Caractéristiques
- Titre : She Said
- Réalisateur(s) : Maria Schrader
- Scénariste(s) : Rebecca Lenkiewicz
- Avec : Carey Mulligan, Zoe Kazan, Patricia Clarkson, Andre Braugher et Samantha Morton
- Distributeur : Universal Pictures France
- Genre : Drame, Biopic, Judiciaire
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 129 minutes
- Date de sortie : 23 novembre 2022
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Une enquête passionnante…
Alors que le deuxième procès d’Harvey Weinstein a commencé à Los Angeles, que des youtubeurs et streameurs français ont été dénoncés et que les streameuses alertent sur le cyberharcèlement, voilà qu’arrive en salles She Said. Nouveau long-métrage de Maria Schrader (I’m Your Man), adaptation du livre du même nom de Jodi Kantor et Megan Twohey et tiré de l’histoire vraie qui a mis en lumière les agissements de Harvey Weinstein, She Saidraconte l’histoire des deux journalistes du New York Times (Megan Twohey et Jodi Kantor, donc) qui ont de concert mis en lumière l’un des scandales les plus importants de leur génération. À l’origine du mouvement #Metoo, leur investigation a brisé des décennies de silence autour du problème des agressions sexuelles dans le milieu du cinéma hollywoodien, changeant à jamais la société américaine et le monde de la culture. Alors, qu’en est-il de cette adaptation cinématographique ?
Le scénario de Rebecca Lenkiewicz est d’une construction simple mais efficace. On fait d’abord la connaissance deux journalistes. Jodi Kantor enquête déjà sur le harcèlement sexuel dans le monde du travail tandis que Megan Twohey a enquêté sur les accusations de violences sexuelles à l’encontre de Donald Trump avant son élection. Elle souffre aussi de dépression post-partum. Les deux femmes vont s’associer pour mener cette enquête. Il faut dire qu’elles sont complémentaires en termes de caractère et dans leurs méthodes. C’est l’une des réussites du film, mais aussi un élément important de la réussite de l’enquête. On sent clairement une évolution des personnages, car She Said se déroule sur un peu plus d’un an et demi.
…et édifiante
A part ça, il faut reconnaître que l’enquête est passionnante. Celle-ci avance à petit pas avec de petites et grandes victoires, mais aussi des échecs. On sent qu’il y a une inspiration à la Spotlight ou encore à Les Hommes du Président dans She Said, car la scénariste essaye vraiment de dépeindre au mieux la manière dont les journalistes d’investigations fonctionnent. Evidemment, ce qui est intéressant, c’est le silence et l’omerta imposé aux victimes, qui ne sont pas uniquement des actrices, mais aussi des femmes qui travaillaient à Miramax et ont signé pour les plupart des accords financiers pour acheter leurs silence. Le silence de ceux qui ont travaillé avec Weinstein, qui sont clairement complices, est également démonté et dénoncé en montrant le système qui était mis en place pour le protéger. Et il est évidemment question du silence du monde du cinéma avant l’explosion du scandale. Même si le producteur n’apparaît que dans une seule scène dans laquelle on ne voit pas son visage, on ressent sa présence et sa pression tout au long du film.
Mais on sent aussi que tout commence à s’effriter et la panique de son équipe quand ils se rendent compte que l’enquête des deux journalistes, qui ont reçu des menaces de mort et se sont fait espionner, ont continué à creuser et à parler aux victimes alors qu’une enquête similaire sur Weinstein du New Yorker s’est arrêtée en raison de pressions exercées sur le journal. On a part ailleurs droit à certains récits assez édifiants, que ce soit de la part d’actrices, dont Ashley Judd qui joue son propre rôle dans le film car elle était l’une des personnes les plus importantes dans l’enquête, ou de femmes travaillant à Miramax, qui racontent les subterfuges qu’elles avaient trouvé pour ne pas que Weinstein s’en prenne à elles. Des descriptions qui font froid dans le dos. Le tout est donc bien mené, avec une intrigue passionnante qui monte crescendo au compte goutte. Il faut aussi noter que les deux journalistes sont aidées et supportées par leurs supérieurs.
Une réalisation simple mais efficace
En ce qui concerne la réalisation, Maria Schrader fait dans la sobriété. Elle pose sa caméra, préférant faire monter la tension ou l’émotion, ou encore jouant sur le silence. Evidemment, pour une histoire telle que celle-ci, elle se refuse à tomber dans le spectaculaire et reste dans la sobriété. Le traitement ne reste pas factuel pour autant. On pense surtout à la scène où Weinstein apparaît. Elle ne montre pas son visage et pourtant, il y a un vraie tension dans celle-ci. Elle dirige aussi parfaitement ses actrices. Il y a un vrai jeu de chat et de la souris entre les deux journalistes et les victimes de Weinstein ou les personnes qui ont travaillé pour lui. Megan Twohey et Jodi Kantor cherchent à chaque fois la faille ou l’étincelle qui permettra d’obtenir un témoignage. La direction photo est réaliste. Le rythme du film est bon et monte crescendo, autant dans la tension que dans l’émotion. Enfin, la musique de Nicholas Britell est simple, minimaliste, mais efficace.
Un casting impliqué
Côté casting, Carey Mulligan (Promising Young Woman) est excellente dans le rôle de Megan Twohey. On sent clairement l’engagement, mais aussi la persévérance, tout autant que ses failles, avec sa dépression post-partum. Une belle prestation. L’interprétation de Zoe Kazan en Jodi Kantor est simple mais efficace. Le problème c’est que son interprétation est assez unidimensionnelle dans ses expressions et sa palette émotionnelle. Dommage. Patricia Clarkson et Andre Braugher ont peu de scènes dans les rôles des éditeurs Rebecca Corbett et Dean Baquet, mais leurs interprétations sont solides Il en est de même pour Samantha Morton qui, en deux scènes, démontre toujours son talent dans le rôle de Zelda Perkins, ex-assistante de Weinstein.
Au final, She Said est un long-métrage important et une enquête passionnante autant qu’édifiante sur la plus grosse affaires ayant secoué l’industrie du cinéma ces dernières années.