Caractéristiques
- Titre : Dream Scenario
- Réalisateur(s) : Kristoffer Borgli
- Scénariste(s) : Kristoffer Borgli
- Avec : Nicolas Cage, Julianne Nicholson, Michael Cera
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Genre : Comédie, Fantastique
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 101 minutes
- Date de sortie : 27 décembre 2023
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- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Une comédie fantastique loufoque
Présenté lors de la cérémonie d’ouverture du PIFFF (Festival du Film Fantastique) au Max Linder Panorama, Dream Scenario est le premier long-métrage américain du cinéaste norvégien Kristoffer Borgli, sorti quelques mois à peine après son précédent film Sick of Myself. Produit par Ari Aster et avec Nicolas Cage dans le rôle principal, le film raconte l’histoire de Paul Matthews, professeur d’université à la vie bien rangée et plutôt banale, dont le quotidien bascule brutalement le jour où il commence à apparaître dans les rêves de millions de personnes, sans la moindre explication…
Avec un tel pitch, Kristoffer Borgli annonce tout de suite la couleur : son film sera drôle et atypique. Le tempo comique des dialogues est très réussi et les personnages se retrouvent confrontés à des situations étranges et malaisantes, entraînant un décalage loufoque et humoristique. Au premier plan, Nicolas Cage est très régulièrement mis dans l’embarras et tourné en dérision, et démontre une nouvelle fois son potentiel comique.
En plus d’être divertissant, Dream Scenario est également un film de genre très original. Son point de départ fantastique permet au réalisateur de confronter la banalité du monde aux bizarreries du rêve et de mettre en scène quelques séquences oniriques très abouties. L’un des films préférés de Kristoffer Borgli étant Les Griffes de la nuit, il propose avec son long-métrage une relecture sociétale de ce classique du cinéma horrifique : comment peut réagir un homme en manque de reconnaissance s’il se retrouve brutalement propulsé au rang de star ?
Une satire qui manque de mordant
Dream Scenario est une comédie noire qui offre une réflexion intéressante sur la société moderne et le star system. Comme dans Sick of Myself, où une belle jeune femme décidait de se défigurer pour gagner de l’influence sur les réseaux sociaux, le personnage de Paul Matthews, père de famille et banal professeur d’université, permet au réalisateur d’aborder la question des apparences, de la réputation – qui peut basculer en un claquement de doigts – et de la cancel culture. L’existence de Paul devient un fantasme pour bon nombre de personnes, et il découvre les joies et désillusions de la popularité, face à une opinion publique versatile.
Le film analyse les conséquences de la notoriété sur la famille Matthews et montre qu’il est difficile de rester stoïque face à un tel engouement. La femme de Paul, Janet (Julianne Nicholson), est impactée de manière plutôt positive, mais demeure méfiante face au changement, tandis que ses filles se mettent à voir leur père sous un jour nouveau et à l’admirer. Lorsque le vent tourne et que les choses commencent à dégénérer, le long-métrage semble prêt à basculer dans le thriller voire l’horreur, mais le réalisateur ne s’autorise malheureusement pas cette intensité, et la tension retombe un peu à plat.
Si Dream Scenario fonctionne extrêmement bien dans sa première partie, avec un crescendo d’angoisse lorsque Paul commence à changer de comportement dans le monde des rêves, la bascule ne s’opère pas et le film se met à piétiner, perdant tout le mordant dont la satire aurait eu besoin. Le spectateur finit par s’ennuyer dans la dernière partie, car Kristoffer Borgli ne parvient pas à aller au bout de son concept, et tourne en rond, en assénant ses messages de manière un peu trop appuyée.
Au plus près des personnages
Kristoffer Borgli affirme être attiré par « des personnages têtus qui vivent selon des principes inaccessibles coûte que coûte ». Il a donc l’habitude de créer au préalable ses protagonistes, et seulement après son scénario, ce qui explique le très grand nombre de scènes dialoguées, plutôt réussies. Pour incarner Paul Matthews – cet homme falot et pathétique – Nicolas Cage est parfait, avec un look débraillé et le crâne dégarni. Sa passivité comique le poursuit jusque dans l’imaginaire des gens, où il se contente d’observer, acteur aussi passif des rêves qu’il ne l’est de sa propre vie.
Le reste du casting est également très investi, chacun évoluant au cœur de ce milieu bourgeois dont Kristoffer Borgli fait une peinture assez grinçante. Beaucoup sont d’éternels insatisfaits, rongés par la jalousie et le narcissisme. Les professeurs frustrés envient l’aristocratie des enseignants-chercheurs et les dîners soporifiques se prennent au son d’une musique de piano impersonnelle. En tête, Paul ne parvient jamais à se surpasser, en raison de ses insécurités personnelles, mais il blâme les autres de ses propres échecs.
En se concentrant à ce point sur les personnages, le réalisateur délaisse cependant un peu la mise en scène. Le grain rétro de l’image et le montage plutôt dynamique ne parviennent pas à compenser l’utilisation trop régulière des champ/contrechamp, et le tout reste très classique. Seuls les rêves incrustés dans le récit composent de beaux moments de folie où la mise en scène s’élève et devient plus imaginative.
Dream Scenario est donc une comédie noire divertissante mais inaboutie. Si son traitement des scènes oniriques et son idée de départ sont originales et réjouissantes, l’on regrette que la satire ne soit pas plus mordante et que le film finisse par piétiner dans son dernier tiers. Reste un Nicolas Cage surprenant et hilarant qui fait plaisir à voir dans ce rôle de monsieur Tout-le-monde propulsé sur le devant de la scène.