Caractéristiques
- Titre : BlacKkKlansman - J'ai infiltré le Ku Klux Klan
- Titre original : BlacKkKlansman
- Réalisateur(s) : Spike Lee
- Avec : John David Washington, Adam Driver, Topher Grace, Laura Harrier, Jasper Pääkönen...
- Distributeur : Universal Pictures France
- Genre : Biopic, Polar, Comédie
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 2h15
- Date de sortie : 22 août 2018
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Une satire 70’s aux échos résolument actuels
Trois ans après son dernier long-métrage (qui n’avait pas connu les honneurs d’une sortie en France), Spike Lee est de retour sur le devant de la scène avec BlacKkKlansman, une satire sur le Ku KLux Klan au début des années 70, alors que la ségrégation raciale n’a plus lieu depuis quelques années mais que les tensions restent importantes. L’organisation suprémaciste blanche est en perte de vitesse, et ambitionne de toucher un plus grand nombre de personnes en édulcorant son propos afin d’imposer ses idées de façon plus pernicieuse. En creux, on le devine assez vite, se cache bien entendu une critique acerbe et sans concession de l’ère Trump. Car, si le milliardaire américain a pu s’imposer aux élections de 2016, c’est aussi parce-que la parole raciste s’est décomplexée au fil des ans, grâce à un lent processus de « mainstreamisation », si l’on peut dire, rendant le parallèle entre les deux époques d’autant plus pertinent.
Une fois ceci posé, la grande particularité de BlacKkKlansman est à la fois de s’appuyer sur des faits réels — l’autobiographie de l’agent de police afro-américain Ron Stallworth, interprété dans le film par John David Washington — et d’utiliser la comédie pour dénoncer par l’humour et l’absurde des faits et une idéologie qui sont loin d’être drôles. Sans être à son plus haut niveau, le cinéaste américain retrouve ici une partie de sa verve, ainsi qu’une énergie assez communicatrice. Les dialogues, ciselés, font mouche, notamment lorsque Stallworth parle au n°1 du Ku Klux Klan au téléphone en débitant tout un tas de remarques tellement racistes qu’elles en sont cliché pour se foutre de la gueule de son interlocuteur, qui lui prend les choses très au sérieux. Ce double-niveau — un flic afro-américain se faisant passer pour un suprémaciste blanc auprès du Ku Klux Klan pour déjouer un attentat, avec l’aide d’un collègue juif qui lui sert de doublure — donne lieu aux scènes les plus marquantes du film. Ce sont précisément lors de ces échanges du duo avec l’organisation que le rire le dispute au malaise, rendant l’usage de l’humour d’autant plus puissant.
Un Spike Lee convaincant, mais qui a parfois la main lourde
Du coup, on regrettera que Spike Lee appuie plus que de raison son propos (percutant et parfaitement perceptible dès le début) dans le dernier tiers du film, au risque de se poser comme un donneur de leçons. Les scènes citées plus haut, ainsi que certains dialogues politiquement très fins — permettant de mieux comprendre, en filigrane, comment Trump a pu arriver au pouvoir malgré l’évolution des mentalités — sont bien plus forts que ces quelques passages emphatiques et peu subtils. C’est d’autant plus regrettable que le script ne présente pas tous les policiers blancs comme des salauds (sans pour autant nier la part de racisme existant au sein de la police) et présente une vision assez nuancée des choses, qui tranche avec le rejet intégral des forces de l’ordre — compréhensible dans le contexte de l’époque, même si celui-ci n’est pas forcément très développé ici — du personnage de Patrice (Laura Harrier), la petite-amie militante radicale de Stallworth. Par ailleurs, la réalisation de Lee, souvent brillante, manque par moments de force lors des nombreux changements de registre
Cependant, ces quelques réserves ne viennent pas miner le propos défendu, ni gâcher notre plaisir devant cette oeuvre engagée qui nous propose de rire (jaune) d’un sujet ô combien délicat. Entre le film politique, le polar 70’s coloré et le buddy movie assumé, BlacKkKlansman ausculte le passé pour mieux éclairer le présent, sans pour autant en oublier le pur divertissement, très réussi grâce à son excellent casting, emmené par John David Washington, Adam Driver (Paterson, Star Wars : Les derniers Jedi…), Laura Harrier (Spider-Man : Homecoming), Topher Grace et un Jasper Pääkönen aussi ridicule que flippant en militant raciste impulsif et violent. Cependant, lorsque la fiction enlevée laisse place aux images réelles de l’attaque contre les militants anti-racistes de Charlottesville l’été dernier, qui avait fait plusieurs blessés et coûté la vie à une jeune femme à laquelle le film est dédié, le rire cède la place aux larmes avec une rapidité désarmante, laissant un goût durablement amer en bouche.