[Critique] La Condition : Une fresque intimiste au cœur des conventions

Caractéristiques

  • Titre : La Condition
  • Réalisateur(s) : Jérôme Bonnell
  • Scénariste(s) : Jérôme Bonnell
  • Avec : Swann Arlaud, Galatea Bellugi, Louise Chevillotte et Emmanuelle Devos.
  • Distributeur : Diaphana Distribution
  • Genre : Comédie dramatique, Historique
  • Pays : France
  • Durée : 103 minutes
  • Date de sortie : 10 décembre 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 7/10

Nouveau long-métrage écrit et réalisé par Jérôme Bonnell (Chère Léa, À la joie) et adapté de Amours de Léonor de Recondo, La Condition raconte l’histoire de Céleste, jeune bonne employée chez Victoire et André en 1908. C’est aussi l’histoire de Victoire, de l’épouse modèle qu’elle peine à être. Deux femmes que tout oppose, mais que réunit un même toit, dans un quotidien fait de conventions et de non-dits.

Personnages féminins forts et complexes

La Condition est donc un drame historique qui explore la vie domestique, la hiérarchie sociale et les tensions silencieuses entre classes et sexes. Le film laisse peu de place aux éclats, même s’il en compte un ou deux : tout se joue dans les gestes, les regards, les silences. Cette approche confère au récit une délicatesse et une intensité discrète, qui permettent de ressentir — plus que de voir — le poids des attentes sociales et des conventions de l’époque. Bonnell y traite de servitude, de désirs refoulés, de solitude et d’injustice sociale, tout en adoptant un regard féministe discret mais assumé. La tension vient autant des contraintes extérieures (le « devoir » d’avoir un enfant) que des luttes intérieures des personnages. Le cinéaste montre comment les conventions emprisonnent, et comment l’intime résiste — ou se plie — à ces pressions.

Le parcours des deux femmes s’avère passionnant. Céleste (Galatéa Bellugi, d’une fragilité maîtrisée) tombe enceinte d’André (Swann Arlaud, excellent dans la retenue mais qui surjoue dans les accès de colère). Ce dernier est frustré sexuellement par sa femme Victoire (Louise Chevillotte, remarquable dans sa manière d’exprimer le tiraillement entre rôle imposé et aspirations profondes). Victoire, elle, n’arrive pas à concevoir. Ce bébé à naître devient alors une solution idéale : le couple décide de le garder et de l’élever, tandis que la jeune domestique continue de travailler chez eux, ce qui lui permet de voir grandir son fils.

image bellugi galatea la condition
Copyright Diaphana Films

Une œuvre sincère mais mesurée

La relation qui se tisse entre Céleste et Victoire constitue le pivot émotionnel du récit : une relation faite de distance, d’observation, de compréhension muette. Bonnell excelle à montrer comment deux femmes si différentes peuvent se croiser, s’influencer, voire développer des sentiments. Certes, à mi-parcours, on devine assez clairement où le film veut nous mener. Certains rebondissements paraissent même un peu artificiels, comme l’interrogation sur l’identité du père d’André, mise en place pour faire écho à la situation principale.

Ces détours semblent aussi destinés à donner un rôle à la mère d’André (Emmanuelle Devos, en composition minimaliste), qui n’influerait sinon que très peu sur l’intrigue, malgré quelques touches amusantes — la répétition des coups de canne, ou sa communication à l’ardoise. Mais finalement, ces facilités ne gâchent ni le plaisir du visionnage ni l’empathie éprouvée pour les personnages : l’alchimie entre Bellugi et Chevillotte rend la condition de Céleste et Victoire profondément palpable.

image louise chevillotte la condition
Copyright Diaphana Films

Mise en scène soignée, atmosphère feutrée

Côté réalisation, la reconstitution du début du XXᵉ siècle est très réussie : costumes, décors et éclairages servent un cadre bourgeois crédible. Le soin apporté va jusqu’à l’usage de la lumière naturelle ou de la simple bougie, ce qui sied parfaitement au ton intimiste du film. Bonnell opte pour une mise en scène mesurée, laissant respirer les scènes et privilégiant l’intime à la démonstration. Cette sobriété souligne l’oppression diffuse de la société, mais limite parfois l’impact émotionnel, laissant certaines séquences sur un plateau de retenue — dommage, d’autant que certaines visent à préparer un twist final malheureusement trop prévisible. La musique, présente avec parcimonie, accentue efficacement les instants choisis. Le rythme demeure constant et l’on ne s’ennuie jamais durant la courte heure quarante que dure le film.

La Condition séduit par sa sincérité, sa délicatesse et son regard sur la condition féminine et sociale. Bonnell signe un film intimiste, nuancé et élégant, qui manque parfois de souffle dramatique mais touche durablement, avec une émotion plus douce que bouleversante.

Article écrit par

Adore le cinéma en général, que ce soit les gros blockbusters ou les plus petits films, les séries TV et les jeux vidéo. Il réalise de nombreux tests de blu-ray et films en UHD 4K et couvre l'actualité cinématographique en salles.

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