Caractéristiques
- Titre : Animals
- Réalisateur(s) : Nabil Ben Yadir
- Scénariste(s) : Nabil Ben Yadir & Antoine Cuypers
- Avec : Soufiane Chilah, Gianni Guettaf, Vincent Overath, Lionel Maisin...
- Distributeur : JHR Films
- Genre : Drame, Thriller
- Pays : Belgique
- Durée : 1h32
- Date de sortie : 15 février 2023
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- Note du critique : 5/10 par 1 critique
De la réalité à la fiction
Très fortement inspiré du meurtre de Ihsane Jarfi en 2012, le nouveau film du réalisateur Nabil Ben Yadir a fermement décidé d’opter pour une violence crue afin de nous faire prendre la mesure du crime ignoble qui s’est déroulé à Liège en 2012, un crime homophobe d’une violence extrême qui a défrayé la chronique à l’époque.
Un peu à la manière du film Irréversible de Gaspar Noé, l’objectif est clairement de soulever le cœur du spectateur à l’aide d’un aspect reportage et d’une caméra à l’épaule appuyée par des plans longs, y compris dans les scènes de violence, pour mieux les souligner. Une façon d’entraîner le spectateur dans un voyeurisme impuissant face aux actes auxquels il assiste. Mais, cinématographiquement parlant, est-ce que le film Animals se saisit suffisamment de son sujet pour donner l’impression de raconter plus qu’un simple fait divers, aussi sordide soit-il ? Le film étant découpé plus ou moins en trois actes distincts, c’est donc en trois points que nous allons tenter de répondre à cette question…
Une introspection subjective
C’est dans cette première partie que nous faisons connaissance avec le jeune Brahim, 30 ans, qui assiste à l’anniversaire de sa mère. La caméra à l’épaule le suit au sein de la maison, dialoguant avec les autres invités, ce qui donne une impression de promiscuité immédiate avec le personnage principal, un rôle joué avec conviction par le jeune Soufiane Chilah, dont on devine le malaise grandissant au fur et à mesure que les minutes passent. Pour ceux qui connaissent l’affaire judiciaire dont est tirée le film, ce qu’ il semble attendre dès le début du métrage ne sera pas une surprise, pour les autres, il sera facile de le deviner rapidement.
Cela fait cinq ans maintenant que Brahim vit avec un homme, et il ne parvient pas à admettre son homosexualité à sa famille, de confession musulmane traditionnelle. Cette première demi-heure a le mérite de nous décrire la situation dans laquelle vit le personnage principal, faite de frustrations et de non-dits. C’est d’ailleurs en raison de cette frustration de ne pouvoir vivre sa vie comme il l’entend qu’il va quitter la réunion de famille et sortir seul le soir.
La descente aux enfers
Le second acte expose les circonstances dans lesquelles le jeune homme s’est retrouvé au milieu de ses quatre tortionnaires et la manière dont il fut par la suite violemment battu. Filmer ces scènes par le biais des téléphones portables des agresseurs ajoute un aspect malsain à la situation et montre le plus abruptement possible, c’est-à-dire sans artifices ou autre effets de style, les sévices subis par la victime durant toute une nuit.
Une scène choc qui constitue le cœur du métrage, mais dont la durée excessive va vampiriser le reste d’Animals, au point que la suite constituera l’embryon de ce que le métrage aurait pu, voire aurait dû, être.
La banalité du mal
Ce qui nous amène à un 3ème acte où le réalisateur suit l’un des agresseurs revenant dans son quotidien de façon presque normale après l’horreur qu’il a fait subir à autrui durant toute une nuit. Seul indice que tout ceci n’était pas un rêve ou plutôt un cauchemar : les marques sur ses mains.
Cette façon de s’attarder sur le tortionnaire dans son environnement sert en fait à démontrer la banalité d’un mal clairement stupide (ils n’ont même pas l’air de réaliser qu’ils ont des traces de sang sur eux et ne se gênent pas pour piquer le portable de la victime, au risque de se faire repérer, ce qui sera le cas), perpétré par des individus psychologiquement instables.
Si les dernières images du métrage donnent une vague explication à la conduite du personnage, elle n’est hélas pas suffisante pour donner une épaisseur supplémentaire au récit.
Un coup dans l’eau
En fait, le film Animals pêche, comme beaucoup, par son idéologie académique. Autrement dit, il se contente de pointer du doigt le crime, sans en donner les causes ni les conséquences. Vu le reste de la filmographie du réalisateur, on aurait pu s’en douter, mais c’est bien dommage car, finalement, si le sujet était fort, jamais le réalisateur n’arrive à lui conférer la dimension nécessaire pour dépasser le simple fait divers tragique. Oui, le crime était terrible, mais il manque un avant et surtout un après à l’histoire.
Les faits ayant eu lieu en 2012, les procès qui ont suivi auraient pu être ajoutés au métrage et constitué un apport de matière non négligeable sur les faits (le terme Animals du titre a d’ailleurs été prononcé par l’un des accusés dans le cadre de son jugement), ainsi que le ressenti de la famille, désormais au courant des préférences sexuelles de la victime.
En l’état, le métrage ressemble à un squelette dépourvu de chair, dépourvu de substance car, au-delà de sa violence, il ne marquera pas assez les esprits pour changer quoi que ce soit à l’homophobie. Et pour cause, si vous changez juste le motif de l’agression (drogue, racisme, argent…) vous obtiendrez pratiquement le même film tant Animals manque d’âme. À la sortie de la séance, certains seront peut-être écœurés de ce qu’ils ont vu, d’autres croiront encore que grâce à cela la société peut avancer, et beaucoup se seront juste poliment ennuyés car ils s’attendaient à une proposition de cinéma plus étoffée. Reste de bonnes interprétations et un choix judicieux de réalisation.