Caractéristiques
- Titre : Ça : Bienvenue à Derry
- Créé par : Andrés Muschietti, Barbara Muschietti et Jason Fuchs
- Show runner(s) : Jason Fuchs et Brad Caleb Kane
- Avec : Jovan Adepo, Taylour Paige, Chris Chalk, James Remar, Stephen Rider, Clara Stack, Amanda Christine, Blake Cameron James, Arian S. Cartaya, Matilda Lawler et Bill Skarsgård
- Saison : 1
- Année(s) de diffusion : 2025
- Chaîne originale : HBO
- Diffusion françaisee : HBO Max
- Note : 8/10 par 1 critique
Ça : Bienvenue à Derry est une série télévisée d’horreur fantastique américaine. Une préquelle des films Ça (2017) et Ça : Chapitre 2 (2019), tous trois adaptés du roman Ça de Stephen King paru en 1986. La série est créée par Andrés Muschietti (réalisateur des films), Barbara Muschietti et Jason Fuchs. Elle se déroule au début des années 1960, dans la petite ville de Derry dans le Maine.
Quatre enfants vivent près de la base de l’armée de l’air américaine de Derry, qui semble abriter un bunker destiné à des « projets spéciaux ». Ils partent à la recherche d’un de leurs amis ayant mystérieusement disparu.
Un préquel qui dévoile une ville rongée de l’intérieur
Avec Ça : Bienvenue à Derry, HBO et Warner prolongent l’univers inauguré par Andrés Muschietti au cinéma. Le réalisateur, ici créateur et producteur, veille à ce que la série s’inscrive pleinement dans la continuité esthétique et thématique de ses deux films, tout en ouvrant de nouvelles pistes. Le résultat est une œuvre ambitieuse, parfois inégale mais riche en propositions, qui transforme Derry en véritable laboratoire du Mal — social, historique et surnaturel — tout en réutilisant le cycle de 27 ans propre à la créature. En situant l’intrigue dans les années 60, Bienvenue à Derry fait de la ville un personnage à part entière. On y suit plusieurs familles, leurs drames, leurs rêves avortés, leurs peurs, et surtout la manière dont la communauté apprend à vivre dans le déni.
On suit ainsi autant des enfants enquêtant sur la disparition de l’un des leurs que des adultes confrontés à l’étrangeté de la ville. Si le groupe d’enfants ne se forme vraiment qu’à partir du milieu de saison, cela permet de mieux apprendre à les connaître en amont et de soigner leurs relations — notamment celles qu’ils entretiennent avec les adultes. Du côté de ces derniers, la série se concentre davantage sur quelques soldats afro-américains, eux aussi lancés dans une enquête sur ce qui se déroule à Derry. Les deux récits se complètent : une structure à double tranchant, qui permet de faire avancer l’intrigue rapidement mais dilue parfois l’impact narratif et émotionnel. Reste une idée forte, répétée tout au long des épisodes : Derry produit son propre enfer.

Violence sociale et horreur surnaturelle
La série s’appuie fortement sur le contexte américain des années 60. Elle met en scène la ségrégation, les discriminations quotidiennes, la violence raciale et l’impossibilité pour une partie de la population de vivre autrement que dans la peur ou la résignation. Cet aspect social donne une profondeur bienvenue à l’univers et montre comment la créature influence la population. Les scènes où les Afro-Américains subissent des agressions — notamment l’attaque du bar — ont parfois plus de poids que les manifestations surnaturelles, tant dans ce qu’elles montrent de la violence que dans leurs implications psychologiques. Derry devient alors une métaphore de l’Amérique de l’époque, un lieu où les traumatismes collectifs nourrissent un mal invisible… que Pennywise ne fait qu’amplifier.
Concernant Pennywise, la série va là où les films ne faisaient qu’effleurer : l’exploration du passé de la créature. On comprend comment le métamorphe a choisi l’apparence du clown dansant et surtout quel lien le relie à un personnage présent à la fois dans la série et les longs-métrages. Si la créature apparaît dès les premiers épisodes, il faudra toutefois patienter avant de voir la version clownesque de Pennywise. Une montée en tension efficace, d’autant que, lorsqu’il surgit enfin, la série retrouve ce qu’elle sait faire de mieux : faire rire et effrayer dans le même mouvement, portée par le retour d’un Bill Skarsgård toujours aussi réjouissant dans le rôle.

Un univers kingien enrichi
La série multiplie les références directes aux films, que ce soit dans la mise en scène ou les décors. On sent une réelle volonté de cohérence transmédia. Mais Bienvenue à Derry s’inscrit aussi dans l’univers plus large de Stephen King. La prison de Shawshank est citée, rappelant à quel point le Maine est souvent synonyme de destin brisé chez le romancier. Certains personnages entretiennent des liens directs ou indirects avec ceux du Losers Club.
Mais c’est surtout la présence de Dick Halloran (incarné par l’excellent Chris Chalk), figure essentielle de Shining et simplement évoquée dans le roman Ça, qui apporte un vrai supplément d’âme. Il devient ici un trait d’union thématique : celui qui perçoit l’invisible, qui comprend les résonances du Mal, et qui incarnait déjà chez King l’idée d’un héritage traumatique transmis d’une génération à l’autre. Ses scènes apportent gravité et émotion, comme si la série assumait pleinement que tout l’univers de King parle d’une même Amérique fracturée.

Horreur et esthétique
Andrés Muschietti, en tant que créateur, imprime sa marque avec une ambiance poisseuse. La direction artistique est l’un des grands atouts de la série : décors détaillés, atmosphère glauque, tension latente, photographie très proche des films mais ancrée dans les années 60 grâce aux costumes, accessoires et couleurs. L’horreur reste efficace, alternant suggestion et éclats sanglants, avec suffisamment de moments graphiques pour satisfaire les amateurs — la scène dans le cinéma en étant le parfait exemple. Le rythme des épisodes est soutenu : on ne s’ennuie pas. Les effets spéciaux, pratiques ou numériques, sont de qualité.
Il faut aussi souligner l’excellent casting, en particulier les enfants. Clara Stack, Amanda Christine, Blake Cameron James, Arian S. Cartaya et Matilda Lawler forment le cœur émotionnel de la série, et leur solidité permet une vraie attache aux personnages. Les adultes s’en sortent bien eux aussi, mais ce sont clairement les jeunes qui brillent. Enfin, nous avons aussi le retour de Benjamin Wallfisch à la composition musicale. Celle-ci s’avère excellente. Apportant de nouveaux thèmes et en utilisant certains des films avec parcimonie mais toujours avec justesse et toujours justifié.
Ça : Bienvenue à Derry est donc un préquel ambitieux, profondément ancré dans son époque, et soucieux de prolonger la mythologie des films. Ses thématiques sociales, sa belle exploitation de l’univers de King et son exploration du passé de Pennywise en font un complément très solide. Tout n’est pas parfaitement rythmé ou équilibré, mais la série parvient à créer sa propre identité tout en s’intégrant pleinement dans l’héritage du roman et des longs-métrages. Une œuvre parfois frustrante, souvent passionnante, et globalement réussie, qui donne plus de chair à Derry que jamais. On attend maintenant une seconde saison — qui remontera encore 27 ans en arrière — pour en apprendre davantage sur cette ville et cet univers.




