[Étrange Festival 2016] Sam Was Here – Christophe Deroo

image affiche sam was hereCaractéristiques

  • Réalisateur : Christophe Deroo
  • Avec : Rusty Joiner, Sigrid La Chapelle, Rhoda Pell, Hassan Galedary
  • Durée : 75 minutes
  • Année de production : 2016
  • Genre : Fantastique

Synopsis

Perdu au fin fond du désert californien, un démarcheur cherche de nouveaux clients en passant de village en village. En vain. Alors que sa voiture tombe en panne et qu’un tueur rôde dans la région, il va découvrir l’hostilité de la population locale et sombrer peu à peu dans la paranoïa…

La critique

Si l’on nous avait dit que l’une des meilleures surprises de cette édition serait un film français… Bon, on l’aurait cru, ne poussons pas le bouchon un peu trop loin : notre pays est bourré de talents qui ne demandent qu’à se révéler. Mais galèrent, pataugent, rament, puis s’exilent pour enfin trouver des cieux plus cléments (et plus aimants). Parmi eux, Christophe Deroo ne sort pas réellement de nulle part : déjà auteur d’une poignée de courts remarqués (on vous recommande notamment Le Hall Des Pendus), tournés notamment au Japon, on attendait de le voir réussir le passage vers le format long. Et comme le monsieur aime ne pas faire comme tout le monde (OK, il n’avait peut-être pas le choix), il se donne en plus des restrictions de temps de tournage affolantes : douze jours. Le gros risque, pour Sam Was Here, était que le plan de travail se retrouve invité à l’écran, avec des shoots pris à l’arrache, choisis par dépit au montage, bref que la post-prod en paie les conséquences. Et vous savez quoi ? Ce n’est absolument pas le cas.

Sam Was Here est un coup de cœur pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est un pur film de genre qui, pour autant, n’enfouit pas la personnalité de son auteur sous des kilos de codes à respecter. Film d’errance tout autant que survival, thriller ou encore film d’horreur sans ménagement, l’œuvre brasse large. Mais la vision du monde par Christophe Deroo, elle, est précise comme un coup-franc de Juninho des trente mètres en pleine lucarne. Sam Was Here, c’est donc l’histoire de Sam (Rusty Joiner bien plus convaincant que dans Resident Evil : Extinction), un colporteur dont l’emploi est quelque peu remis en cause : le monde autour de lui a purement et simplement disparu, ou du moins se cache avec une belle efficacité. L’introduction du film peut prendre un peu par surprise, ce qui n’est pas un mal loin de là, tant la situation nous est exposée sans ménagement. Le personnage hante des lieux si vides qu’ils semblent eux-même hantés. Mais alors, Sam serait…

image sam was here

Chut c’est un secret (et l’on veut éviter au maximum de vous spoiler la tronche), mais sachez que, dans Sam Was Here tout (ou presque) est affaire d’impressions, de convictions. Le film bascule bien dans une action légèrement plus précise dans son dernier acte, après un gros travail sur la paranoïa, mais même lors du  (super) point culminant le spectateur ne peut qu’imaginer les liens, les causes. Bon, pas les effets, qui par ailleurs régaleront les amateurs d’horreur qui tâche, mais attention : c’est toujours maîtrisé, pas de débordements inutiles, pas de gore qui n’aurait que peu de sens, sinon de satisfaire une partie de nos instincts qui n’est pas invitée à la fête. Sam Was Here n’est jamais crétin, n’en fait jamais trop ni pas assez. Le récit, lui, évolue avec élégance, comme on l’écrivait la structure réserve quelques basculements, des changements de ton presque imperceptibles mais tout de même bien présents. Le but est de pouvoir accompagner la prise de conscience du spectateur, quelle qu’elle soit, vers un point culminant jubilatoire de par son jusqu’au-boutisme, et sa représentation de l’inconcevable, l’insondable, qui confine au lovecratien (oui, carrément). Mais, encore une fois, préférons nous taire et ne pas vous dévoiler quoi que ce soit…

Sam Was Here apporte des réponses, mais à son rythme. Et ça, bon sang, on applaudi des deux mains tant il s’agit d’un parti pris ultra courageux pour ce qu’on aurait peut-être tort de considérer comme un premier film (et les courts, alors ?). Le réalisateur ne se laisse jamais déborder par son rythme, qu’il veut contemplatif. Outre que les plans sont toujours clairs, la grammaire cinématographique très maîtrisée, c’est cette façon de jouer avec le temps, de le plier et le déplier à volonté, qui nous fascine. Christophe Deroo a sûrement lu un certain Temps Scellé, ou alors c’est que Tarkovski l’habite. Alors certes, quelques fois on se dit “tiens, le cut intervient un peu tard”, notamment sur un ou deux gros plans peut-être un peu longuets, mais rien de bien méchant. Sam Was Here est un véritable tour de force visuel, mais aussi sonore (la bande originale signée Christine est phénoménale), qui redonne espoir à celles et ceux qui pensaient, un peu fatalement, que le cinéma français est incapable de créer des auteurs aussi portés sur le fondamental que sur le formel. Il va falloir revoir ce jugement et courir (re)voir ce film dès que possible. Monsieur Deroo, il va falloir enchaîner, et attention car dorénavant vous êtes attendus !

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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