Caractéristiques
- Titre : Vampire humaniste cherche suicidaire consentant
- Réalisateur(s) : Ariane Louis-Seize
- Scénariste(s) : Ariane Louis-Seize et Christine Doyon
- Avec : Sara Montpetit, Félix-Antoine Bénard, Steve Laplante, Sophie Cadieux, Noémie O'Farrell, Marie Brassard, Madeleine Péloquin, Marc Beaupré...
- Distributeur : Wayna Pitch
- Genre : Fantastique, Comédie
- Pays : Canada
- Durée : 1h30
- Date de sortie : 20 mars 2024
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Premier long-métrage de la réalisatrice québécoise Ariane Louis-Seize après plusieurs courts-métrages remarqués en festivals (notamment le prestigieux Toronto International Film Festival), Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est une fable initiatique fantastique à l’humour délicieusement noir racontant la rencontre entre un adolescent dépressif et suicidaire et une « jeune » vampire de 68 ans qui refuse d’épancher sa soif de sang en s’en prenant à des humains.
Une comédie initiatique et satirique
Le vampire comme allégorie d’un désir dévorant est présent au sein de la littérature et, évidemment, du cinéma et des séries depuis bien longtemps et la réalisatrice inscrit en ce sens son film au sein d’une longue tradition. Comme il s’agit aussi d’un teen movie (bien qu’il ne s’adresse pas qu’aux adolescents), on pensera bien évidemment à Buffy contre les vampires – plus particulièrement lors de la rencontre où Sasha est la prédatrice suivant sa proie, Paul, par curiosité. L’intelligence et la finesse de l’ensemble éloigne en tout cas l’entreprise de la saga Twilight, malgré un retournement de situation commun.
Quoi qu’il en soit, c’est vraiment le parti pris satirique de la réalisatrice qui distingue véritablement Vampire humaniste… dans son exploration de cette figure légendaire. En effet, le film dépeint un monde, une société où, pour les vampires comme pour le commun des mortels, faire preuve de compassion et de sensibilité, refuser de s’en prendre à son prochain pour assurer sa survie, est considéré comme une « tare » à éradiquer ou bien comme une différence sujette aux attaques personnelles ou aux pires suspicions.
Le film – et plus particulièrement son premier acte – joue véritablement cette carte de manière décalée et intelligente pour mettre en valeur par l’absurde la cruauté de la société, tellement intégrée par la plupart qu’elle s’en trouve banalisée et passe inaperçue. Ainsi, après une ouverture où Sasha petite fille refuse de manger le clown que sa famille a engagé pour sa fête d’anniversaire, on assiste au « parcours du combattant » des parents, qui traînent leur fille de spécialiste en spécialiste (dentiste, médecin, psychologue) pour mettre le doigt sur ce qui « ne va pas » chez leur fille, dont la compassion et la répulsion face à la violence les inquiète.
Devenue adolescente et préférant se servir des sachets de sang ramené de chasse par ses parents plutôt que de tuer, elle ne pense qu’à jouer du syntbé et se réfugie avec sa musique dans sa chambre, au grand dam de sa mère, qui la considère comme une ado paresseuse vivant à leurs crochets tandis que son père refuse de la contraindre à faire quelque chose qu’elle ne souhaite pas faire. Tout parallèle avec les inquiétudes de la famille d’un ado ou jeune adulte souhaitant devenir artiste n’apparaît absolument pas fortuite ! Paul, lui, est presque considéré comme dangereux après avoir achevé par compassion une chauve souris qu’il avait assommée face à la panique de ses camarades de classe.
Désir adolescent et cinéma de genre
Les chemins de ces deux adolescents « marginaux » vont se croiser lors d’un groupe de prise de parole pour dépressifs suicidaires où le jeune homme comprend instinctivement la nature de Sasha et son problème et se propose de l’aider « pour la bonne cause ». Comprendre : s’offrir en sacrifice à la jeune fille pour qu’elle arrive enfin à tuer.
S’en suivra une délicieuse comédie adolescente où l’humour n’empêche pas une certaine gravité sous-jacente (mais jamais lourde). Les deux adolescents se rapprochent et Sasha apprend à s’affirmer comme sujet féminin désirant qui doit surmonter sa peur de faire du mal à sa « proie » tout à fait consentante, qui tente de la rassurer par tous les moyens et agit pour son confort afin qu’elle ne culpabilise pas à l’idée de le mordre, ce qui la déstabilise. La dimension féministe est donc également présente de manière sous-jacente , tout en plaçant l’oeuvre dans la lignée thématique de films de genre comme Les griffes de la nuit ou Grave, malgré une tonalité et des développements clairement différents.
En parallèle, Vampire humaniste… nous propose une chronique familiale joyeusement décalée où chacun essaie de mettre son grain de sel dans la vie et l’éducation de la jeune vampire, avec beaucoup de scènes très drôles.
La réalisation, elle, est d’une grande élégance, tout comme la photographie de Shawn Pavlin, alternant esthétique et teintes un peu ternes des années 70 (pour les scènes quotidiennes et familiales) à une ambiance plus contemporaine et chaleureuse, avec des couleurs plus marquées lors des scènes où les émotions entre les deux jeunes gens s’intensifient et celles où Paul s’ouvre enfin à la vie. Ariane Louis-Seize s’autorise quelques jolis effets stylistiques, jamais gratuits et toujours savamment dosées, avec, par exemple, un effet de surimpression sur le visage de l’héroïne prise de pulsions dans la scène de la boîte de nuit.
Vampire humaniste recherche suicidaire consentant apparaît ainsi comme un premier long-métrage maîtrisé, à la réalisation élégante, porté par un casting particulièrement convaincant – le duo adolescent Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard, bien sûr, mais aussi l’ensemble des acteurs secondaires, avec une mention particulière pour Sophie Cadieux (la mère de Sasha) et Noémie O’Farrell (la cousine prédatrice déjantée). Le scénario satirique, quant à lui, parvient à être délicieusement drôle et souvent jouissif, avec des répliques bien senties et des scènes décalées, tout en faisant preuve d’une belle sensibilité, qui rend l’histoire touchante et fait que la dimension métaphorique fait mouche à tous les niveaux. Un film fantastique qui prouve une fois de plus la vitalité de la nouvelle génération de cinéastes québécois.
