Caractéristiques
- Titre : Belphégor
- Créé par : Nils Antoine Sambuc et Thomas Mansuy
- Avec : Shirine Boutella, Vincent Elbaz, Aure Atika, Tiphaine Daviot, Nicolas Briançon, Kad Merad...
- Saison : 1
- Année(s) de diffusion : 2025
- Chaîne originale : HBO Max
- Diffusion françaisee : à partir du 11 décembre 2025 sur HBO Max et en 2026 sur M6
- Note : 7/10 par 1 critique
Alors que le Louvre se retrouvait il y a quelques semaines sous le feu des projecteurs après un spectaculaire cambriolage, Belphégor, mini-série en quatre épisodes présentée au Festival de la fiction de La Rochelle 2025, arrive comme un clin d’oeil ironique à l’actualité. Réalisée par Jérémy Mainguy et écrite par Nils Antoine Sambuc, Thomas Mansuy et Mathieu Leblanc, cette réadaptation moderne du roman d’Arthur Bernède est disponible depuis le 11 décembre 2025 sur HBO Max, avant son arrivée sur M6 en 2026. Revendiquée par ses créateurs comme une relecture totale du mythe, la série propose une plongée contemporaine et fantastique dans les mystères du musée le plus célèbre du monde.
Un mythe ressuscité : entre héritage et modernité
Avec son format de mini-série – quatre épisodes d’une cinquantaine de minutes – Belphégor déroule une intrigue dense autour d’Hafsa, jeune restauratrice d’art fraîchement arrivée au Louvre. Très vite, sa découverte d’un masque mésopotamien multimillénaire, associé à Belphégor, divinité de l’orage et de la destruction, déclenche une succession d’événements inexpliqués. Disparitions, visions fulgurantes, pertes de mémoire… Le récit enferme son héroïne dans un véritable cercle infernal. Hafsa se réveille à des endroits qu’elle ne reconnaît pas, découvre des actes qu’elle ne se rappelle pas avoir commis, et semble même poussée vers la violence par une force qui la dépasse. Entre quête de vérité, peur de perdre pied et menace invisible, la série pose habilement les jalons d’un thriller psychologique intense.
Adapter Belphégor aujourd’hui revient à se mesurer à près d’un siècle de représentations. Le roman de 1927 imaginait le Louvre comme scène d’intrigues d’espionnage, la série de 1965 en faisait un feuilleton gothique marqué par la hantise, et le film de 2001 optait pour le fantastique pur, centré sur la possession. La version 2025, elle, semble interroger la nature même de la légende. Belphégor n’est plus un simple démon ou la manifestation d’un complot humain, mais une présence ambiguë, aux intentions difficiles à cerner. La mise en scène de Jérémy Mainguy embrasse pleinement cette modernité. Paris et le Louvre sont filmés avec une élégance contemporaine, entre réalisme des couloirs du métro et majesté des salles du musée. Quant au récit, il se tourne vers un mystère plus personnel, plus introspectif, où la frontière entre protection et menace demeure floue. Ce Belphégor nouvelle génération n’est plus un fantôme à démasquer, mais une trace obsédante du passé, un poids invisible qui ronge sa protagoniste.

Immersion sensorielle et anxiogène au cœur du Louvre
La réalisation de Jérémy Mainguy exploite le Louvre comme un espace labyrinthique, fait de couloirs interminables et de salles monumentales où Hafsa évolue comme prise au piège. La série révèle ainsi la grandeur des œuvres autant que l’envers du décor de ce lieu emblématique. Les plans sont souvent superbes, pensés pour valoriser un patrimoine culturel qui devient un personnage à part entière. Les phénomènes étranges – amnésies, chuchotements ou voix enfantines – brouillent les repères de l’héroïne comme du spectateur. Belphégor n’apparaît jamais comme une figure tangible ; c’est avant tout une influence diffuse, une présence invisible qui distord la réalité et accompagne Hafsa en permanence. L’esthétique oscille alors constamment entre thriller fantastique, enquête intime et drame psychologique.
La série construit un climat de tension constant en s’appuyant sur une orchestration sensorielle marquée : bruitages inquiétants, effets stroboscopiques, silhouettes furtives en arrière-plan… La bande-son, faite de cordes tendues et de percussions graves, contribue à cette atmosphère oppressante, tout comme le montage, souvent efficace, qui alterne accélérations brutales, courses-poursuites dans les galeries et moments d’errance où Hafsa n’est plus elle-même. Les deux premiers épisodes s’avèrent particulièrement convaincants, avec leur rythme précis, leurs cliffhangers bien dosés et leur capacité à mêler suspense et paranormal sans jamais sacrifier la cohérence émotionnelle. Cependant, la mécanique finit par se répéter. Certains motifs reviennent de manière trop systématique, qu’il s’agisse des visions, des absences de l’héroïne ou des procédés sonores utilisés presque à l’identique. Quelques raccourcis scénaristiques ou réactions de personnages posent également question, affaiblissant par instants la crédibilité de l’ensemble.

Une héroïne prise au piège
La série repose largement sur l’interprétation de Shirine Boutella, qui compose une Hafsa fragile mais déterminée. L’intensité émotionnelle qu’elle apporte au personnage est palpable, même lorsque le scénario se montre un peu moins inspiré. Autour d’elle, Belphégor réunit un casting français reconnu : Kad Merad campe un père adoptif pudique et bienveillant, tandis qu’Aure Atika donne une présence affirmée à Élise Wagner, la conservatrice du Louvre. Vincent Elbaz, dans la peau de Joseph Bellegrade, joue quant à lui un personnage marqué par un passé professionnel dramatique, un matériau très prometteur qui aurait gagné à être davantage exploré. Face à eux, Nicolas Briançon interprète un antagoniste glaçant, à la froideur maîtrisée. Certains rôles secondaires manquent d’ampleur, mais l’ensemble reste porté par une vraie conviction de jeu. Quelques respirations comiques, notamment grâce à Chloé, la meilleure amie d’Hafsa, apportent un contrepoint appréciable à l’atmosphère oppressante qui domine.
Hafsa fonctionne comme un point d’ancrage immédiat pour le spectateur : une jeune femme ordinaire, plongée dans une situation qui la dépasse totalement. Son enquête sur le masque se double d’une quête personnelle où ressurgissent ses origines irakiennes et son adoption, transformant la possession supposée en exploration intime de blessures anciennes et profondes. Si l’intrigue s’essouffle un peu dans la deuxième moitié du récit, Belphégor reste porté par l’empathie que suscite Hafsa. Sa peur de nuire à ceux qu’elle aime et son isolement croissant construisent en effet un arc psychologique attachant. La série parvient également à installer une inquiétude continue, car le spectateur s’interroge sans cesse sur la nature réelle de Belphégor : s’agit-il d’une entité protectrice, d’une menace invisible ou d’une simple projection d’un passé traumatique ? Une ambiguïté qui contribue largement à l’identité de cette relecture.
Avec Belphégor, Jérémy Mainguy revisite donc avec ambition un mythe profondément ancré dans l’imaginaire collectif. Portée par une mise en scène élégante et une héroïne au bord de la rupture, la série séduit par son ancrage parisien et sa manière d’explorer un fantastique intime. Si certaines répétitions et quelques fragilités scénaristiques atténuent l’impact des derniers épisodes, elle n’en demeure pas moins une proposition solide et moderne, qui parvient à faire renaître l’ombre de Belphégor dans un Louvre plus mystérieux que jamais.



