénographie signée Bruno de Lavenère. Le plateau central avance ou recule pour créer tour à tour une chambre, un bar ou encore le magasin de musique, où un escalier en colimaçon et des instruments suspendus surgissent comme par enchantement. Ce dispositif mobile, associé à de superbes jeux de lumières, confère au spectacle une grande fluidité et un vrai sens du mouvement. Les costumes d’Alexis Mabille, entre tons pastel et éclats vifs, réinventent avec élégance l’esprit sixties cher à Jacques Demy. Quant à la direction musicale de Patrice Peyriéras, soutenue par un orchestre complet composé de cordes, cuivres, piano et percussions, elle apporte tout le relief nécessaire à la partition de Michel Legrand. Disposés de part et d’autre de la scène, les musiciens, parfois visibles, souvent dissimulés par des projections vidéo, livrent une interprétation d’une précision et d’une énergie exemplaires.
La distribution séduit par son équilibre et sa vivacité. Juliette Tacchino et Sophia Stern (en alternance avec Maïlys Arbaoui-Westphal et Marine Chagnon) donnent aux jumelles une couleur vocale lyrique, déroutante au premier abord, mais finalement envoûtante. Autour d’elles, Valérie Gabail (Yvonne Garnier), David Marino (Maxence), Paul Amrani (Andy Miller) et Arnaud Léonard (Simon Dame) composent une galerie de personnages attachants et justement interprétés. Les chorégraphies pleines d’élan de Joanna Goodwin insufflent une vitalité constante, jusque dans les allées du Lido, où certains numéros se prolongent, au beau milieu du public. Mention spéciale au personnage de Boubou, le jeune frère des jumelles, qui est ici joué avec humour par un adulte bondissant, qui enchaîne pirouettes et saltos avec une agilité irrésistible.
Quêtes amoureuses croisées
Fidèle à l’esprit du film, l’adaptation conserve le charme d’un univers à la fois lumineux et nostalgique, véritable ode à la jeunesse et aux rêves. Delphine et Solange aspirent à rejoindre Paris pour y trouver leur destin, l’une en tant que danseuse, l’autre comme compositrice et musicienne. Autour d’elles gravitent des personnages animés par les mêmes élans : Maxence, peintre et poète, qui poursuit inlassablement l’image de la femme idéale, ou encore Guillaume, amoureux transi, se heurtant au refus de Delphine. Quant à Madame Yvonne, elle observe depuis son bar les allées et venues de ces cœurs errants. Tous se cherchent, se manquent et se croisent jusqu’à un dénouement plein d’espoir.
La mise en scène joue de cet équilibre entre tendresse et légèreté, porté par des dialogues savoureux et un humour constant. Le comique de répétition autour de Monsieur Dame amuse tandis que les chansons, pleines de malice, déclenchent des sourires complices. Les tableaux dansés débordent d’optimisme, et l’interaction avec le public – entre passages joués depuis les allées et confettis multicolores lancés par surprise – renforce cette atmosphère de fête. Un pur moment de bonheur scénique, dont on ressort le sourire aux lèvres et des refrains plein la tête.
Entre hommage fidèle et renouveau scénique, Les Demoiselles de Rochefort au Lido revisitent avec respect et fraîcheur le film original de Jacques Demy. Portée par une mise en scène inventive et des interprètes généreux, cette adaptation séduit par son énergie, son interprétation et son raffinement visuel. Un spectacle lumineux, à l’image de ses héroïnes.